Chapitre 6 : L'illégitimité (partie 1)

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CHAPITRE 6 : L’ILLEGITIMITE

Zayn se réveilla en sursautant. Quelqu’un tambourinait à la porte en criant son nom, c’était Martin. « Zayn réveille toi, tu vas rater le départ il est déjà 14 heures ». Il réussit à entendre au milieu du vacarme la voix d’Elisabeth qui demandait à Léon et à Martin s’ils étaient d’accord pour utiliser un sort et faire sauter la porte. Zayn se leva à temps pour leur ouvrir avant qu’ils ne fassent exploser la moitié de la pièce.

  • Qu’est-ce que tu fiches Zayn ? demanda Martin effaré, tu ne veux pas aller à Barbelle ou quoi ?
  • Martin espèce de crétin, il dormait ! lui répondit Elisabeth exaspérée
  • J’ai raté le départ ? bredouilla Zayn horrifié.
  • Non mais c’est dans une heure cher ami, lui fit Léon. Si tu as des bagages on peut t’aider à les porter jusqu’à la salle des estrades.
  • Non, non, Merci… lui répondit Zayn timidement, gêné qu’ils se soient déplacés jusqu’ici pour lui.

Zayn s’était endormis à l’aube et n’avait pas réglé son réveil, il essaya de se saisir de ses bagages pour les traîner en direction des escaliers mais Léon claque des doigts et les bagages se mirent à flotter derrière lui, le suivant en file indienne, docilement, pendant qu’ils redescendaient les escaliers menant au rez-de-chaussée. Zayn eut tout juste le temps de faire sa toilette et de ramasser la réponse que lui avait envoyé Mathias. Une fois arrivé à la réception, il se confondit en excuse de nouveau en se maudissant. Le réceptionniste arriva et Martin prit la parole :

  • Bonjour, pouvez-vous nous montrer le chemin vers la salle des estrades ?
  • Suivez-moi, répondit le réceptionniste aux cheveux grisonnant en leur montrant un couloir adjacent à celui menant vers les escaliers. Vous risquez d’arriver en retard, ajouta-t-il en regardant sa montre. Vous ne serez sûrement pas le premier à avoir rater un départ après la grande nuit blanche… Je vous conseille la prochaine fois de…

Le réceptionniste continua à marmonner tout seul pendant qu’il les guidait vers les estrades. Ils le suivirent et franchirent la dernière porte sur la gauche pour arriver dans une une grande salle au plafond bas comportant une dizaine de socles circulaires en bois avec des runes gravées sur le côté. Chaque socle était fait d’un bois parfaitement ciré et mesurait trois mètres de diamètre. Léon déposa les bagages dans le socle le plus proche et dit d’une voix forte :

  • Barbelle !

A la grande surprise de Zayn, les bagages disparurent aussitôt avec un léger bruit d’aspiration ressemblant à celui des boîtes à encres. Elisabeth les pressa avant qu’ils n’aient le temps de souffler :

  • Vite ! Allons prendre la calèche pour l’Aire des Montgolfières.

Ils acquiescèrent et sortirent de l’auberge en remerciant le vieil homme et s’engouffrèrent dans une calèche légèrement plus grande que celles portant la mention « taxi ». Une fois installés la calèche démarra en trombe suivant les instructions effrénées d’Elisabeth.

  • Mon père nous a prêté sa calèche pour le grand départ. Nous nous sommes inquiétés quand nous avons vu que tu n’étais pas là à 13 h 30. On a donc décidé d’aller voir si tu étais encore à l’auberge. J’étais sûr que tu ne t’étais pas réveillé, puisqu’on a fait une nuit blanche, termina-t-elle en se pinçant les lèvres.
  • Vous n’avez toujours pas dormi, demanda Zayn effaré en voyant leurs cernes.
  • Non ! répondit fièrement Martin en bombant le torse. La coutume veut qu’on ne dorme pas jusqu’à ce soir. Mais ce n’est pas grave si tu n’as pas réussi à lutter contre le sommeil… C’est naturel… lui assura-t-il en voyant sa mine anxieuse.

Zayn voulait faire les choses dans les règles et il digérait mal le fait qu’il soit le seul à ne pas avoir tenu sans dormir jusqu’au départ.

  • Sois assuré ! Fit Léon de son habituelle voix calme et posée, pleins de personnes s’endorment toujours après la nuit. Il n’y a rien de mal à faire une petite sieste avant le départ. Zayn acquiesça.

La calèche suivant les indications de plus en plus agitées d’Elisabeth brulait maintenant les feux rouges et doublait les autres véhicules en sens inverse. Il n’était plus qu’à 5 minutes du point de rendez-vous. Martin lui tendit un bout de brioche que Zayn engloutit d’un coup et lui tendit un Goblet argenté qu’il retira de son sac à dos :

  • Dis-lui ce que tu veux boire ! l’incita Martin

Zayn hésita puis demanda un café allongé qui se matérialisa aussitôt tout chaud et fumant. Il essaya de boire mais le liquide refusait de descendre du gobelet en se collant au fond. Zayn regarda Martin d’un air interrogateur.

