Une semaine plus tard, enfin, j’ai le droit à mon premier baiser. Il me semble l’avoir attendu une éternité. Je croyais qu’il viendrait à chaque instant, si bien que je m’étais préparée à tout moment. Régulièrement, je grignotais des bonbons pour cacher une haleine misérable, ou je caressais mes lèvres avec mon baume pour qu’il ne sente pas qu’elles étaient craquées par le froid. Je commençais à désespérer face à cette attente longue interminable. Mais le moment vint enfin.

Une semaine. Dieu a créé le monde en sept jours et nous, nous avons créé une intimité assez forte en apparence pour nous toucher des parties aussi intimes que nos lèvres.

Il est midi et demi, nous avons déjà terminé de manger le repas ignoble de la cantine. Qui dit jour de grève, dit nourriture préparée encore plus rapidement qu’à l’accoutumée. Le soleil brille étrangement fort pour un mois d’octobre, se faisant ainsi refléter dans l’eau du canal qui jouxte le lycée.

Nous allons à côté de l’eau durant l’heure qu’il nous reste en pause avant de reprendre la classe. Alexandre murmure quelque chose à l’oreille d’Anaïs avant de m’emmener plus loin, toute seule. Puis il m’avoue :

-Je ne sais pas embrasser.

Moi qui ai toujours rêvé de vivre mon premier baiser avec un expert, c’est peine perdu pour le coup. Les heures passées à m’entrainer sur mon miroir quand j’étais plus jeune allaient-elles payer au final ? Voilà le moment de vérité tant attendu. Mon cœur bat de plus en plus rapidement. J’ai peur de ne pas être à la hauteur, peur qu’il se moque de moi, peur de mon incompétence.

Je vois le visage d’Alexandre se rapprocher dangereusement du mien. Même après une semaine avec lui, je ne suis pas tout à fait prête à vivre ce moment. J’ai toujours eu envie de vivre ce moment avec Maxence. Et là, je me retrouve face à un autre que je ne connais qu’à peine.

Voilà que nos lèvres se touchent. Je ne sais pas ce que je dois faire, alors je reste immobile et le laisse tout faire. Notre premier baiser à tout pour être loupé on dirait.

Anaïs intervient derrière nous :

-Enfin ! Je croyais que ça n’allait jamais venir !

Moi non plus je ne crois pas ce que je viens de faire. Je viens de vivre mon premier baiser avec quelqu’un que je n’aime pas vraiment. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je ressens tellement de choses aussi contradictoires les unes que les autres. Je ne devrais pas faire ça, lui dire « je t’aime » alors que je ne le pense pas vraiment. Mais à ces côtés, je me sens plus forte pour combattre tout ces démons du lycée, puis contrairement à ce que je pensais auparavant, j’ai besoin d’être aimé. J’ai toujours été un miroir qui reflétait l’amour, mais l’amour je n’y ai jamais gouté. J’en ai marre de toujours donné sans recevoir. Mais là, c’est fini. Désormais, c’est à mon tour de recevoir …