Potage-sans-gras, mais pas sans piment...*

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Il était une fois une famille de petits pois nommée Bondula qui faisait la loi à Potage-sans-Gras. Le premier qui s'amusait à appeler l'un de ses membres "pois cassé avarié" ou "pois chiche botoxé" perdait sa cosse plus vite qu'une cabosse.

À Potage-sans-Gras, sous la menace des Bondula, les jours s'égrainaient encore plus austèrement que des grains de chapelets à l'intérieur d'un monastère privé d'eau et d'électricité, jusqu'au jour où des correspondants écossais fraîchement surgelés débarquèrent de leur barquette congelée. Une erreur d'étiquetage avait été commise au moment de leur expédition. N'ayant froid ni aux yeux ni sous leurs kilts, ils furent surpris en découvrant leur destination. Alors qu'ils pensaient entamer la conquête de l'Everest et de ses sommets, ils furent parachutés au beau milieu d'un potager. La famille régnante le fut tout autant. Les pois gourmands qu'ils attendaient étaient des créatures malléables sans envergure, non ces inquiétantes forces de la nature. Faute de carte et de sens de l'orientation, les pois sans parchemin en question s'étaient trompés de direction, mais avaient été accueillis très chaudement dans les cuisines d'un grand restaurant. Forts contrariés, les Bondula reçurent glacialement le clan écossais auquel il ne fallait pourtant pas en cosser. Indifférents aux civilités, ces sportifs guerriers n'en furent point offusqués. Comme si de rien n'était, ils prirent leurs quartiers dans la résidence royale sous les yeux horrifiés de ses occupants et les yeux émerveillés des sujets présents.

Connu et respecté de tous, le Petit Poicet, qui possédait un grand savoir malgré son jeune âge, vit en ces vigoureux arrivants une formidable éclaircie à une vie bien sombre jusqu'ici. Alors que les dictateurs en fureur s'étaient réfugiés dans leurs appartements, il se glissa sans bruit dans le somptueux palais envahi et demanda aux bruyants highlanders sans peur de le rejoindre sur l'heure à la taverne du Petit pois beurré - endroit de prédilection pour tout bon conspirateur imbibé. Visionnaire hors pair, le Petit Poicet occupait son temps libre à dévorer des livres. Son histoire préférée était celle du Vaillant Petit Tailleur. À force de la parcourir, il la connaissait par cœur. Aussi ingénieux que son héros de papier, il espérait obtenir une alliance avec les Écossais afin de se débarrasser des affreux persécuteurs dans les plus brefs délais. Sans s'attabler, ces derniers allaient déguster. Plus d'une fois, le petit pois érudit avait essayé de convaincre les villageois de se liguer contre les trois tortionnaires. Hélas, aucun d'eux ne possédait l'âme d'un révolutionnaire. Tous d'accord sur le bien-fondé d'un retournement de situation, ils se défilaient au moment de passer à l'action. Ces étrangers bien calibrés et drôlement accoutrés étaient peut-être la solution à leur épineuse équation. Après plusieurs pintes de bière, les robustes soldats furent d'accord pour égorger père et mère. Le Petit Poicet n'en demandait pas tant. Une grosse frayeur suffirait amplement. En chuchotant, il leur fit part de son plan. En beuglant, ils le trouvèrent excellent.

Trois jours plus tard, alors que les infâmes despotes faisaient leur inspection entre tiges et rayons, un horrible bruit retentit. Ils se figèrent sur-le-champ - la cosse tremblante au gré du vent. Ils esquissèrent un mouvement vers le palais, quand ils virent surgir du fond de la clairière un gigantesque monstre vert. Sans une, ni deux, ils s'éjectèrent de leur cosse nourricière et s'enfuirent pour l'Écosse sans regarder derrière. Plus habitués à punir qu'à produire un effort physique, ils firent halte - à bout de souffle - à Daucyville, une charmante petite ville. Là, un réalisateur de films publicitaires, en quête de légumes verts, leur proposa de passer à la postérité. Sans prêter attention à la ligne verte, les tyrans soulagés signèrent les contrats qu'on leur tendait. Immortels ! Ils allaient devenir immortels ! Pour eux qui étaient assoiffés de gloire et de pouvoir, c'était une occasion inespérée. Ils se voyaient déjà en haut de l'affiche et retourner, triomphants, à Potage-sans-Gras. Jamais plus rien ni personne ne les y en chasserait. Sur le podium et sous les feux des projecteurs, les stars du jour furent filmées et photographiées sous toutes les coutures, avant d'être jetées dans un malodorant bac à ordures, parmi pots de crème et de confiture. La production qui faisait la promotion des "Cinq fruits et légumes quotidiens" se moquait éperdument du volet "Pollution et avenir de son prochain". De son côté, le géant vert avait bien rigolé en voyant la famille Bondula détaler. Au sens propre comme au figuré, son rire et son être tout entier s'étaient déversés à l'intérieur du potager, puisque cet impressionnant colosse animé n'était autre qu'une pyramide mouvante de petits pois écossais. Les fuyards l'auraient d'ailleurs remarqué s'ils ne s'étaient pas si vite carapatés. Non maîtrisées, les cornemuses, quant à elles, sont capables d'émettre d'épouvantables sons. Tout le monde le sait, même sans connaître la chanson. Or, avant la fin du premier couplet, les pleutres avaient déjà déserté.

C'est ainsi que les vaillants highlanders s'installèrent à demeure dans l'immense demeure des Bondula sans cœur et invitèrent tous les habitants à en faire autant. Désormais, à Potage-sans-Gras, la vie ressemble à un long fleuve tranquille, sauf les jours où les Écossais passablement éméchés ressortent leurs instruments de musique préférés.

*AUCUN POIS N'A SUBI DE VIOLENCE PHYSIQUE PENDANT CETTE HISTOIRE

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