Chapitre IV

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Éléonore se réveilla. Elle était allongée sur une surface dure dans une position complètement inconfortable. Tous ses muscles protestèrent quand elle voulut se lever.

Quoi ? J’ai dormi sur le parquet ?

Elle se redressa courbaturée et mit un jean et un simple T-Shirt bien qu’il soit fin octobre. Elle descendit et entendit les voix de ses parents avant de pénétrer dans la cuisine. Elle se figea.

- C’est vrai qu’elle n’a plus toute sa tête depuis très longtemps, dit sa mère.

- Si elle reste là-bas deux semaines avec elle, elle reviendra forcément en réfléchissant sur ce qu’elle a fait, ajouta son père.

- C’est clair. Ophélie a le don de rendre dingue tout ceux qui la côtoie. Tu lui as déjà téléphoné ?

- Non. Je le ferai pendant la pause midi.

- Tu crois qu’elle acceptera d’héberger notre fille du jour au lendemain ?

- Évidemment. Elle n’a jamais vu nos enfants. Crois-moi, ça ne la dérangera pas.

- Si tu le dis.

Éléonore fronça les sourcils mais quand son père racla la chaise contre le sol en se levant, elle remonta dans sa chambre silencieusement.

Notre fille. Jamais Éléonore. Sauf quand ils me grondent, qu’ils me disent de faire si et ça. S’ils pensent vraiment que je vais revenir m’excuser auprès d’eux ! Si ça se trouve, cette Ophélie est sympa. C’est juste que mes parents ne la supportent pas... Ils ne supportent pas beaucoup de personnes en soi, donc…

Le réveil sonna. L’adolescente se boucha les oreilles et l’envoya valser par terre. Il fit un étrange bruit et elle le ramassa. La vitre était fissurée et plus aucune lumière n’affichait l’heure.

Si mes parents voient l’état de mon réveil… J’espère qu’ils n’ont rien entendu.

Elle soupira de dépit.

Je vais devoir supporter Laura...

Elle s’aspergea le visage d’eau froide et descendit dans la cuisine. Ses parents n’étaient plus là. Elle se détendit légèrement et mangea quelques tranches de pain.

J’ai de nouveau faim. Plus que d’habitude. C’est la deuxième fois. Et bizarrement, ça m’arrive quand le félin dans mon rêve n’arrive pas à attraper une proie… Coïncidence ? Alors que quand j’ai fait mon premier et troisième rêve, je n’avais pas d’appétit, comme si j’avais mangé en même temps qu’eux. Je ne suis pas somnambule quand même ?! Je vais devenir folle si j’y réfléchis trop…

Elle fourra son carnet dans son sac puis alla au collège en ignorant complètement son frère. Le premier cours de la journée était Arts Plastiques. La professeure leur parla de la ligne d’horizon. Ils durent dessiner la perspective d’une rue. Éléonore y parvint plus ou moins. Mais malgré le fait qu’elle aime dessiner depuis peu, elle n’apprécia pas le cours, le trouvant trop ennuyant. Après, ils avaient une heure de permanence, comme tous les jeudis. Elle s’installa au fond de la salle et sortit son cahier. Cette nuit, elle avait rêvé d’un puma si elle en croyait les livres. Tracer des traits pour former un dessin la calmait. La sensation du crayon sur la feuille la ravissait, voir comment un seul trait pouvait tout changer. Pendant la récré, Éléonore continua son carnet, obnubilée par son travail. Elle n’aurait pas dû. Laura s’approcha d’elle et le lui arracha des mains.

- Hé ! Rends-le moi ! s’écria-t-elle en se relevant.

- Non.

Elle le feuilleta scrupuleusement.

- Tu aimes les félins... J’ignorais...

Sous le regard horrifié d’Éléonore, Laura entreprit de déchirer le carnet. Les dessins, les annotations...

- Non ! Arrête !

Elle tenta de le lui reprendre mais Laura ne lui en laissa pas le temps. Elle le jeta simplement par terre comme un vulgaire mouchoir. Éléonore tomba à genoux devant son travail. Des larmes coulèrent, ses mains tremblèrent.

- Comment...

Laura rit et lui tourna le dos sans répondre. Éléonore avait vaguement conscience des rires de personne autour d’elle, des regards qu’on lui jetait. Mais elle s’en fichait. Elle avait passé tant de temps à le faire, tout un travail détruit en même pas deux minutes. Elle ramassa les morceaux de papier par terre et les rangea dans son sac pour rejoindre le rang. La matinée fut exécrable. La plupart souriaient en voyant son air défait.

Hors de question que Laura trouve un autre moyen de m’humilier. Je lui ferais comprendre de quel bois je me chauffe. Elle le paiera. Ça, je me le jure.

