Chapitre II
Le réveil sonna. Aussitôt, Éléonore se boucha les oreilles.
Que m'arrive-t-il? C'est le deuxième rêve que je fais.
Elle se releva sur son lit. Elle se massa les tempes pour apaiser sa migraine. Elle se leva doucement et chancela. Elle se rattrapa sur le dossier de sa chaise de bureau. Elle se changea et descendit dans la cuisine. Contrairement à hier, elle avait faim. De plus, elle avait des courbatures.
À croire que c'est moi qui ai couru après le sanglier.
L'adolescente soupira. Son frère arriva.
Je refuse qu'il m'adresse la parole!
Elle mangea rapidement pour ne pas rester dans la même pièce que lui. Pendant tout le trajet pour aller au collège, elle ne le regarda pas et fit en sorte d’avoir un minimum de distance avec son frère.
En entrant dans la cour, elle remarqua Florian entouré de ses pires ennemies. Elle se rangea et attendit la sonnerie. Laura s’approcha d’elle :
- Alors, Élé ? Ca va ? Martin nous a dit qu’il y a eu du grabuge, hier avec tes parents...
L’adolescente sentit son souffle se bloquer.
Non seulement, il me met dans des situations difficiles. Mais en plus, il en parle à Laura ?Il aura affaire à moi.
- Laisse-moi tranquille. Je n’ai rien demandé !
- Mais oui...
- Laisse-moi tranquille, j’ai dit !
- Non, répliqua sa pire ennemie. J’ai envie de dicuter avec toi.
L’adolescente sentit tous ses muscles se tendrent. Une boule se forma dans son ventre.
Soudain elle eut l’impression que tous ses sens s’amplifiaient. Les bruits, les conversions, les odeurs, les sensations, les couleurs.
Qu’est-ce qui m’arrive ?
Elle prit une inspiration douloureuse pour se calmer.
- Laura, laisse-la tranquille. Elle n’a rien fait de mal.
- Pfff. C’est une fille égoîste. Je ne vois pas ce que tu lui trouves. Tu es le seul d’ailleurs. Elle n’a pas d’amis.
- Et alors ?
Éléonore releva les yeux. Florian se tenait devant Laura. Ils se regardaient dans les yeux, comme si ils se défiaient. Sa pire ennemie reprit :
- D’accord, tu as gagné.
Elle s’éloigna. L’adolescent se tourna vers Éléonore.
- Ca va ?
L’adolescente se massa les tempes. Elle se rendit ensuite compte qu’il attendait une réponse.
- Ca devrait aller...
Florian sourit.
- Si jamais elle t’embête à nouveau...
- Non, c’est gentil mais ca va juste m’attirer plus de problèmes.
- Comment ca ?
Il s’assit à côté d’elle sur le banc.
- Eh bien..., commença Éléonore. Si elle devient jalouse, elle trouvera un moyen ou un autre de se venger sans que tu ne remarques rien.
- Elle est si..., il s'interrompit pour chercher le bon mot.
- Embêtante, lâcha l’adolescente. Et encore.
- Pot de colle, continua Florian. Et... égoîste.
- Vaniteuse, ajouta-t-elle.
Ils se sourirent. Jamais encore, Éléonore n’avait été aussi complice avec quelqu’un.
Je me sens... moi-même avec lui ? C’est ca, être amoureux ? Ou c’est simplement dû à autre chose ?
Avant qu’elle ait pu se questionner, la sonnerie retentit. Elle grimaca. Puis remarqua que Florian aussi. Ils se regardèrent, étonnés d’avoir la même réaction.
Éléonore vit du coin de l’oeil l’expression du visage de Laura. La jalousie.
Ils avaient deux heures de francais. Leur professeur était une dame d’un certain âge. Une fois dans la classe, ils effectuèrent ce qu’ils faisaient tous les jours :
- Bonjour Madame !
- Bonjour. Ah... nous avons un nouveau. Comment t’appelles-tu ?
- Florian, se présenta l’intéréssé.
- C’est un beau prénom, le complimenta la professeur.
