La métamorphose
Une fois à sa hauteur, la sphère incandescante perdit de sa luminosité graduellement et bientôt, Éléanore put distinguer une forme au travers. De petites pattes de velour, une queue courte et touffue comme une boule de cotton et de longues oreilles... pas de doute, il s'agissait d'un lapin, un minuscule lapin blanc aux yeux noirs, tout rond et plus innofensif qu'un nouveau né.
La jeune femme tremblait de tout son être, anticipant ce qui allait se produire. Elle souhaitait plus que tout s'enfuir le plus loin possible et se réveiller le lendemain de ce cauchemar absurde, mais elle se retint de justesse. L'Esprit parla d'une voix claire qui résonna dans sa tête :
- Voici devant-toi, ton reflet et la forme que j'ai choisi pour toi, Éléanore, fille de Calista. Ta douceur...
S'en était trop pour elle qui n'écoutait déjà plus et fixait ses petites pattes blanches sous son menton. Si elle avait été sous sa forme humaine, elle aurait pleuré toutes les larmes de son corps. Comment pouvait-elle être aussi faible ? Après tant d'efforts et de sacrifices, pourquoi la récompenser d'un tel fardeau que celui d'un pouvoir inutile ? La jeune femme se sentait trahie. Comment l'Esprit avait-il put si mal la juger ? Comment avait-il put ne pas reconnaître sa force et ce qu'elle avait dû enduré toute sa vie ? Les moqueries, les coups, le rejet, les injustices... malgré tout, la jeune femme n'avait jamais baissé les bras et sa volonté de prouver à tous sa valeur ne s'était jamais amoindrie.
Aujourd'hui devait être le jour où elle aurait enfin sa chance. Où à son retour chez-elle, on la verrait telle qu'elle était vraiment... Mais elle était toujours une proie, rien n'avait changé et elle devrait continuer de lutter contre le courant sans rien à quoi s'accrocher. Cette perspective, elle ne pouvait tout simplement pas y consentir et au désespoir, elle s'enfuit alors même que l'Esprit s'adressait à elle.
Alors qu'elle courait à travers herbes et buissons, ses pensées se fracassaient dans sa tête. Une fois sa forme animale révélée et son entretien avec l'entité de la forêt terminé, Éléanore aurait dû reprendre la route afin de retourner chez-elle et compléter son périple par la cérémonie de deuxième naissance. Hélas, il n'y avais plus aucun moyen pour que cela se produise à présent... Plus jamais elle n'aurait le courage de se tenir debout devant ses camarades, devant son peuple avec son âme exposée à nu dans toute son insignifiance. Elle voulait mourir, tout simplement. Cesser d'exister et disparaître dans le néant. Mais quelle fin injuste ! Éléanore aurait tant voulu au moins avoir les mêmes chances que les autres, mais tout cela était maintenant terminé. La colère, la tristesse et l'amertume brûlaient en elle et la jeune femme doutait que ce feu puisse être un jour éteint.
Aussi soudainement que sa vie venait de basculer, un lourd poids s'abattit sur elle et la plaqua au sol. Il ne s'échappa de sa bouche qu'un petit cri strident lorsqu'elle vit des crocs pointus et immaculés s'avancer près de son visage. La bête qui la cernait grognait si fort qu'elle avait l'impression que le son guttural faisait trembler son minuscule corps de l'intérieur. Son petit coeur battait à un rythme éffréné et la peur dominait chaque cellule de sa chair. Malgré son souhait de mourir plus tôt, son instinct de survie était incroyablement fort et elle ne cessait de se débattre frénétiquement. Mais les larges patte velues de la bête la retenait fermement au sol. Il ne lui suffit que d'un coup d'oeil et Éléanore sut qu'il s'agissait d'un loup et pas n'importe lequel... La voix grave de l'Esprit résonna à nouveau dans sa tête.
- Tu as commis une faute grave, Éléanore.
Annotations
Versions