Interlude Cécilia 1

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J’ai eu l’idée d’intégrer quelques interludes dans lesquels je vais essayer de me glisser dans la peau de personnages secondaires de mon histoire, imaginer ce qu’ils ont pu ressentir, penser, vivre à certains moments importants de cette histoire. Je compte sur vous pour me donner votre avis, et savoir si je vais développer ce type de chapitres ou pas. Merci pour tous vos commentaires.

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Pourquoi je lui ai dit oui, pourquoi j’ai finalement accepté son invitation, alors que je ne me sens pas à l'aise avec elles?

Je le reconnais volontiers, on s’entend bien toutes les cinq, mais elles sont si différentes de moi, plus extraverties, plus démonstratives, tandis que je suis beaucoup plus timide, renfermée. Je n’ai pas spécialement de points communs avec elles, mais elles m’ont acceptée dans leur groupe, et passer du temps avec elles, rencontrer de nouvelles personnes ne peut pas me faire de mal.

Ça me permettra de me changer les idées et d’oublier pendant quelques temps les conneries de mes parents, leur divorce, et toutes ces décisions que je dois prendre comme si j’étais concernée par leurs histoires. J’ai tout juste quinze ans, merde, c’est pas à moi de subir leurs disputes, de jouer constamment à l’arbitre, quand ils ne savent pas se mettre d’accord. Je déteste prendre parti pour l’un ou l’autre, choisir où je vais passer le weekend, chez qui je vais crécher pendant la semaine. Chez ma mère, c’est bien, mais je me sens seule, loin des copines, et elle a pas une seconde à me consacrer avec son boulot, et quand elle est là, elle aime rester tranquille et se reposer. Chez mon père, y’a l’autre poufiasse avec son gamin, je l’aime bien lui, il est gentil avec moi, on joue ensemble, même si il a que cinq ans, j’aime bien lui raconter des histoires, ou lui jouer une chanson à la guitare, mais elle, je peux pas me l’encadrer.

Finalement, je me suis laissée convaincre et j’ai dit oui, on se retrouve pour fêter Halloween chez elle, enfin on se retrouve d’abord sur la place du petit village où elle habite, pour retrouver ses potes et je dois dire que je suis effrayée par la situation. Je ne connais que Sarah, Amélie, Roxanne et Samia, et j’ai peur de ne pas réussir à m'intégrer, à me fondre dans le groupe.

Je dois avouer que quand ils débarquent tous, j’ai un moment de doute. Ils sont bruyants, excités comme des puces, Sarah court immédiatement se coller à Jérôme, son copain depuis cet été, les filles se mêlent au groupe avec une facilité déconcertante, et de mon côté, j’essaie de faire de mon mieux, pour ne pas rester à l'écart. C’est vrai qu’avec ma jupe noire et mon top rouge, mon look gothique, je fais tache, là, au milieu des autres filles en jeans et leggings. Pourtant, un des mecs semble un peu plus sociable avec moi que les autres, Louis, il me semble, ou un prénom dans le genre, il est un des seul à m’avoir remarqué je crois, les autres m’ont juste salué, mais lui est venu me faire la bise, avant de commencer à faire l’imbécile. Sous ses airs de garçon sérieux, il nous fait bien rire en tout cas, ne ratant aucune occasion de balancer une vanne sur l’un ou l'autre, même lui n’y coupe pas.

Nous rejoignons ensuite la maisonnette où nous nous installons pour passer la soirée et la nuit, le coin est un peu paumé, dans la forêt, et le cadre est idéal pour quelques frayeurs. Vu le stock de boissons, je pense que la soirée risque de finir bien éméchée pour certains, mais hors de question que je me mette minable, quelques bières suffiront à me donner un peu de courage, sans pour autant me rendre plus triste que nécessaire.

Même si j’essaie de donner l’impression que je vais bien, mes problèmes familiaux me minent un peu le moral, et mon sourire, mon rire, cachent simplement mes difficultés, ce que mon regard ne peut faire.

Louis, c’est bien son prénom, semble vouloir me faire sortir de ma coquille, se rapprocher un peu de moi, il est tellement mignon et drôle que je ne résiste pas longtemps, je sens qu’il aimerait que je me confie, mais on ne se connait pas suffisamment pour que je lui déballe ce que j’ai sur le coeur.

Je commence à vraiment l’apprécier, il a toujours une blague ou une vanne pour nous faire rire, il a l'air s'intéresser sérieusement à moi, et je dois avouer que je me laisserais bien tenter… Non, pas ce soir, pas en ce moment… Quoi que…

Bref l’après midi passe à une vitesse folle et la soirée peut vraiment débuter dans le salon, où nous avons poussé le maximum de meubles contre les murs pour faire le plus de place possible pour pouvoir danser une bonne partie de la nuit.