- Merci...
- Va t’asseoir auprès... Ah, mais ! Il y a une table au fond, si ca ne te dérange pas.
- Ne vous en faites pas.
- Bien. Aujourd’hui, vous ferez une rédaction ! Vous avez à peu près une demi-heure pour votre brouillon et ensuite vous le copier sur une feuille propre. Il y aura deux points pour la présentation. Nous étudions le fantastique, vous vous souvenez de Un étrange portrait ?
Elle écrivit le sujet au tableau.
Sujet : Tchartkov achète le portrait et le ramène chez lui. Imaginez la suite. (15-20 lignes minimum)
Éléonore soupira. Elle n’aimait pas vraiment les rédactions. Elle n’arrivait jamais à trouver les bons mots, à bien s’exprimer. Elle avait souvent du mal à s’intégrer dans le personnage principal d’une rédaction.L’adolescente prit un brouillon et écrivit un shéma narratif..
1. Qu’arrive-t-il à Tchartkov après qu’il ait acheté le portrait? Il va lui arriver des choses étranges.
2. Quoi ? Des vases cassés, fenêtres ouvertes...
Éléonore s’appliqua à décrire la surprise et l’incompréhension de Tchatkov. Pour une fois, grâce à ses rêves étranges, elle réussit à bien rédiger la rédaction. Au bout d’une demi-heure, elle avait déjà fini. Elle leva la main :
- Madame ?
- Oui Éléonore ?
- J’ai terminé. Dois-je vous la rendre ?
- Déjà ? Tu t’es relue ?
- Oui.
- Et bien..., dit la professeure.
L’adolescente tendit sa copie. La dame la lut attentivement. Ses yeux s’agrandirent de surprise.
- C’est toi qui as écrit ça ?
- Oui. Pourquoi cette question ? s’étonna Éléonore.
- C’est excellent. Je sais déjà quelle note je te mettrai. Je n’ai presque jamais eu de rédactions aussi... parfaites.
L’adolescente rougit.
Je ne m’attendais pas à ça...
- Tiens relis-toi pour corriger trois fautes d’inattention, lui indiqua sa professeur.
- Euh... merci madame.
L’adolescente fixa sa copie puis finit par se relire.
Tchartkov acheta le portrait du vieil homme au brocanteur, tant il était fasciné. Lorsqu’il arriva chez lui, il le posa avec délicatesse sur le bord de la cheminée dans son salon. Il ne put s’empêcher de l’observer et l’étudier pendant un long moment. Le regard du vieillard continuait à transpercer le peintre. Il semblait si vivant ! Le soleil se coucha et Tchartkov finit par se résigner à aller dormir. Au milieu de la nuit, il se réveilla. Le peintre comprit qu’un bruit l’avait réveillé et il prit peur en pensant que des voleurs étaient rentrés chez lui. Il tendit l’oreille, attentif et le coeur battant à tout rompre. Plus aucun son ne se produisit pendant plusieurs minutes, Tchatkov essaya donc de se rendormir. Soudain, un bruit de porcelaine qui se brise le fit sursauter.Le jeune peintre se leva en hâte et descendit prudemment pour inspecter les pièces de sa maison. Rien n’avait bougé dans le salon. Un vase était toutefois tombé d’un meuble. Tchatkov fronca less sourcils et entreprit de tous nettoyer. Il vit alors de la poussière entre les débris de porcelaines. Le peintre leva les yeux vers le meuble où se trouvait le vase auparavant et découvrit là aussi de la poussière. Il ressentit soudain un malaise et se tourna vers le tableau qu’il avait aacheté il y a peu. Le regard du vieillard était fixé sur lui, empli de rancune.
- Allez, rendez vos copies à vos camarades. Qui veut ramasser ?
L’adolescente tendit sa copie à son frère. Le temps qu’il restait avant la sonnerie fut long et ennuyeux.
En sortant de la salle de francais, Laura la bouscula.
- Oh ! Excuse-moi, je ne t’avais pas vu. Au fait, il semble que tu ais des dons cachés...
- Laisse-moi.
