Départ anticipé…

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Je préfère aller me calmer avec les autres, et retourner auprès d’eux pour reprendre mes activités d’équilibriste, mais je n’ai pas encore eu le temps de rejoindre Pierre et Martin qu’Anthony me barre la route.

- T’as un problème avec moi ?

- Un peu ouais, il s’appelle Charlène…

- Alors tu devrais voir ça avec elle… J’y suis pour rien…

- Tu crois que je vais laisser un gamin me voler ma copine ? Que je vais pas arriver à la récupérer ?

- Tu peux essayer, c’est pas à moi de décider à sa place, mais je crois que tu rêves un peu… Pour l’instant c’est moi qu’elle a choisi il me semble…

- Je vais être un peu plus clair avec toi alors… Tu la lâches, et tu te casses… Elle est à moi…

- Bien reçu… Je me taille… Je suis pas là pour me faire emmerder…

Avant de me barrer d’ici, je décide tout de même de lui laisser un petit souvenir de notre rencontre, et mon poing droit vient s’écraser avec force sur le côté gauche de son visage. Je ne sais pas si c’est la surprise ou ma force décuplée par la colère mais il s’écroule, totalement sonné, à mes pieds.

Les autres n’ont pas eu le temps de réagir que j’ai déjà empoigné mon sac à dos et pris la fuite en courant le long du torrent, préférant m’éloigner rapidement de la victime de mon mauvais caractère, tandis que Sabrina essaie de me retenir. Avant qu’elle ne puisse me rejoindre, je me mets à courir en zigzagant entre les arbres pour réussir à la semer en repiquant dans un bois.

Je trouve un bosquet assez dense pour m’abriter, reprendre mon souffle, tandis que les larmes se mettent à couler sur mes joues, et que mes poumons brûlent. Je ne traîne pas plus de temps qu’il n’en faut pour récupérer et reprendre ma route, bien décidé à ne pas rebrousser chemin, non pas par peur des représailles d’Anthony, je sais que les autres l’en empêcheront, mais plutôt effrayé par la réaction de Charlène.

Après avoir marché deux bons kilomètres, j’ai pris ma décision, je me casse pour de bon…

Je retrouve enfin la route, et, avec chance, un véhicule à l’arrêt vers lequel je me précipite. Un couple de personnes âgées s’apprête à reprendre la route et accepte de me ramener à Briançon, où je peux rapidement trouver un bus pour retourner dans la vallée.

Mon téléphone n’arrête pas de sonner, mais je décide d’ignorer les appels, ma décision est prise, et je ne reviendrai pas dessus. Tant pis pour elle, elle n’a qu’à rester avec son blond, j’aurais dû me rendre compte plus tôt que tout était trop beau pour que ça puisse durer, tant pis pour moi…

Ma fierté en a encore pris un coup, mon cœur est en miettes et ma seule envie est d’aller retrouver Cécilia, coûte que coûte, le sursis aura été plus court et plus douloureux que ce que j’espérais…

Une fois mes affaires ramassées au studio, mélo rangée dans son étui, j’ai déposé mon trousseau de clés sur la table, et j’ai refermé la porte sur ce fiasco sentimental.

Nouveau message sur mon portable, venant d’un numéro trop bien connu.

‘ Lou, où tu es ? Tout le monde te cherche depuis deux heures, fais pas le con reviens… Je t’aime… ‘

Je décide de rester silencieux, et de suivre mon plan direction la gare la plus proche, cinq kilomètres en stop, ça ne devrait pas être compliqué un samedi après-midi.

Une fois arrivé j’hésite quand même à prendre un billet au guichet, direction Cécilia, mes économies en prendraient un sacré coup, mais je ne sais pas où je pourrais aller maintenant, même si je me suis calmé pendant le voyage en bus, je ne peux pas faire demi-tour. J’espère juste que Charlène n’aura pas l’idée de téléphoner à mes parents, sinon on risque de morfler, ils lui ont fait confiance, comme moi, mais elle n’a pas assuré…

De mon côté, assis sur un banc du petit quai, je me demande si venir ici était une bonne chose au final, même si j’ai passé de super moments, même si j’ai commencé à me reconstruire moralement, même si j’ai mis le doigt sur mes problèmes, je me retrouve une nouvelle fois à souffrir…

‘ Chéri ! Arrêtes tes conneries, reviens…Je suis au studio avec Sab… Pourquoi t’as tout vidé ? T’es où ?’

‘ Laisse-moi ! Je me casse !’

Mais je n’arrive toujours pas à me décider, je ne veux plus la voir, mais j’ai fait des promesses que je dois tenir, je suis en colère contre elle, mais elle m’a tellement aidé depuis deux mois. Je repense à tous ces bons moments passés à ses côtés, nos randonnées, nos duos, la journée à Gap…

J’en suis là de mes réflexions lorsque j’entends qu’on crie mon nom dans le hall de la petite gare, mon sang ne fait qu’un tour et je file en courant le long de la voie, et descends le talus, fuyant une nouvelle fois devant mes problèmes. C’était sans compter le bardas que je me traîne et qui m’encombre dans ma course, ni le chef de gare qui me rattrape au bout de quelques dizaines de mètres et réussi à me plaquer au sol, en douceur.

