Six petites sardines, au fond d'une piscine d'eau salée, se disputaient, très énervées.

• Pousse-toi de là ! Ici, c'est chez moi.
• Tu occupes tout l'espace. Ôte-toi que je passe !

Allongé près du bassin, un pêcheur tentait en vain de se reposer, mais ne le pouvait tant ces demoiselles courroucées tempêtaient.

• Que fais-tu donc ici ! Tu te crois chez mamie ?
• Voyons, c'est mon coin ! Retourne dans le tien !

Excédé, le marin fatigué attrapa d'un seul geste son épuisette ainsi que les six pipelettes. Captives, les furies volubiles, nullement effrayées continuaient de s'agiter et de vociférer.

• Tu m'embêtes, bouge tes arêtes !
• Vile poiscaille, range tes écailles !

L'homme - privé de sommeil et de pitié - fit griller les six copines déchaînées puis les disposa, sans sourciller, dans la première boîte qui traînait. À la nuit tombée, leur cercueil fut scellé. Exténué, le meurtrier satisfait se coucha tout habillé. Dans un silence des plus parfaits, il s'endormit, mais fut aussitôt tiré du lit par les cris des six petites sardines qui gisaient dans la cuisine.

• Enlève ta nageoire ! Il fait tout noir.
• Déplace ta queue. Tu prends de la place pour deux !

Hagard, le vieux briscard saisit sa bouilloire ainsi que tous ses sachets de thé avant de s'expatrier dans un monastère au Tibet. Bon nombre de ses anciens voisins l'envient car, depuis qu'il est parti, la querelle des six petites harpies n'est toujours pas finie.

• Arrête de me compresser ! Tu m'empêches de respirer.
• Occupe-toi de tes branchies, tu me coupes l'appétit !
• Retire ta dorsale, elle me fait horriblement mal !
• Nage plus loin, tu encombres le chemin !