- Cess? Ça se passe bien?

- Oui, ne t’en fais pas. Surtout grâce à Louis en fait, il nous a bien fait rire… Je l’aime bien, il est marrant, et on a bien accroché on dirait…

- C’est vrai qu’il est drôle, un peu lourd parfois, mais bon… Il m’a bien traqué cet été, et si y’avait pas eu Jérôme, je me serais bien laissée charmer…

- Toi? Avec lui? J’y crois pas une seconde…

- Ça veut dire quoi?

- Que vous êtes trop différents, Sarah, ta vie est trop parfaite pour lui, ça se voit qu’il a besoin de quelqu’un à protéger, t’es trop indépendante toi, et lui c’est un grand frère…

- De toute façon, je pense que je l'intéresse plus, il a autre chose en tête d’après ce qu’il vient de me dire.

- Autre chose?

- Quelqu’un d’autre si tu préfères, enfin, tu m’as comprise…

- Pas vraiment…

- Disons que tu l’intrigues… Qu’il serait pas contre mieux te connaitre… Il a senti que t’allais pas vraiment bien et il aimerait bien t’aider…

- Il a qu’a venir, pour qu’on discute au moins…

- Il viendra pas… Pas de lui même… Il est beaucoup trop timide pour ça. Par contre toi…

- On dirait pas pourtant… Je sais pas, on verra plus tard peut-être.

Nous sommes interrompus par les parents de Sarah qui nous livrent notre repas, ils ont décidé de commander Mcdo pour tout le monde, pas vraiment ma grande passion, mais bon…

Puis le volume de la musique monte soudainement, et nous prenons possession de la piste de danse improvisée, à chaque seconde je sens son regard qui se pose sur moi, je l’observe aussi à la dérobée, danser au milieu de la dizaine de copains présents et pourtant seul, comme perdu dans un autre monde, enfermé dans une bulle, insensible à son environnement.

Il disparaît, une bière dans une main, son paquet de cigarettes dans l’autre, puis revient quelques minutes plus tard, perdu dans ses pensées, lance un regard dans ma direction, esquisse un léger sourire, et retourne s’isoler dans sa réalité.

Vraiment, je dois me lancer, j’ai bien compris qu’il ne tenterait pas le moindre geste dans ma direction et, si je ne fais rien, nous resterons chacun dans notre coin. Je suis très timide de nature, mais cette fois, je ne laisserai pas passer l’occasion d’en savoir plus sur lui, sur ses intentions, de me confier à lui, comme à un ami, en laissant venir les choses…

Et bien sûr, il suffit que je m’amuse un peu, que je me laisse porter par la musique, par le rythme pour qu’une imbécile propose une série de slows, comme si j’allais me risquer à l'inviter à danser, là, devant tout le monde, comme si j’allais lui sauter au cou sans avoir pu discuter avec lui avant, histoire de le cerner un peu. De toute façon, je le vois immédiatement prendre la direction de la sortie, et je ne réfléchis pas une seconde de plus pour lui emboîter le pas, et passer mon bras sur le sien, comme deux vieux potes.

Nous nous installons au bord de la piscine, je tire mon transat collé au sien, m'assieds près de lui, accepte la clope qu’il me propose et je me lance.

- Sarah m’a parlé de toi tout à l’heure, et je pensais que tu viendrais me voir plus tôt.

- Je lui ai dit aussi que je tenterais rien, que si tu le souhaitais tu viendrais par toi-même.

- C’est ce que je fais, mais c’est sympa de ta part, j’avais senti que tu me traquais depuis le début, mais je savais pas pourquoi.

- Je cherchais juste à savoir ce qui pouvait te rendre si triste, savoir si je pouvais faire quelque chose pour que tu abandonnes cet air tristounet…

- Tu peux pas y faire grand-chose, malheureusement… Je sens les larmes monter dans ma voix.

- Te mets pas à pleurer, c’est moche une fille qui pleure…

- T’es con… Mais j’y peux rien.

- Je sais que je suis con… Mais si tu veux en parler, je peux te prêter une oreille…

- Merci…

- À une seule condition…

- Oui, laquelle ?

- Tu me la rends après…

Fidèle à ce qu’il a montré depuis le début de l’après-midi, toujours un mot pour rire, détendre l’atmosphère, je me suis plongée dans ses yeux marrons, essayant de rester sérieuse, et j’ai repensé à ce qu’il venait de me dire, et j’ai éclaté de rire, comme lui. J’ai ri comme je n’avais plus ri depuis longtemps, quelques mots, un regard, et il a fait sauter ce premier verrou.

