Une soirée à ma façon…
-Tu connais les étoiles ?
-Un peu oui, ça m’a toujours intéressé, j’ai toujours été un peu dans la lune de toute façon.
-Tu m’explique ?
-On va dire que d’ici le point d’observation n’est pas top, mais je vais faire de mon mieux.
Je fais donc mine de prendre un air intelligent et lui nomme les étoiles et constellations que je connais, l'une après l’autre, lui montrant où elles se trouvent, décrivant leur formes, sa main dans la mienne pour les pointer du doigt…
Elle m’écoute sans bruit, calme et détendue, semblant s'intéressér à mes explications. Une fois la découverte du ciel terminée, nous restons ainsi en silence quelques minutes, j’ai totalement oublié les raisons de notre présence ici et les autres…
-On remonte ?
-T’es sûr ? On n’est pas bien là ?
-Ben ouais, on est bien, mais bon, les autres…
-Une dernière clope et on y retourne.
-D’acc…
Nous fumons en silence, elle, assise entre mes jambes, sa main gauche vient prendre ma main droite posée sur mon genou, et l’attire autour de son ventre, elle rapproche son corps fragile du mien, la tête posée sur mon épaule droite. Je suis bien, ici, au calme, avec elle, l’air frais, sa présence à mes côtés m’apaise, me calme, et réduit les effets de l’alcool.
J’ai l’alcool triste depuis quelques temps, et même si je ne bois qu’en de rares occasions, à chaque fois c’est la même histoire, le besoin de m’isoler, de m’exclure de cette bande d’amis que j’aime par-dessus tout pourtant.
Elle fume en silence, ne parle pas, semble perdue dans ses pensées, mais je la sens sourire.
' A quoi pense-t-elle ? Qu’est ce qui peut lui passer par la tête en ce moment ? Pourquoi moi ? Que puis-je faire pour l’aider ? Comment puis-je l’aider ?'
Toutes ces questions se bousculent dans ma tête, je ne réagis même pas lorsqu’elle me propose de rentrer, et elle est obligée de me tirer par la main pour me sortir de ma torpeur.
C’est donc main dans la main, mes doigts croisant les siens que nous retournons auprès de nos amis, j’en profite pour regarder ma montre, une heure que nous sommes sortis...
Elle lâche ma main, et retourne vers ses amies, je me dirige vers les bières, je sens des regards qui se posent sur moi, rien à foutre, il ne s’est rien passé, que ça leur plaise ou non, c’est comme ça, et ça ne les regarde pas…
Une canette, un peu de musique, et il n’en faut pas plus pour que je replonge dans mon néant, dans cette sorte de transe que créé la musique chez moi.
« Ma vie sans musique se résumerait à traverser un désert, pieds et poings liés, sans voir ni entendre, un calvaire, une mort annoncée. Elle occupe tellement de place dans ma vie que m’en priver reviendrait à m’ôter la vie. Elle est là, à toute heure du jour et de la nuit.
Ma guitare est ma seule véritable amie, j’en viens même à me confier à elle en jouant mes accords, caressant ses cordes, son manche prisonnier de ma main gauche, son corps reposant délicatement sur mes genoux. Et elle me le rend bien, faisant courir jusqu'à mes oreilles sa douce mélodie, le bruit métallique de ses cordes me transporte dans ce monde que je me suis inventé, où tout le monde joue de la musique, où les instruments ont remplacé les animaux de compagnie. »
Les autres sont autour de moi, dansent et s’amusent, j’en fais de même, mais à ma façon, je ne partage que très peu avec eux. Puis elle s’approche, elle est là, à quelques centimètres de moi, je ne la vois pas vraiment, je sens juste une présence toute proche, mais je sais que c’est elle.
C’est étrange, cette aptitude que nous acquerrons lorsqu’une personne nous attire, le fait de savoir qu’elle est là, tout à côté alors que nous ne la voyons pas.