  • Jette lui cinq centières et ça ira ! Je l’ai eu de chez Le Café de la Lune. C’est une très bonne enseigne de New-York Magique.

Zayn hésita, il n’était pas du tout convaincu à l’idée de lancer des pièces dans le café qu’il allait boire, ce n’était pas très hygiénique, mais il finit par s’exécuter et lança cinq centières dans le gobelet. Les pièces n’avaient pas dû toucher le fond car il n’entendit rien, il en conclut qu’elles avaient disparus comme avec le bol dans les taxis. Il eut tout juste le temps de le finir son café que la calèche arriva dans une énorme place de la taille d’un stade de football ou des dizaines de montgolfières et d’aéronef étaient stationnés à terre.

Le spectacle était extraordinaire. Chaque aéronef avait une couleur propre avec le sigle de son école respective imprimée sur le ballon. L’endroit grouillait de personnes qui s’apprêtaient à embarquer pour leurs voyages. On pouvait repérer devant chaque embarcation des personnes qui contrôlaient les passagers avant de monter à bord. Plusieurs jeunes doués étaient venus accompagnés de leurs parents qui arrachaient des embrassades à leurs enfants avant le grand départ.

Zayn entendit un rugissement assourdissant qui vint du plus grand aéronef au centre de la place. Il sursauta puis sourit quand il comprit de quoi il s’agissait en regardant un lion d’or imprimé sur le ballon pousser un deuxième rugissement plus sonore que le précédent : l’aéronef qui emmenait à Barbelle. C’était le plus gros de la place, et à en juger par sa taille, c’était le plus grand. Des curieux tournèrent la tête en essayant de repérer l’origine du rugissement, et affichaient une expression admirative quand ils voyaient le lion de Barbelle s’animer et tourner en rond sur toute la surface du ballon. En voyant tout ce spectacle, Zayn ne put s’empêcher de penser qu’il avait bien fait de choisir le monde magique. Il ne regrettait absolument pas ce qu’il avait laissé derrière lui, son appartement, ses admissions aux universités et Paris. Pour la première fois de sa vie, Zayn sentait qu’il appartenait à quelque chose d’important, de grand et sublime à la fois. Le monde magique était merveilleux, et même si il avait été déçu hier en découvrant l’aversion qu’avaient certains doués pour les sans-Dons, il ne pouvait nier que ce monde restait incroyable et beau.

Zayn suivit Elisabeth qui les guidaient à travers les files pour les montgolfières et finirent par arriver très vite devant la file de Barbelle. Il n’y avait que deux personnes qui faisaient la queue, Zayn en déduisit qu’ils étaient vraiment arrivés juste à temps et que l’ensemble des élèves de Barbelle avaient déjà embarqués. L’homme qui contrôlait les embarcations était habillé en costume noir avec une cravate grise et avait une petite calvitie, il portait également une canne d’une main et une liste de l’autre.

  • Nom et prénom, s’il vous plaît ! Dit-il placidement.
  • Zayn Mistrot, répondit Zayn hâtivement.
  • Zayn Mistrot… Zayn Mistrot… Zayn Mistrot… dit l’homme en passant les différents noms de la liste de l’index. Ah ! Vous voilà ! s’exclama-t-il le nez dans la liste. Puis-je voir votre carte d’identité ?
  • Oui, bien-sûr, fit Zayn en lui tendant sa carte. Il l’inspecta du bout des doigts, prononça une formule inaudible puis acquiesça de la tête en souriant.
  • Bienvenu à Barbelle Mr. Mistrot. Dit-il en rendant sa carte à Zayn.

Zayn attendit que le reste de la troupe soit contrôlée puis il escalada l’escalier en fer qui menait à l’entrée de l’aéronef. L’engin ne ressemblait à rien de ce qu’il avait pu voir dans le monde normal. Il était construit en métal de l’extérieur, mais son architecture intérieure était curieusement faite en bois. Une fois à bord, il atterrit dans un long couloir. Sur sa gauche, Zayn pouvait voir une multitude de chambre tout le long avec des numéros gravés en lettres d’or sur les portes. A sa droite, le couloir continuait et menait vers une large salle qui ressemblait à s’y méprendre à une sorte de café avec une multitude de tables et de chaises. Les tables et le sol étaient fait du même bois noir. Derrière le long comptoir élégant un grand nombre de baristas se hâtaient pour préparer les commandes des voyageurs. Zayn remarqua qu’il y’avait également une terrasse qui donnait sur le nez de l’aéronef. On pouvait aussi voir tout un tas de breuvages que les personnes travaillant derrière le comptoir préparaient, certaines de ces boissons avaient une couleur vive hypnotisant. Zayn se demandait quel goût ils pouvaient avoir, mais se ravisa en se rappelant l’épisode avec Madame Longue-Jambe.

