J'avais eu un peu de répit, la précédente journée avait été particulièrement violente pour moi et je me remettais de certains bleus disgracieux qui me parsemaient le corps.

Lan Hector avait en horreur de présenter ses produits avec quelques égratignures, c'était son prestige et sa réputation qui était en jeu. Il m'avait recueilli lorsque j'étais petite fille et former aux arènes rouges. Je lui en étais reconnaissante, la vie ici me paraissait moins dure qu'à errer dans la rue avec le risque qu'on me prenne de force à chaque recoin.

J'avais donc grandit dans cet arène, apprenant à me défendre avec un bâton. Je commençais à exceller dans l'art du Gun Shu, les leçons que me prodiguait Maître Sha'ô portait leurs fruits. Je n'ai d'ailleurs jamais su si c'était un homme ou une femme, maître Sha'ô était toujours encapuchonné et portait un masque lors de nos cours.

Le principe des arènes rouges était qu'un homme, moyennant une somme d'argent relative à la qualité du ou des produits présents en son sein, avait le droit d'y entrer pour une heure et d'en prendre possession à sa guise. Les produits, généralement des jeunes femmes, avaient le droit de se défendre. La seule règle était qu'il n'y ait pas d'acte menant au décès, du moins dans les arènes que géraient Lan Hector. Le titre "Lan" était attribué aux gérants de ces arènes.

Les arènes étaient rondes et décorées avec soin avec différents espaces, on pouvait y trouver des lits, des douches qui coulaient en permanence, parfois des tables, des bassins peu profond. Les murs étaient en grande partie des miroirs, et d'après ce qu'Hector avaient pû me confier, des hôtes de qualité se trouvaient derrière et pouvaient apprécier le spectacle.

Au dessus de ces murs, il y avait des rambardes et des estrades où le public se ruait et braillait durant toute la période de la chasse, c'est comme ça qu'ils appelaient l'heure où l'homme était dans l'arène. Il pouvait aussi arriver qu'ils y entrent à plusieurs et que je sois accompagné d'autres produits. Des écrans diffusaient ce que les caméras filmaient et un décompte de temps à LEDs rouges était affiché.

Selon les règles du Lan Hector, le chasseur avait le droit à trois pauses de cinq minutes et le produit une seule. Ces pauses permettaient entre autres de reprendre son souffle et au public d'aller se restaurer. On devait à la fin de ses pauses, se remettre dans la même position qu'au moment où elles avaient été prises. Généralement, par stratégie, je prenais ma pause juste avant que le chasseur ne décide de me pénétrer en espérant qu'à la fin de la pause, il ne soit plus en érection. Le public n'aimait pas ça et me huait car c'est le moment qu'il préfèrait.

Maître Sha'ô m'avait donc appris l'art du Gun Shu et mes chasseurs, au fur à mesure que je progressais, se devaient d'être meilleurs que moi. Ce qui arrivait de moins en moins au grand dam d'Hector qui décida d'arrêter mon enseignement. Si personne ne me voulait comme produit, mon avenir ici serait incertain et il ne pourrait plus me protéger.

Cet arrêt soudain de mon enseignement m'attrista, mais chaque jour, je réitérais les gestes au bâton que mon Maître m'avait appris. Cela me permettait aussi de méditer pour éviter de ressasser des épisodes avec certains chasseurs violents. J'essayais de faire faire en sorte de me réapproprier mon corps trop souvent utilisé contre mon gré.

Je ne possédais dans ma garde robe que deux tenues, celle dans ma vie de tous les jours dans ce que Lan Hector appelait le "Harem", bien qu'il m'ait dit ne pas aimer ce terme. C'était la zone où l'on pouvait se reposer avec les autres produits quand on était pas commandé sur une chasse. Chacune, ou chacun, il y avait aussi certains jeunes hommes, possédait sa chambre, un espace assez sommaire pour dormir. Il y avait aussi des thermes communs pour se laver.

J'étais en train de mettre ma tenue de chasse en ressentant encore quelques douleurs des coups reçus sur les bras et surtout aux épaules où des mains puissantes m'avaient maintenu contre une table. Mes bleus s'étaient dissipés et on m'avait commandé, un haut dignitaire selon mes dires de Lan Hector. Ce dernier d'ailleurs me conseilla de ne pas être trop agressive car la somme versée lui permettrait d'améliorer nos espaces de vie et les repas qu'il nous donnait.

Une fois prête, je fus accompagné par Teanuanua, un eunuque muet à la forte carrure au service de Lan Hector, dans le sas vers l'arène. Celui-ci me regarda avec compassion, me caressa la joue et je vis une larme couler sur son visage quand il me donna mon bâton avant de quitter le sas.

J'étais donc seule dans ce sas, et j'entendis la foule désireuse de voir le spectacle de la chasse. Quand mon nom fût annoncé "Cassiopée", la salle bouillonna et je les entendis taper tous du pied en rythme ce qui faisait vibrer les murs. La herse s'ouvrit et lorsque j'entra dans l'arène, on me lança aussi bien des fleurs que des verres de bière. Selon les règles, je devais m'asseoir en tailleur au centre de l'arène et attendre le chasseur.

L'homme se plaça sur le monte-charge qui permettait aux chasseurs de rentrer dans l'arène sous les acclamations de la foule. C'était un jeune homme au teint hâlé avec un pagne aux ornementations dorées. Il répondait au nom de Lord Soham. Son regard était à la fois doux et perçant quand l'élévateur le descendit dans l'arène, je ne savais comment le jauger. Sa démarche était légère, il semblait flotter avec son pagne en venant à mon encontre.

Il vint se poser en face de moi et s'asseoir aussi en tailleur, ne lâchant pas mon regard. Il était muni d'un fouet en cuir enroulée à sa taille et j'imaginais le claquement et la douleur qu'il pouvait procurer. Quand les cloches retentirent, le compteur démarra, la foule éructa, les pieds reprenaient leurs cadences et le sourire de Lord Soham me fit tressaillir.