Éléonore reprit légèrement contenance pendant la cantine. Il y avait trop de bruits, d'odeur mais ça lui permettait d'être tranquille et de passer inaperçue. Florian discutait avec son frère, l’ignorant complètement. Cela lui fit mal sans qu’elle comprenne réellement pourquoi. Elle était à bout, sur les nerfs. Elle avait envie de partir loin, très loin de sa famille, du collège. Peut-être d'essayer de voir un félin dans son milieu naturel, même de loin en pleine nature. Léonie vint la voir, lui posa des questions auxquelles elle ne répondit pas. Sa première amie se tut mais resta près d'elle. Elles finirent leur plateau en silence. Éléonore lui en fut reconnaissante d’être restée près d’elle, elle n'avait pas envie de dire quoique se soit et Léonie semblait respecter ce choix. Même si elle semblait vouloir éviter les ennuis en ne lui parlant pas quand Laura et ses amies trainaient pas loin, elle l'aidait rien qu'en allant la voir et en la respectant. Elle reprit un peu de courage.

L’après-midi, ils avaient technologie. Toute la classe était en binôme et devait faire des travaux de groupes. Éléonore se trouvait à côté d’un garçon, Luc qui faisait tout sur l’ordinateur, tandis qu’elle complétait les questions sur les feuilles réponses. Ils étaient efficaces et pourtant ils ne se parlaient presque pas. Chacun dans son coin. Ils avaient de bonnes notes et c’est tout ce qui comptait pour eux. Après suivit le cours de math. Elle ignora Florian pour ne pas se faire reprendre et il la laissa tranquille. Elle remarqua tout de même qu’il lui jetait des regards en coin. Ça l’agaça.

D’abord il m’ignore, alors que tout le monde a du parler de ce qui s’est passé ce matin et maintenant il s’inquiète pour moi ?

Ils finissaient à 16h, ce qui l’arrangea. Elle dit au revoir à Léonie qui fut sourit:

- J'avais peur que tu ais perdu ta voix...

Elle décida d'aller à la bibliothèque.

Au point où j’en suis…

Éléonore envoya un message à son frère puis pénétra dans l’imposant bâtiment. C’était un ancien hôpital transformé en bibliothèque. Un carré de verdure avait été installé devant il y a peu. Elle monta au premier étage et parcourut les rayons sans savoir ce qu’elle cherchait. Elle passait une main sur les livres quand l’évidence s’imposa à elle. Elle vint au bureau près de l'entrée. Une jeune femme consultait quelque chose sur le PC devant elle.

- Madame ? Excusez-moi.

- Oui, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? lui demanda la bibliothécaire.

- Vous auriez des livres sur le dessin, s’il vous plait ?

- Euh… Attendez que je cherche.

Elle pianota sur le clavier puis se tourna ensuite vers Éléonore :

- Vous cherchez quoi comme livre pour le dessin précisément? Et tout dépend de votre niveau de dessin aussi.

- Eh bien, j’aimerais un livre pour savoir dessiner les animaux. Les félins plus particulièrement.

- Je vois. Alors... Suivez-moi.

Elle la mena dans un rayon et sortit un livre.

- Alors, là c’est sur les animaux en général et… Désolée, il y a qu’un livre de dessin uniquement sur les chats domestiques. Ça vous ira quand même ?

- Oui, oui. Merci.

Éléonore les prit et alla à la machine.

Heureusement que j’ai toujours ma carte sur moi… Il aurait fallu que je retourne à la maison et je n’aurais sûrement pas pu retourné ici pour les emprunter…

- Au revoir !

La jeune femme lui sourit. Elle sortit et rentra chez elle. Il commençait déjà à faire sombre, les lampadaires étaient allumés. L’air était frais et un vent léger soufflait. Éléonore respira profondément pour prendre du courage. Elle s’arrêta devant la porte et avant qu’elle ait pu toquer, son père l’ouvrit. Elle recula.

Je ne l’ai jamais vu dans cet état là…

Les cheveux en bataille, le front barré par une veine, le visage cramoisi. Pour la première fois, elle eut peur. Vraiment peur de ce qui pourrait lui arriver.

- Entre, lui ordonna-t-il.

Elle s’exécuta et enleva ses chaussures.

- Où étais-tu ?

- À la bibliothèque.

Il plissa les yeux.

- Pourquoi n’es-tu pas rentrer tout de suite ?

Il y eut un silence.

- Réponds !

- Je… voulais emprunter un livre qu’il n’y avait pas au CDI.

- Donne-moi ta carte tout de suite !

Elle obéit.

- Nous rediscuterons de ta punition avec ta mère. Je ne veux plus que ça se reproduise ! Tu m’entends ?!

Il avait crié la dernière phrase. Tous les sons qu’il y avait disparurent. Plus de musique, plus d’eau qui coule dans la salle de bains. Tout était brusquement devenu silencieux. Elle grimaça et hocha la tête.

- DISPARAIS ! hurla-t-il.

Éléonore obtempéra immédiatement, pressée de s'éloigner de son père et monta dans sa chambre. Elle ferma délicatement la porte et s’adossa ensuite à celle-ci pour calmer les battements de son cœur. Elle se laissa glisser sur le sol et ne bougea pas. Au bout d’une demi-heure, elle osa finalement se relever et allumer la lumière. Elle fit ses devoirs et sortit ensuite les deux livres qu’elle venait d’emprunter. Elle se contenta d’observer les dessins. Quand elle entendit des pas derrière sa porte, elle les cacha et reprit son cahier. Ses parents inspectèrent ce qu’elle avait fait mais ne mentionnèrent pas sa punition. Ils repartirent rapidement et elle s’enfouit sous sa couverture.

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