Grands progrès...
- Et puis merde!!!! Ils m’ont gonflé!!!
- Ça va mon coeur?
- Non! Ça me pète les burnes! Six fois qu’ils reprennent cette putain de piece, et ça va encore pas!
- Et tu peux y faire quoi?
- Moi? Rien, à part leur demander de la reprendre une septième fois… Mais je trouve que Pierrot le prend un peu à la légère sur ce coup là…
- Vas lui parler… Je suis sûr qu’il fera quelque chose…
- Et me mettre tout l’atelier à dos? Pas question… C’est pas à moi d’aller me plaindre....
- Et le client?
- Pas content du tout… Et c’est à moi d’arrondir les angles… La prochaine fois, je le traîne avec moi, le Pierrot, et c’est lui qui verra le client…
- C’est le mieux… Mais calme toi s’il te plait… J’aime pas te voir comme ça…
- Ouais, t’as raison…
Après quatre mois avec Michel, son départ a laissé un grand vide à l'atelier, mais surtout dans mon bureau, et pour mon premier client en solo, les collègues me prennent pour un imbécile. Plus d’une semaine qu’on est la dessus alors qu’en deux jours ça aurait dû être bouclé, ça ressemble grandement à un bizutage, mais s‘ils veulent jouer à ça, ils sont mal tombés avec moi.
Le lendemain, au café, devant Pierrot, j’ai pris le taureau par les cornes.
- Oh les gars, vous jouez a quoi avec l’assemblage de la pièce pour la herse du père Abeil? Je vais pas me coltiner ses réflexions jusqu'à la fin de la semaine… Donc j’aimerais que cet après midi ce soit bouclé....
- De quoi??? Vous êtes encore là dessus? Ça aurait dû être terminé la semaine dernière!!! C’est un bon client, et un ami en plus!!! C’est quoi le problème?
- Y’a pas de problème Pierrot, on voulait juste voir combien de temps on allait arriver à le faire tourner en bourrique avant qu’il craque le p’tit Louis… Il a sa pièce depuis mercredi dernier, je suis allé l’ajuster moi-même… Mais je lui ai demandé de pas la monter et de continuer à faire comme si…
- Bande de cons!!! Vous avez pas d’autres choses a foutre! Si on le perd, le jeune, on fait comment pour faire tourner la boutique!!!
- T’inquiète-pas Pierrot, j’ai compris leur manège… Bravo les gars… Bien joué… Vous m’avez fait marcher… Et moi, j’ai couru… Mais la vengeance est un plat qui se mange froid…
- T’es bon joueur toi… A ta place, j’en connais qui auraient été les plombs…
- Après ce que j’ai vécu, je relativise… Mais c’est pas pour autant que ça restera sans conséquences… Je suis joueur…
- Bonne chance les gars, avec celui-là, vous risquez d’en voir de toutes les couleurs…
J’en arrive à m'étonner de ma réaction, il y a encore quelques mois, j’aurais totalement pété les plombs, je me serais mis en colère, et fait mes valises, mais aujourd’hui, je préfère me prendre au jeu, préparer tranquillement ma vengeance.
Ma nouvelle vie y est pour beaucoup, l’effet apaisant de la montagne, l’arrivée de l’hiver et des premières neiges, la découverte de ces paysages, pourtant connus, mais tellement differents sous le manteau blanc.
Même si j’ai rangé le vélo pour quelques mois, j’ai trouvé dans le ski de fond un bon compromis pour me défouler, et la vallée de Freissinière, découverte quelques années plus tôt en été, m’enivre de son calme apaisant à chaque balade.
La découverte de ce sport a été comme une révélation, même si au départ, rien ne m’attirait dans cette pratique, que je pensais ennuyeuse à mourir. Mais après seulement quelques minutes de glisse, j’ai totalement changé d’avis, une fois le rythme trouvé, la sensation est très agréable, et permet de découvrir la vallée sous un autre angle, dans le calme, au contact direct de la nature.
Certes mes débuts furent plutôt balbutiants, trouver l’équilibre a été un peu compliqué, coordonner mes mouvements tout aussi difficile, et Charlène, malgré quelques années de pause, avait gardé ses réflexes et se moquait clairement de moi et de mes galères. Son air hilare n’aura duré que quelques minutes, le temps pour moi de m’habituer aux sensations et de trouver une technique efficace pour avancer, son savoir-faire et sa souplesse ne peuvent pas grand chose face à ma force physique.
En fin de journée, après le boulot, je me plais à glisser dans les traces, le long de l’eau, accompagné par le frisson des arbres, dans le calme hivernal, profitant de l’ambiance paisible uniquement troublée par le crissement de la neige sous mes spatules et mes bâtons.
- Bonsoir mon chéri! Bien glissé?
- Comme d’hab… Je me suis encore régalé…
- Et le boulot, t’as vu Pierrot?
- Encore mieux, je les ai mis en face de leur connerie, devant Pierrot, à froid, ce matin en prenant le café.
- Et alors?
- Ils me faisaient marcher depuis mercredi dernier. Ils se sont occupés de faire les ajustements sans nous en parler, juste pour voir combien de temps j’allais mettre pour réagir…
- Ho merde! Les cons… Et alors?
- Ben rien… Je leur ai juste promis une belle vengeance… Ils vont pas être déçus…
- T’as même pas gueulé?
- Ben non… Pourquoi faire?
- Juste pour évacuer ta colère…
- Je me suis même pas mis en colère, en fait j’ai même ri…
- Je suis impressionnée… Quand on te connait, ça tient de l’exploit… Je suis fière de toi mon amour… Tu continues à progresser, à faire des efforts pour être…
- Normal? Ouais, mais c’est devenu tellement naturel pour moi maintenant…
Pour me féliciter, elle m’a enlacé tendrement pour venir poser ses lèvres sur les miennes, je lui ai rendu tendrement son baiser, à ce moment là, ce ne sont pas mes progrès qui me rendent fier, mais qu’elle soit fière de moi.
Nous n’avons pas pris le temps de manger un morceau, après m’avoir accompagné sous la douche, où elle a commencé à me déguster tendrement, déposant à tout bout de champ des dizaines de baisers sur ma peau, nous avons filé sous les couverture où je l’ai dévorée avec délicatesse, laissant de doux soupirs s’échapper de son corps frissonnant. Notre repas de chair fraîche terminé, repus de plaisir, nous nous endormons, au creux l’un de l’autre.
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