De la vénalité : Linda Fiorentino, Jane Greer, Kathleen Turner et Barbara Stanwyck

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Encore une différence manifeste avec moi, s'il en était besoin : je connais une réussite professionnelle suffisante et gagne largement ma vie pour ne pas avoir à assujettir mes intentions à la recherche d'un profit financier.

Alors que les cas que je vais vous exposer font la part belle aux profiteuses et à celles qui placent le gain d'argent au-dessus de tout.

Le modèle intétrônable : Babara Stanwyck-Phillys Dietrichson dans "Assurance sur la mort" (Double indemnity), de Billy Wilder (1944), cynique qu'on relègue à tort au rang de réalisateur exclusif de comédies.

Phillys profite de la veulerie de son soupirant Walter Neff, agent d'assurances, pour préconiser le meurtre de son époux après qu'il aura souscrit, à l'initiative du dit soupirant, devenu amant entre-temps, une juteuse assurance vie en sa faveur. La scène la plus célèbre la montre, allumant éhontément son partenaire assureur, en présence de l'époux qui compulse la police que les deux complices souhaitent lui voir signer. La chevillère qu'elle porte à la jambe gauche marquera des générations de cinéphiles.

Franchement, je me retrouve assez dans cette scène de séduction dévastatrice. Et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! La ressemblance s'arrête là. Ne perdez pas de vue que Mrs Dietrichson est une meurtrière en puissance.

Nul doute que son personnage a inspiré celui de Kathleen Turner dans ''La fièvre au corps'' (Body heat, Lawrence Kasdan, 1981) , récit qui baigne dans une ambiance poisseuse et funeste.

Body heat est emblématique d'une constante des films noirs comportant une femme fatale : le personnage masculin, Ned Racine-William Hurt, perçoit le péril qui traîne dans le sillage de la mystérieuse beauté, pressent d'entrée que ça va mal finir , mais ne peut résister à l'appel.

Ah bon ? Vraiment ? Vous trouvez que ça correspond au cheminement des hommes qui ont obtenu mes bonnes grâces ? C'est possible. Je ne me rends pas compte.

Entre nous, ce ne sont pas les menues exigences auxquelles se plient mes galants, avec une bonne volonté touchante, qui les emmènent vers une fin sordide, si ?

Si tel est le cas, je puis vous assurer qu'ils ont l'air particulièrement heureux de mal finir.

Ce principe d'attirance irrépressible préside également au déroulement de "Last seduction" ( John Dahl, 1995). Probablement s'avère-t-il encore plus spectaculaire tant Bridget-Linda Fiorentino, lors de la première rencontre, se montre rébarbative envers Mike Swale-Peter Berg, méprisante. Elle ne produit aucun effort pour le harponner, comme si elle subodorait qu'il reviendrait vers elle comme la mer au rivage. Comme si, également, elle souhaitait le dissuader de courir à sa perte, tout en sachant qu'il cèderait à l'attraction. La scène du bar est un modèle du genre.

Dans le cas de Fiorentino, les hommes constituent tout bêtement des outils, les barreaux d'une échelle pour parvenir à son but.

Kathie Moffett-Jane Greer dans "La griffe du passé" ("Out of the past", Tourneur, 1946) représente, à l'instar de Stanwyck, une des inspirations de Turner, Fiorentino, ou encore Rebecca Romijn chez De Palma. Elle aussi joue de l'amour que lui porte(nt) un ou plusieurs hommes pour filer avec le magot.

Sincèrement, vous me voyez me faire la malle avec les salaires de mes partenaires? Quel intérêt ? Déjà, ils gagnent moins que moi, et, de toute façon, ce n'est pas ce que j'attends d'eux. Je n'ai aucune intention des les fuir. Me séparer d'amants si disponibles serait une incommensurable faute de goût. Vous me connaissez, j'ai horreur de ça.

D'autre part, je vous ferai remarquer que contrairement à la Fiorentino ou à la Turner, qui se la jouent distante , mystérieuse ou hostile, je souris à mes courtisans.

Comment ça ? Il s'agit ni plus ni moins d'une autre manière de les envoûter ?

Vous n'êtes jamais content, vous, alors !

Evidemment, malgré mon aisance pécuniaire, je ne répugne pas à me faire offrir des cadeaux dispendieux par des amants soucieux de me prouver leur attachement. Il faut bien qu'ils me méritent, non ? D'ailleurs, comment les empêcher de se ruiner pour moi ? Si vous croyez que c'est évident ! Ils ont la vexation facile. De surcroît, j'appréhende assez difficilement comment vous pourriez ranger ces acquisitions de babioles dans la colonne 'profit financier'.

Comment ? Encore Sidney Streegteen ? C'est une idée fixe, ma parole ! Pourquoi voulez-vous inclure à tout prix mon ex-chef dans la conversation ?

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