- Lâchez-moi !

- Désolé jeune homme, mais un train arrive, je vais pas vous laisser vous jeter sous ses roues…

- Pas de risques, je veux pas mourir ici, lâchez-moi, je veux juste me barrer loin d’ici…

Il m’aide à me relever gentiment, s’excuse pour la brutalité de son intervention, et je suis sur le point de reprendre ma route lorsque Sabrina s’interpose.

- Hors de question Mister Lou… J’ai pour mission de te rapatrier auprès de ta belle…

- Qui ça ?

- Charlène… Elle t’attend au studio, et vu dans l’état qu’elle est, je pense que tu devrais aller t’occuper d’elle…

- Je vois pas de qui tu parles… Elle existe plus pour moi… Je me barre d’ici, loin d’elle et de son mec…

- DE QUOI ???

- C’est bon Sab, ne prends pas sa défense, je sais que vous êtes comme deux sœurs… Je vais les laisser reprendre leur histoire, comme si j’avais jamais existé, j’ai pas envie de me prendre la tête…

- Putain mais c’est quoi votre problème ? Vous êtes vraiment des gros cons tous les deux !!!

- Tous les deux ? J’ai rien à voir avec l’autre putain de blond ! Si elle préfère être avec lui c’est son choix…

- C’est pas lui le deuxième con de l’histoire, c’est elle… Enfin lui aussi c’est un con… Mais c’est pas le sujet… Viens, on va s'asseoir, t’as des choses à m’expliquer, il faut que je comprenne…

- Tu dois vraiment tenir à elle pour essayer de me convaincre de rester…

- T’imagines même pas… Viens…

Sa seule présence avait suffit à me faire douter un peu plus de ma décision, et j’ai préféré la suivre, pour quelques minutes.

On s’est assis sur un banc, devant la gare, après qu’elle ait insisté je lui ai tout raconté depuis le début, Cécilia, sa disparition, ma dépression, notre rencontre avec Cha, son idée de m’emmener ici pour me soigner, nos prises de bec, mes crises…

- Ok, je comprends mieux maintenant ta réaction… Elle m’avait pas raconté tout ça… Merde alors… Je suis choquée… C’est tellement horrible…

- T’inquiètes pas, j’ai fait mon deuil, je me suis fait une raison, même si l’idée de me foutre en l’air m’a encore traversé l’esprit toute à l’heure…

- Déconnes pas Lou, c’est pas la solution et tu le sais très bien maintenant… C’est comme fuir devant les problèmes, ça n’arrange rien…

- Avant de fuir, j’essaye toujours de les résoudre, mais pour certaines choses, je peux pas faire grand-chose…

- Si, essayer de comprendre les gens… Accepte leur histoire, leur vie avant toi… C’est pas toujours facile pour eux… T’es un mec bien Lou, ça se voit de suite… Ne fout pas tout en l’air avec Charlène, elle tient vraiment à toi… Et moi aussi, je t’aime bien…

- On se connait à peine, c’est pour ça… Si tu me connaissais mieux, tu changerais sûrement d’avis…

- Ne dis pas ça… Crois moi, je sais reconnaître les personnes qui valent le coup… Et rien que pour ce que tu as fait à Antho… On en rêve tous depuis longtemps…

Je l’ai juste prise dans mes bras, je crois que j’avais besoin d’entendre ce genre de discours, de me rendre compte une fois de plus, que je ne suis pas aussi pitoyable que je peux le croire…

- Bon, tu veux faire quoi, tu continues ta route, ou tu choisis de faire demi-tour et tu vous laisses une chance ?

- Je crois que j’ai quelqu’un à aller rassurer…

- Sage décision… Et arrêtez vos conneries tous les deux…

- Tu veux que je change d’avis ?

- Désolée…

- Elle a des choses à mettre au clair avec une certaine personne… Tant que ça sera pas fait, je suis toujours susceptible de me barrer…

- Je crois que tu risques de rester un moment alors…

- De quoi ?

- Non… Rien… Tu verras avec elle…

- Merci pour tout Sab… Toi aussi t’es une belle personne…

Je suis reconnaissant envers Sabrina pour ce qu’elle vient de faire, on se connait à peine et pourtant elle m’a rapidement cerné, elle est une amie précieuse pour Charlène, dévouée, volontaire, fidèle et tellement gentille. Elle a su trouver les mots pour me calmer, me faire changer d’avis, me faire comprendre que même si j’avais raison d’être contrarié par les évènements, fuir n’était pas la bonne solution.

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