2.8
Nous nous retrouvons à l’aube sur le quai du premier train. Un bonjour ensommeillé. Nous avons trois heures pour nous retrouver. Je suis à nouveau surpris par le faible nombre de voyageurs. Nous ne risquons pas d’être dérangés, ou de déranger.
Pierri somnole, moi aussi. Une heure plus tard, je me réveille, sans doute percé par le regard de Pierri sur moi. Que de chaleur, que… d’amour ! Avant que j’aie pleinement réalisé, il m’embrasse tendrement. Le premier baiser avait volé sur le quai d’une gare. Le deuxième, à l’abri des regards, est un serment de passion éternelle. La semaine s’annonce splendide, malgré un planning dément.
— Bonjour Usem !
— Bonjour Pierri ! Tu es un vrai rayon de soleil ! Je ne parle pas de ta couleur de cheveux !
— Toi aussi, tu es lumineux ! Que je suis content de te retrouver !
— Merci pour ce réveil ! Tu te rends compte que tu viens d’embrasser amoureusement un mec ?
— Je viens d’embrasser une personne qui compte pour moi, énormément ! Tu es prêt pour attaquer ?
— Oui ! On va en baver, cette semaine !
— Aucune importance, avec toi, je suis prêt à aller en enfer !
— Merde !
— Pourquoi ?
— Je voulais t’emmener au paradis !
— Je peux m’adapter !
Nous voilà répartis dans nos petits jeux, que nous n’arrêterons qu’à l’arrivée. Le temps s’était suspendu.
La journée fut longue, car nous avions deux stations à installer, très éloignées, et nous devions finir en rejoignant notre hôtel à plus de deux cents kilomètres. Travailler avec lui était un vrai plaisir, car il était efficace, contournant toutes les difficultés sans se laisser abattre.
La conduite donnait lieu à de petites disputes, car nous aimons tous les deux conduire. J’avais le volant en main et nous discutions de notre prochaine étape quand il posa sa main sur ma cuisse.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Usem, j’ai envie de ton contact, de te toucher physiquement !
— Pierri, tu sais l’effet que ça me fait ! Je suis gay ! Tu as oublié ?
— Tu bandes ? Pour moi ? Ça me fait tout drôle de savoir que tu bandes pour moi, que tu as du désir pour moi !
— Tu sais, une main sur une cuisse nue, c’est un peu réflexe. Et puis, tu n’es pas le premier garçon qui me fait bander !
— Je ne te fais aucun effet ?
Sa main caressait doucement le dessus de ma cuisse, glissant vers son intérieur.
— Pierri, j’essaie de conduire et tu me dragues, tu m’excites. Arrête ! Tu sais bien que tu me fais un effet spécial. Très intense ! Et toi, ça ne te fait pas bander, de me toucher ?
— Ben non ! Juste le plaisir de ce contact.
Je suis absolument incapable de juger la véracité de son affirmation, n’ayant jamais pu toucher un garçon sans déclencher une excitation.
— Expérience : tu remontes ta main jusqu’à sentir mon sexe. Tu sens comme il est dur ! Tu me dis si ça te fait bander !
Tout ça à 130 km/h ! Quelle importance ?
— Non, toujours rien !
Pour le coup, j’étais prêt à lâcher le volant pour aller chercher la preuve de son mensonge !
Ces jeux occupaient nos longs trajets.
Il était infernal. Quand nous mangions à table, face à face, il glissait ses jambes entre les miennes. Je sentais ses poils me caresser, car il les remuait doucement. Dès qu’il le pouvait, il m’excitait d’une façon ou d’une autre. Il n’était pas gay, mais il savait draguer un homme, le porter à son point de fusion. Je n’arrivais pas à lui demander d’arrêter, tellement heureux de ces attouchements.
Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’il faisait, à quoi il jouait avec moi. Je savais qu’il allait me faire craquer ! C’est ce qu’il cherchait et que je lui refusais. Quand je posais un regard interrogateur, il me répondait par son sourire désarmant.
Le soir, je lui demandais comment s’était déroulé son weekend, ce qu’il avait raconté à Clarisse.
— C’est ça ! Tu veux que je quitte ma femme ! C’est toi ou ma femme, déclama-t-il dans la salle, heureusement presque vide.
— Arrête ! Dis-moi.
— Je lui ai juste dit que tu étais un mec super sympa. Ce qui n’est que la vérité !
— Pas plus ?
— Pour moi, infiniment plus ! Surtout, elle m’a trouvé transformé, plus beau, plus mature, plus serein, m’a-t-elle dit ! J’ai mis ça sur le compte d’une semaine au grand air. Et puis la nuit, je ne l’ai pas déçue ! J’étais inépuisable. Elle a adoré !
Pourquoi j’ai comme une honte de lui avouer que, moi aussi, je me suis défoulé avec Doron ? Pourquoi suis-je jaloux de Clarisse à en mourir ?
La semaine passe vite, trop vite. Trop de travail, trop d’émotions. Il joue avec moi constamment, me relançant dès que mon attention n’est plus sur le travail ou sur lui. Je suis excité en permanence, épuisé. Lui vit cela calmement. Il n’en est que plus attrayant.
Le deuxième weekend ressemble au premier. Je suis déçu à l’ActiveX, car j’apprends que Mabula et Alex ont fricoté ensemble. Je passe un savon à Mabula : on ne fait pas l’amour à un adolescent, même majeur sexuellement. Je passe un long moment avec Alex. Je lui explique que c’est avec des camarades de son âge qu’il doit sortir. Je décharge ma colère sur Charles, le traitant de père indigne.
En revenant, je me trouve odieux. Je me suis permis d’intervenir dans la vie de personnes de ce gamin : pour qui je me prends ?
Il faut dire que je suis occupé par autre chose. Pierri m’a proposé de rester sur place le weekend prochain ensemble, pour gagner un jour de travail. Cette fois, c’est lui qui décide et je me soumets. C’est quoi, ça veut dire quoi « un weekend ensemble » ?
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