- Chéri !!! Bouge-toi !!! On est encore à la bourre !!!

- Encore ?

- Tu fais chier !!! On doit être à Briançon dans 20mn…

- C’est bon, j’ai terminé… La prochaine fois, je passe avant toi, on verra bien pourquoi on est toujours à la bourre… On n’y sera jamais dans 20mn…

- P’tit con…

- Vieille bique…

- Je t’aime !

- Non c’est moi…

Voilà un peu notre quotidien, toujours en train de nous taquiner, toujours avec humour, bonne humeur et sourire. Je me sens mieux de jour en jour, ma tristesse est toujours présente, mais j’apprends à la gérer, comme ma colère, j’ai pris l’habitude de partir me promener tous les matins, quand Charlène fait son footing, avec pour projet de l’accompagner d’ici la fin de mon séjour.

Aujourd’hui, elle a planifié une journée avec ses amis, et j’avoue que je suis plutôt stressé à l’idée de me retrouver au milieu d’eux.

Nous nous retrouvons donc à Briançon, en milieu de matinée, sans vraiment savoir ce que va nous réserver la journée. Nous n’avons pas encore quitté l’habitacle que nous sommes envahis par une vague d’une dizaine de joyeux lurons et joyeuses luronnes, qui nous attendaient de pied ferme. Les embrassades sont interminables, et je me sens un peu étranger à tout ça, même si je comprends qu’après plusieurs mois sans la voir, tous avaient envie de la serrer dans leur bras. Je me rends compte qu’une des étreintes est plus longue et plus appuyée que les autres, avec un grand blond, musclé, bronzé, et tout et tout, et je sens la jalousie pointer immédiatement son nez de fouine, je perçois immédiatement quelque chose de spécial entre eux.

- Biche, c’est ton petit frère ? Tu nous présentes ?

- T’es con Sab ! Tu vois bien qu’on se ressemble pas et depuis le temps tu le saurais si j’avais un petit frère.

- Les amis, je vous présente Louis, c’est un pote de Will, et un peu mon… Mon mec… Et… On vous expliquera plus tard…

Je vois immédiatement un visage se décomposer dans le groupe….

Loulou, je te présente donc Sabrina, Luc et Morgane, Claire et Pierre, Anthony (le blond), Wendy, Martin, Gianni et Isa.

J’ai droit aux bises et poignées de mains de chacun, même celle mollassonne d’Anthony, et nous filons en voiture pour un pic-nic au bord de l’eau. Direction la vallée de la Clarée, je me retrouve éjecté sur la banquette arrière aux côtés de Wendy, tandis que Sabrina et Charlène se racontent leurs vies à l’avant, je comprends immédiatement le lien spécial qui les unis. Nous discutons de tout et de rien à l’arrière, Wendy est très gentille, posée, presque effacée par rapport au reste de la troupe, j’apprends qu’elle est la dernière recrue de l’équipe, cette petite blonde détonne au milieu des autres, elle est un peu l’atout zen de la bande.

Une fois sur place, nous nous installons près de l’eau, à l’ombre des sapins, les voitures en arc de cercle, pour ne pas être dérangés par les touristes. Une fois les coffres déchargés, je me demande si on attend encore du monde au vu de la quantité de provisions qui s’étalent sur le sol.

- Les gonzesses, vous vous occupez de la bouffe, les mecs, on installe le matos. Louis, tu peux me filer un coup de main ?

- Bien sûr… C’est quoi ce truc Pierre?

- Slackline… C’est un peu comme du funambulisme, tu verras… On va tendre la sangle entre les deux arbres là, et après c’est parti. C’est tout nouveau, mais c’est vraiment génial. Les gars !!! Les hamacs, pas juste à côté de la slack !!!

Autant du côté des mecs c’est mouvementé, mais du côté des filles c’est un vrai poulailler, ça piaille, ça papote, ça crie, ça rigole. Une fois tout mis en place, nous avons droit à une bonne bière, que je refuse au départ, à mon grand étonnement, mais que j’accepte finalement lorsque Cha viens m’en proposer une en m’enlaçant tendrement sous le regard noir d’Anthony.

- Il a un problème le blond ?

- Lou, reste zen s’il te plait, fait pas le con… Laisse-le…

- Pas s’il continue à me regarder comme ça, et encore moins s’il vient te tourner autour… C’est quoi son problème ?

- C’est moi son problème, et toi accessoirement… Il a pas vraiment digéré notre rupture l’an dernier… Alors, me voir avec toi…

- Quoi ? Toi ? Avec lui ??? Beurk…

- Chut… S’il nous voit nous marrer… Il va se vexer… Je te raconterai… Mais reste tranquille avec lui…

- Bien chef… Mais il va falloir qu’il tombe les yeux…

Nous trinquons ensemble, et je me sens déjà adopté par tous, la discussion va bon train, j’en apprends un peu plus sur chacun, et j’essaye de donner le change, sans en dévoiler trop sur mon histoire avec Charlène histoire de ménager les susceptibilités.