Je ne me trompe pas et quelques instants après je la sens contre mon dos, deux bras qui m’entourent la taille, une tête qui se pose entre mes omoplates, et un corps qui se colle au mien. Elle suit mes mouvements, son étreinte ne me gêne pas dans mes gestes, de toute façon, il en aurait été différemment, je n’aurais pas bronché tellement la sensation est agréable... Je profite de ce moment tellement plaisant, même si je n’en montre rien…
Deux heures du mat, la fatigue commence à se faire sentir, et nous sommes tous installés autour de la pièce, sur le canapé, les chaises, le sol pour certains, et je me rends compte que Sarah à mit le grappin sur sa victime, enlacés dans un coin, elle ne quitte plus sa bouche depuis au moins dix bonnes minutes.
Cécilia est venue près de moi, assis sur une table basse, contre un mur, nous nous dévorons des yeux, ses yeux bleus et son regard sombre, ses cheveux noirs, ses lèvres fines m’hypnotisent… La musique joue maintenant faiblement histoire de soulager tout le monde, les discussions vont bon train autour de nous, mais plus rien n’existe réellement, et un coup de coude de Julien m’indique que nous ne sommes pas seuls…
- Je crois que c’est à toi de jouer… On t’attend…
- C’est vraiment parce que c’est vous…
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Tu vas voir, il va t’étonner…
Je quitte donc pour quelques instants la pièce et file dans la chambre récupérer Mélodie… C’est con mais c’est le nom qui m’est venu le jour où mes parents me l’ont offerte. Mélodie c’est ma guitare, ma confidente, ma plus fidèle amie.
Je sais que chaque soirée ne se passe pas sans qu’on me demande d’en jouer, ils savent que j’adore cela, et je sais qu’eux aussi, ils me le prouvent en n’hésitant pas à chanter comme des casseroles pour m’accompagner. Ils chantent faux certes, mais c’est avec le cœur et je ne peux pas leur en vouloir.
Je reprends donc ma place auprès de celle qui illumine ma soirée, joue quelques accords histoire de réaccorder les ficelles, et je sonde le public pour savoir ce qu’ils souhaitent entendre.
A l’époque, il y avait un classique des soirées entre potes, chanson écrite et interprétée par deux humoristes du sud-ouest de la France, c’est donc encouragé par les mecs que j’entame ‘La Simca Mille’, les accords ne sont pas compliqués et reviennent naturellement mais je change le rythme, adoptant un tempo de ballade, plus tranquille, histoire de pas partir trop fort et de laisser mes doigts s’échauffer.
J’enchaine avec des chansons plutôt calmes et Bob Marley, Police, puis des morceaux plus rock, Dire Straits, Kiss, Guns and Roses, et Nirvana.
Je prends un pied énorme à l’entendre fredonner à côté de mon oreille suivant ma voix, sans trop de fausses notes. Sa voix est douce, fluide, un peu aigüe, elle connait les paroles par cœur et les restitue à la perfection, en même temps que l’émotion qui va avec.
Ces quelques minutes de gloire éphémère me font comprendre à quel point elle me fait craquer, à quel point j’ai envie de la connaitre plus et plus encore…
La nuit se termine devant la télé, films d’horreur bien entendu, mais je n’en vois que très peu, je tombe de sommeil en quelques minutes, affalé sur la table, sa tête sur mon épaule, mon bras autour des siennes. Je me souviens très bien de ce moment-là, et je ne remercierais jamais assez celle qui eut l’excellente idée de penser à prendre une photo de nous deux endormis ainsi.
La seule photo de nous deux que je garde, la seule qui existe, malheureusement. Elle trône dans son cadre, posée sur un meuble à la maison, ma fiancée ne l’aime pas beaucoup, un peu jalouse certainement, mais elle respecte ma volonté, elle trouve que j’ai l’air triste dessus, mais elle accepte ce choix.
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