Cinglé!

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F-10 chapitres...

Les deux prochains seront sportifs également avec un petit retour quelques années auparavent et ma premièe grande aventure cycliste.

Cette experience du Mont Ventoux, reste un magnifique souvenirs, et a chaque fois que j'y pose les roues, ou les pieds, j'y repense avec émotion.

Encore merci a tous de me suivre ici.

A bientot.

L.

**********

Je n'ai pas grand chose à dire sur le reste de la montée, les lacets s'enchaînent dans ce paysage désertique, nous doublons plusieurs groupes ou cyclistes esseulés, nous nous faisons dépasser aussi, un grand nombre de fois, mais mon premier objectif est atteint grâce à ces cinq cyclistes.

Je mets pied à terre après plus de deux heures d’efforts intenses, devant le panneau indiquant le sommet, où m’attend ma famille au grand complet, souriant et heureux, un rapide baiser aux deux femmes de ma vie.

- Et de une!

- Alors comment tu te sens?

- Heureux comme un gosse.

- Ça, ça se voit. Mais physiquement?

- Bien, en roulant à cinq, c’est plus facile, moins fatiguant… Mais ça pique quand même...

- Papa l’es cro fort…

- Merci ma princesse… Allez, une photo tous les trois et je repars.

Ma mère immortalise ce moment, je refait mon stock de provisions et enchaîne avec la descente sur Malaucène en compagnie de mes cinq acolytes. Descente toute en retenue, pour ne pas risquer l’accident bête, nous tournons les jambes dès que possible pour décontracter les muscles, quelques pointes de vitesse pour moi dans les parties droites et nous atteignons rapidement le village où nous nous séparons. Ils font demi tour pour leur seconde ascension tandis que j’ai choisi une transition par le col de la Madeleine pour rejoindre Bédoin, et ma deuxième montée.

Cette portion, par ce petit col, est un vrai régal, treize kilomètres de route serpentant au milieu de la forêt, profil plutôt plat malgré quelques coups de cul, ce qui me permet de pouvoir rouler vraiment à mon aise. Dès la sortie du charmant village de Bédoin, j’entame les premiers pourcentages au milieu des champs, puis une nouvelle fois dans la forêt.

Je suis seul, et je dois dire que la première boucle commence à peser dans les jambes, mais un simple regard sur le cintre de mon guidon et sur ces trois photos, me donne suffisamment de volonté pour continuer en faisant abstraction de la fatigue. Je n’oublie pas de manger et boire régulièrement, au grès des courts replats, d’après mes repères et mes nouveaux calculs, mon rythme est plutôt bon, toujours un peu plus rapide que prévu, à chaque fois que la végétation me le permet, je jette un coup d’oeil vers le sommet tout la haut, en me disant que si j’y parviens une nouvelle fois, ce sera déjà un bel exploit.

Au second passage devant le Chalet Reynard, nouveaux encouragements de ma petite famille au complet, nouveau ravitaillement mobile au top, avec cette fois, barres de céréales, banane et gourdes de compotes, deux nouvelles gourdes de boissons énergétiques.

J’emprunte une seconde fois cette route, sans équipiers à mes côtés ce coup ci, seul face à ce monument et à mes pensées. Ce ne sont pas les cyclistes qui manquent, mais à cette heure, beaucoup ne sont là que pour une montée sèche, et souvent seuls comme moi, quelques kilomètres avant le sommet je croise mes anciens compagnons, qui me crient de ne pas lâcher, et me donnent rendez-vous au sommet de notre troisième ascension.

Je termine à mon rythme cette seconde montée dans une chaleur de plus en plus présente, nouveau rituel baisers-photos-ravito, beaucoup d’encouragements, et je me lance dans la descente avec un peu plus d’assurance et de vitesse, frôlant quelques fois la limite de la route, dépassant bon nombre de vélos. Une petite boucle dans Malaucène me permet de retrouver quelques sensations dans les jambes, de me décontracter et je repars pour ma dernière montée, par le versant sans doute le plus difficile.

Autant le premier était le plus long, mais le moins pentu, le second, moins long et le plus pentu, mais plus régulier, autant celui là est le plus court mais le moins régulier des trois, avec des portions vraiment raides succédant à des partie plus roulantes et pas de point ravitaillement possible pour couper l’effort.

Je commence à me sentir vraiment fatigué, les jambes en coton et vidé de mes forces, mais les yeux rivés sur les photos, je m’ordonne de ne pas abandonner pour elles, je viens de m’entrainer vraiment dur depuis plusieurs mois, et ce n'est pas pour poser pied à terre dans l’ultime monté. Je ferme les yeux quelques secondes, me concentre sur le souvenir du rire cristallin de Cécilia, sur la douceur du sourire de Charlène, et sur le regard émeraude que Cilia pose sur moi lorsqu’elle me voit, rien de tel pour me donner un dernier coup de fouet, pour me redonner quelques ultimes forces, et reprendre un peu de vitesse.