Après avoir partagé un repas gargantuesque, je m’installe dans l’herbe, histoire de digérer avec une bonne sieste, refusant les propositions de baignade, et autres parties de pétanque. Cha se joint à moi quelques minutes mais, entraînée par ses potes, se retrouve rapidement dans l’eau jusqu’aux genoux et trempée jusqu’à l’os.

C’est Pierre qui vient me réveiller pour me proposer gentiment un « cours » de slackline.

- Tu vas voir, c’est super simple. C’est juste une question d’équilibre et de gestion de l’élasticité de la sangle.

- C’est parti…

- Je te montre. La sangle est large donc plus simple pour les appuis, contrairement à un câble, si t’es pas bien centré, tu t’étales, mais elle est plus élastique aussi ça permet de sauter plus facilement. Regarde.

- Heu… Si j’arrive à traverser sans m’étaler, déjà, ce sera bien…

Je passe un moment à apprendre avec Pierre, rapidement rejoint par Martin et Gianni, un grand moment de rigolade pour tout dire, tandis que je m’applique à traverser simplement, les trois autres s’amusent à sauter, courir, Martin parvient même à se déplacer sur les mains.

- Merci les gars, mais je vais vous laisser, ça commence à piquer dans les jambes…

- Ouais, c’est ça… C’est bon elle va pas s’envoler ta femme…

- C’est sûr, au pire elle prend le courant, tu la retrouveras à Briançon…

- Très drôle !!!! Je me marre… Chou !!!! Y’a les trois-là, ils m’embêtent…

- Ils sont jaloux c’est tout… Ils rêvent tous de peloter ce corps de rêve… Isa, surveille ton mec !

Je retourne me poser sur l’herbe, avec Sabrina et Wendy.

- Hey mister Lou ! Ça roule ?

- Yep, et vous ?

- Toujours quand je suis avec ces zigotos… Et j’ai retrouvé ma Chouchou…

- Vous êtes trop bruyants… Trop agités…

- Wen, depuis le temps, tu devrais avoir l’habitude.

- J’arrive pas à m’habituer… Louis, comment tu fais ?

- J’oublie… Je me concentre sur autre chose… Ou je participe… Mais là vaut mieux pas, y’en a un qui risque d’en prendre une…

- Laisse tomber, c’est un connard Antho… Elle est raide dingue de toi ma Chou…

- Il veut quoi alors ?

- Te montrer qu’il est là… Ils ont été ensemble presque deux ans, et elle l’a quitté du jour au lendemain, ça fait six mois qu’ils se sont pas vus et elle débarque avec toi… Il le prend mal… Wendy, tu veux pas t’en occuper ?

- Risque pas… T’as qu’à t’en occuper toi…

- Il attend que ça… Mais il rêve…

- Je vais finir par lui en mettre une…

- A ta place, j’éviterais, Charlène le prendrait très mal…

Je décide d’écouter la voix de la sagesse, à contre cœur, et propose une partie de cartes aux deux demoiselles, rejoints par Luc, pendant que le reste de la troupe continue à chahuter bruyamment.

J’apprends en même temps à les connaître un peu mieux, ils me parlent de leurs rencontres, de la troupe, des liens qui les unissent. Luc est un sacré trublion, toujours un mot pour rire, toujours une blague, et nous commençons à bien nous entendre, Sabrina est toute aussi drôle, je comprends mieux ce qui la rattache à Charlène en l’écoutant, Wendy, même si elle est la plus calme du groupe et la dernière arrivée, n’a pas la langue dans sa poche, c’est peut-être celle dont je me rapproche le plus.

Le chahut s’est calmé chez nos voisins, certains lézardent au soleil, d’autres discutent les pieds dans l’eau, Charlène nous a rejoint, assise sur mes genoux, elle essaye de s’intéresser à notre partie de contrée, je tente de lui expliquer les règles, mais visiblement ce n’est vraiment pas son truc.

Finalement, dépités, nous laissons notre place à Gianni, et partons balader main dans la main sous le regard froid d’Anthony.

- Il a vraiment un problème, lui…

- Laisse tomber je t’ai dit !

- Désolé, mais non… Et arrête de prendre sa défense…

- Je le défends pas… C’est juste qu’il a toujours des sentiments pour moi…

- Je m’en tamponne à vrai dire… Il va falloir qu’il accepte…

- Mets-toi à sa place… Du jour au lendemain je lui balance que je l’aime plus, que je le quitte, je disparais pendant six mois et quand je réapparais, t’es là… C’est un peu dur à encaisser quand même…

- C’est bon, laisse tomber, t’as pas à lui trouver d’excuses…

- De toute façon je suis avec toi maintenant, donc t’as pas à te prendre la tête…

- Vas lui dire, fais-lui comprendre une bonne fois pour toute… Avant que ce soit moi qui le fasse… À ma façon…

- Tu ferais pas le poids, donc je te le déconseille…

- T’as raison, continue à le protéger…

Je ne suis pas du genre jaloux, à faire une crise à chaque occasion, donc je préfère laisser tomber, tourner les talons, et la planter là, peut-être que ça la fera réfléchir…