- Alors? Tu me racontes?

- C’est compliqué… Je veux pas t’emmerder avec mes problèmes, t’en as assez comme ça…

- Si tu considère qu’être ado c’est un problème, effectivement, mais c’est pas si compliqué en fait…

- Je sais… Comme t’as pu le voir, je suis différente des autres, j’ai d’autres centres d'intérêt et être ici ce soir, c’est un exploit pour moi, mais j’ai pas d’autres amies, en dehors de Thaïs, ma soeur de coeur, et elle a pas pu venir ce soir.

- Et tu regrettes?

- Je sais pas… Mais je suis pas chez moi, donc ça va en fait. J’ai du mal à supporter la séparation de mes parents, leur futur divorce, tout ce que ça implique, les choix à faire, les décisions à prendre. Je supporte pas ma nouvelle belle-mère non plus, elle fait comme si j’étais sa propre fille alors qu’on a rien en commun, heureusement que Nicolas, c’est son fils de cinq ans, est là, je m’occupe souvent avec lui quand je suis chez mon père, ça me fait passer le temps, vu que je peux pas inviter ou aller chez mes copines.

- Et avec ta mère?

- C’est plus simple, parce qu’on a toujours été très proche, mais je lui en veux aussi. Elle me laisse pas respirer, toujours sur mon dos… Je sais que… C’est pour mon bien… Pour essayer d'apaiser les choses…

- Vas-y, pleure un bon coup, il parait que ça rince les pensées négatives… Tu sais je suis pas un spécialiste, mais il faut aussi se dire que si tes parents n’étaient pas heureux, c’est peut être mieux ainsi…

- Ils auraient pu penser à moi… Merde…

- Oui, mais à un moment donné, il faut savoir être égoïste, et faire passer son bonheur avant celui des autres…

- Même celui de ses enfants? Je crois pas… Ils m’ont toujours dit que j’étais la plus belle chose qu’il leur soit arrivée… Tu parles…

- Et toi? Ça t'es arrivé de te mettre à leur place? Tu ferais quoi? Rester malheureuse pour le bonheur des autres? Où être heureuse même si ça fait du mal à quelques personnes?

- Mais ma mère… Elle est encore malheureuse, ça se voit… Et je peux pas y faire grand chose…

- C’est pas vraiment ton rôle mais je suis sûr que tu fais de ton mieux. C’est déjà ça…

- Ouais…

- Bon si on changeait de sujet? T’as quoi d’autre à me raconter?

Je lui ai parlé de mes anciens copains, il m’a raconté ses déboires avec les filles, on a discuté des galères du lycée, du fait d'être de bons élèves, du plaisir que nous avions en commun d’apprendre toujours de nouvelles choses.

Je change de place pour m’installer face à lui, entre ses jambes, pour pouvoir discuter face à face. J’aime ce regard qu’il pose sur moi, curieux, mais pas intrusif, il essaye de lire en moi, sans chercher à déchiffrer mes pensées les plus secrètes, mais lorsqu’il plonge ses yeux dans les miens, je ne peux soutenir l’échange, et je baisse immédiatement le regard vers mes mains. J’aimerais m'y plonger, sonder ce qu’il s’y passe, comprendre ce qui peut bien l’attirer chez moi.

- Ne baisse pas les yeux comme ça…

- Ça me gêne…

- Ne le soit pas, avec des yeux comme ça tu devrais pas, et puis c’est un aveu de faiblesse.

- Merci.

- Merci de quoi?

- D'être là, maintenant avec moi, de m’écouter me plaindre de ma vie…

- Regarde-moi!

Il prend mon menton dans sa main droite, plonge ses yeux dans les miens quelques secondes, et je suis parcourue de frissons, tout comme lui. Je me rends compte qu’il laisse passer un million d’informations dans son regard, que je pourrais lire en lui comme dans un livre. Ça me fait sourire, son attitude, ses mots, cette façon de vouloir apaiser les choses en moi. Lorsque sa main quitte mon visage, je ressens comme une absence, un vide, j’ai aimé ce contact de sa peau sur la mienne. Et pour combler ce vide, je change une nouvelle fois de position pour me rapprocher un peu plus de lui, à demi allongée, je pose la tête sur sa poitrine, et me plonge dans la contemplation des étoiles.

La position n’est pas super confortable, mais je suis bien contre lui, je sens la chaleur qu’il dégage, et ce qui me met totalement à l’aise, c’est qu’il n'a pas esquissé le moindre geste, ni pour mieux s’installer, ni pour se rapprocher de moi.

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