Les virages et les mètres s'enchaînent maintenant avec plus de souplesse, de vitesse aussi, malgré la pente terrible par endroits, et j'entrevois enfin le terme de mon périple en passant le rond-point qui mène à la station de ski du Mont Serein. Plus que six kilomètres et quelques virages en épingles avant de pouvoir lever les bras en passant pour la troisième fois au sommet. Mais c’est aussi le moment le plus difficile de ma journée, la fatigue est immense, mes muscles tétanisés par l’effort long et intense que je viens de leur imposer, cela fait maintenant plus de sept heures que je pédale, et je ne parle pas de la douleur dans le fessier, une des grandes joies du vélo. Je ferme une nouvelle fois les yeux et invoque mon dernier atout.

‘ Mon étoile, j’y suis presque, aide-moi encore une fois s’il te plait. Je sais que je viens souvent vers toi quand je suis en difficulté, mais je crois qu’aujourd’hui j’ai vraiment mérité ce petit coup de main…’

Dans une manœuvre périlleuse, je viens poser mes lèvres sur la photo qui trône au milieu de mon guidon encadrée par celles de Chou et Cilia, et une sorte de déclic se produit. Je sens de nouveau mes jambes plus légères, quelques forces me revenir, pas de quoi effectuer une quatrième ascension, mais je sens que maintenant, l’arrivée est à portée de manivelle. Je me dresse sur ma monture, appuyant comme un sourd sur les pédales après chaque virage sérré, reprenant un peu de vitesse pour continuer à avancer vers mon but final. Plus que trois épingles, encore quelques efforts, plus que deux, je sais maintenant que la fin est proche, plus qu’une, et j’en aurai fini avec cette aventure, et enfin après avoir viré une dernière fois sur la droite, j’ai en point de mire mes proches, souriants et heureux, qui m’encouragent une dernière fois, accompagnés par mes cinq compagnons de la matinée, je jette mes toutes dernières forces terminant au sprint cette dernière montée et levant les bras devant le panneau mythique.

‘ Je l’ai fait putain!!! Je sais pas trop comment, mais j’y suis pour la troisième fois. quand je pense qu’il y a un an j’ai failli crever sur mon vélo au bord d’une mauvaise route de montagne… Qu’il y a sept ans, j’étais au fond du trou, prêt à me foutre en l’air… Et aujourd’hui, je réalise un exploit que peu de gens peuvent se vanter d’avoir réussi…’

Je suis arrêté devant le panneau, assis sur le cadre de mon vélo, le regard perdu dans le vide, ma fille dans les bras, une multitude de pensées se bousculent dans ma tête ne sachant plus vraiment sur laquelle je dois me concentrer, mais comme à chaque fois, elles se portent vers ELLE.

‘ Merci Cécilia, merci de me donner la force, physique, et mentale de réussir… Je parle pas d’aujourd’hui spécialement, mais de tout ce que j’ai pu faire de bien, de beau, ces dernières années, mon bac, mon permis, mes guérisons, le défi des trois cols, Cilia, devenir un Cinglé… Grâce à toi, qui veille sur moi, de la haut, ma vie est un pur bonheur, auquel il ne manque qu’une seule chose. TOI… ‘

Charlène vient m’enlacer dans le dos, posant sa tête entre mes omoplates, et je laisse les larmes couler, larmes de joie, car je commence à prendre vraiment conscience de ce que je viens de réaliser, larmes de tristesse en pensant à Cess, larmes de douleur aussi car mes jambes sont deux morceaux de bois, dures comme de la pierre et ankylosées par les crampes. Cilia ne bouge pas, et fixe les alentours, comme hypnotisée par la vue.

- Je suis fière de toi… T’as encore prouvé que tu pouvais réussir tout ce que tu voulais, si tu t’en donnais les moyens. Je sais toujours pas comment t’as pu réussir, où tu as trouvé la force pour ça, mais tu l’as fait, t’es un Cinglé mon coeur, bravo.

- Là, regarde… Elle est là ma force… Dans vos sourires, dans vos yeux… Et dans le ciel, là, quelque part, juste au-dessus de nous…

- Je sais… Je sais qu’elle t’as encore accompagné, et je sais aussi qu’elle t’as donné cette force pour réussir… Et je sais qu’elle m’entend la remercier…

- Merci mon amour.

Nous trinquons, à l'eau pour les six cyclistes, à cette belle réussite qui en appelle d’autres, prenons quelques photos souvenirs de ce jour magnifique, puis enfourchons nos montures pour la dernière descente jusqu’à Sault.

- Merci les gars, on a pas énormément roulé tous les six, mais, je suis content d’avoir partagé ces quelques moments avec vous.

- De rien, quand on est Cinglé, on se doit de partager notre expérience avec les néophytes. La prochaine fois ce sera à ton tour.

- Et des prochaines fois il y en aura, tu peux nous croire, le Ventoux, on y vient pour la première fois, juste pour essayer, et on en tombe amoureux, et on y revient le plus souvent possible.

- Même si c’est la première fois que je croise quelqu’un qui choisit une Cinglée pour son premier Ventoux.

- Je suis obligé d’y revenir, j’ai pas encore fait la descente jusqu’à Bédoin…

- Tu vois, tu penses déjà à revenir, t’as attrapé le virus mon p’tit…

Après une petite bière partagée au bar et des au-revoir chaleureux , nous nous quittons en nous souhaitant de nous recroiser une prochaine fois.

Je ne vois rien de la route du retour, Charlène au volant, je m’endors quasiment instantanément, bercé par le roulis, les souvenirs de cette belle journée et assommé de fatigue.

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