- D’accord. Juste avant de te laisser, pourquoi est-ce que tout à coup tu dévoiles ton don d’écriture ? l’interrogea-t-elle.
Ceux qui écoutaient la conversation ricanèrent. Éléonore serra les poings. Une boule se forma dans son ventre. Elle se mordit les lèvres pour penser à autre chose que sa colère.
Laura sourit et dit d’un ton perfide :
- Bon, je te laisse.
L’adolescente se retint pour ne pas pleurer. Elle allait encore devoir passer cinq heures sans compter la cantine avec sa pire ennemie. Elle respira profondément et alla au CDI. L’un de seuls endroits où elle se sentait bien. Elle emprunta plusieurs livres sur les félins, pour en savoir plus sur eux.
Le reste de la journée fut morose pour Éléonore. Laura continua de lui lancer des piques. Le professeur d’histoire la rappela à l’ordre pour manque de concentration.
Elle savait pertinnement à quoi s’attendre à la maison. Martin allait tout raconter à ses parents, elle n’en doutait pas. Et ce fut le cas.
- ÉLÉONORE ! hurla son père.
L’adolescente se tint devant lui.
- Depuis quand tu fais ça ! D’après ton frère, tu as été reprise pour manque de concentration ! DEPUIS QUAND ?
- Je ne sais pas..., répondit Éléonore.
- Ce n’est pas une réponse ! Tu es peut-être amoureuse mais là ça va trop loin !
- Je ne suis pas amoureuse !
- Ah oui ? demanda sa mère. Mais depuis que le nouveau est arrivé, tu ne fais que des bêtises.
- Monte dans ta chambre, lui ordonna son père. Je voudrais une réponse claire et précise. Le je ne sais pas n’est pas une réponse.
Éléonore s’enferma dans sa chambre.
Évidemment, Martin n’a rien dit au sujet de ma rédaction quasi « parfaite » selon la prof de francais...
Des larmes de rages coulèrent le longs de ses joues. Entre ses rêves, Florian, Laura, Martin et ses parents, elle n’en pouvait plus.
Pourquoi personne ne veut savoir qui je suis réellement ? Depuis que je suis née, j’essaye de satisfaire mes parents. Mais ca n’est pas moi !
Elle renifla. Elle sortit les livres sur les félins et les feuilleta. Aussitôt, sa tristesse et son désespoir s’envolèrent. Les photos étaient magnifiques.
Sur un coup de tête, elle prit une feuille blanche, un crayon de papier, une gomme et des crayons de couleur. Elle se mit à dessiner. Cette activité la calma.
Son frère entra dans sa chambre sans qu’elle ne l’entende, tant elle était absorbée.
- C’est trop beau !
Éléonore sursauta.
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Nos parents noulaient que je te ramène de quoi manger.
- Ils ne pouvaient pas le faire eux-mêmes ? demanda-t-elle.
Martin baissa le regard. Un silence pesant s’installa. Son frère finit par se racler la gorge :
- Je ne savais pas que tu dessinais...
- Et alors ? répliqua sa soeur. C’est encore un de mes dons inattendus. Tout le monde le sait, sauf mes parents. Parce qu’une personne n’a pas jugé bon de les informer...
Martin plissa les sourcils mais ne dit rien. Les jumeaux se défièrent du regard. Le frère finit par détourner le regard.
- Laisse-moi tranquille ! lui dit sa soeur.
Martin sortit mais juste avant, il rajouta :
- J’étais sincère, quand je t’ai dit que tes dessins étaient beaux.
La porte se referma.
Pourquoi est-ce qu’il a dit ca ?
Éléonore inspira profondément. Elle ne mangea presque pas. Après s’être lavé les dents, elle se coucha. Le sommeil ne vint pas immédiatement. Trop de pensées l’assaillaient.
Je ne sais plus quoi penser de... Martin. Et Florian.
Elle essaya de les faire taire.
Vais-je faire un rêve comme les deux dernières fois ?
Au moment où elle se posait cette question, le sommeil l’emporta au bord d’un cour d’eau.
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