Il s’avouait qu’il n’avait jamais rien vu de tel, de l’extérieur l’aéronef ressemblait à n’importe quel ballon, mais à l’intérieur Zayn découvrait un véritable petit hôtel. La salle du café était assez grande pour accueillir des milliers de personnes. Zayn était sûr que de l’extérieur l’aéronef n’était pas aussi grand, mais à l’intérieur le café avait la taille d’une énorme place de Paris Magique. Il n’avait aucune idée de quelle forme de magie c’était, mais il était sûr que l’intérieur de l’appareil avait été enchanté pour qu’il puisse accueillir autant de monde. Les tables étaient toutes presque prises. Zayn repéra des élèves qui se dirigeaient vers le côté des chambres, furtivement, sûrement pour se reposer après leur nuit blanche. Ces « fuyards » s’arrangeait pour ne pas être remarqués quand ils décidaient d’aller faire une sieste. Il était coutume de ne pas dormir le premier jour de Barbelle, mais il ne pouvait que plaindre ces malheureux, parce que lui-même avait dormi la veille.

Ce fut Martin qui repéra le premier une table de libre vers le coin droit près d’un des nombreux hublots :

  • Venez par-là, dit-il en montrant du doigt une table. Celle-ci est vide, on peut s’y installer.

Tous les quatre se hâtèrent de se diriger vers la table avant qu’elle ne soit prise et s’y installèrent confortablement. Martin alla jusqu’à étendre ses jambes sur une chaise jusqu’à ce que Elisabeth le pinça si fort qu’il en eu les larmes aux yeux. Ces deux-là semblaient être amis depuis très longtemps, et il en valait de même pour Léon. Zayn savait qu’il avait été chanceux de tomber sur eux car il aurait pu rencontrer d’autres personnes comme Ever. Il ne s’était jamais senti de toute sa vie aussi « complet » qu’il l’était aujourd’hui. Ce sentiment de plénitude, il l’avait ressenti dès ses premiers jours à Paris Magique, mais sa rencontre avec Martin et sa bande l’avait renforcé. Il n’y a même pas un mois, il vivait encore dans le monde normal qui, à côté du monde magique, était beaucoup plus ennuyeux et morne. Le monde magique lui était captivant. Au fur et à mesure que les jours étaient passés à Paris Magique, il s’était rendu compte combien beaucoup d’évènements comme les guerres ou les révolutions scientifiques et sociales était le fruit de travail acharné de doués qui avaient infiltrés le monde normal et qui tiraient les ficelles. Certains présidents de la république française, il y’a un siècle, avait même était des paladins qui œuvraient en secret pour maintenir l’ordre mondial et essayaient d’améliorer le sort des français.

Il ne pouvait pas être plus reconnaissant envers Mathias qu’il ne l’était déjà, il l’avait convaincu de rejoindre le monde des doués. Bien entendu, il n’y était pas allé de main morte en le ligotant, mais c’était nécessaire vu l’état de panique dans lequel avait été plongé Zayn.

En repensant à Mathias il se souvint qu’il lui avait adressé une réponse à la lettre qu’il avait griffonné juste avant de dormir. Il décida de la lire :

« Cher Zayn,

Demain, c’est le grand jour pour toi, j’espère que ton intégration se déroulera dans les meilleures conditions. Bien-sûr je serais là-bas à Barbelle et on aura tout loisir de discuter si tu le souhaites.

D’après ce que tu m’as raconté ce Ever avait des idées un peu extrémistes, mais rassura toi, je connais sa famille et je peux te promettre que lorsque la Lame était entrée en guerre contre l’Alliance, les De Campagnolles avait pris les armes pour défendre nos terres. Ils ont toujours eu une dent contre les sans-Dons, mais cela ne les arrangerait pas que la Lame prenne le pouvoir, ils ont donc combattu et ils n’hésiteront pas à le refaire s’il le fallait.

Ne soit pas surpris de rencontrer ce genre de personnes, tu en trouveras à tous les niveaux, que ce soit à Barbelle ou ailleurs. Ces familles-là se permettent de clamer haut et fort leur haine des sans-Dons et sont mal vues, mais il n’en reste pas moins qu’elles sont souvent très influentes.

Chasse de ta tête ces idées noire et profite de ta rentrée. Je suis content que tu aies pu rencontrer Elisabeth et sa bande. Ce sont des personnes respectables, je connais personnellement leurs parents, ce sont des gens charmants.

Bien à toi,

Mathias »

Lire la réponse de Mathias l’avait quelque peu rassuré, il comprenait maintenant que cette forme xénophobie à l’encontre des sans-don était quelque chose de courante et qu’il devait s’y habituer. Il comprenait aussi que même dans la société magique il existait des jeux d’influences politique et cela impliquait indirectement que si un jour il voulait servir au sein du monde normal, il devra être confronté à l’opposition de personnes ayant du pouvoir et qui souhaiteraient minimiser l’impact qu’avaient les doués sur le monde normal.

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