Quelques semaines plus tard, au cœur d’un îlot flottant, le halo d’un pulsar rougeoyant peignait le sol, dansant avec les ombres bleues dans la nuit astrale. Les souverains progressaient avec lenteur. Profitant de ce nirvana, un cortège de chérubins, d’archanges et de séraphins les encerclait. Des banalités s’échangeaient, tandis que le Roi dissimulait une appréhension. « À coup sûr, elle m’en dissuadera. » Adam posa une œillade inquiète sur sa Reine et tenta :

— Mon amour, on susurre à la cour qu’on a extrait un palimpseste des archives Xandrienne. Selon nos experts, il contiendrait la localisation de l’Antre perdu de Yahvé.

Figée un instant, Ève le fixa intensément. Elle, la prêtresse suprême du Dogme, s’était opposée avec virulence à l’étude des vestiges de ce peuple mystérieusement disparu. Mais là, le rapport au Père l’intriguait. Sa posture tendue révélait une soif de comprendre, qui le surprit.

— Hum ! Cela voudrait dire que notre espèce et les Xandriens se seraient côtoyées  ? réfléchit-elle, cherchant à appréhender l’ampleur de cette découverte.

Il plongea dans son introspection, fronçant ses sourcils sur cette réaction inattendue. Ignorant son étonnement, il en tira avantage pour, avec nonchalance, la persuader :

— Oui, cela est une possibilité. Si les ruines contiennent des informations sur Yahvé, nos origines avec nos prédécesseurs sont liées d’une manière que nous ne supposerions jamais.

L’enchantement du paysage les absorba, les invitant à en savourer les détails. Tandis que les soupirs des chérubins se mêlaient aux mélodieuses complaintes du Zéphyr céleste, Ève glissa sa main dans celle de son mari :

— Mon ange, il est primordial d’en apprendre davantage. Cette trouvaille éclairerait notre histoire de vérités oubliées depuis des éons.

— Tu as raison, ma chère. Qui sait ce que nous découvrirons et comment ça va modeler notre conception du passé et de l’avenir ?

Les souverains décidèrent de se joindre à un groupe, parmi lesquels Michael et Séraphielle se repéraient.

— Mon frère, que sais-tu au sujet de l’Antre de Yahvé ? interrogea Adam.

Michael releva le menton, observant son roi avec une intensité qui reflétait sa compréhension des enjeux :

— En effet, j’ai eu vent de cette nouvelle. Elle recèlerait d’artefacts et de textes d’un intérêt précieux.

Séraphielle s’avança, s’adjoignant à la discussion :

— Mais attention, les écritures mentionnent que cet endroit serait soumis à des forces destructrices. Nous ne savons pas quelles épreuves nous guettent une fois que nous nous y engagerons.

Sans crier gare, une quiétude insolite les immobilisa, eux, et l’environnement.

Au sein de l’allée, un interstice doré se forma. En sortit la Créatrice, habillée d’une robe d’ébène cintrée à manches courtes. Son œil investigateur balaya les alentours.

D’une élégance étudiée, elle ôta ses solaires, exposant des prunelles or, chargées d’une souveraineté indubitable. Progressant d’un pas gracieux vers la reine statufiée, ses mains firent surgir trois flacons taillés dans l’onyx, deux renfermaient l’âme de ses champions et l’autre d’un vide dissimulé par une fumée immaculée. Positionnant son doigt, paré d’un saphir, parmi les plumes d’Ève, elle desserra les fioles d’une injonction psychique.

Un chant s’éleva de ses lèvres, maquillées d’un rouge passion, vibrant à travers l’éther en tissant une incantation cristalline :

« Archanges royaux réveillés par l’art occulte ;

écoutez ce cri que je pousse en ce lieu,

Tanzanite, péridot, obsidienne, talismans, triade,

Fusionnés dans cette cérémonie sainte et pure,

Sous ces voûtes éternelles et espaces sans fin,

Qu’un séraphin veille, chérissant avec dévotion

Les triplets, puits célestes d’autorité.

Que l’occulte s’érige,

Que nos vœux s’imbriquent dans un pacte,

Que le pouvoir surgisse en flots incandescents,

Par cet acte maudit, sur des sols embrasés.

Archanges, octroyez votre grâce,

À notre mission, dessein noble

Que les vers se tissent en une métrique,

Et que l’occulte l’emporte, dévoilant sa quintessence. »

L’aura dorée de la Déité enveloppa Ève, tandis que les âmes des récipients s’élevaient, pour trouver refuge en son sein. Sa mission accomplie, la Créatrice enfila ses solaires, puis son poing se serra pour générer un vortex. Comblée, elle repartit vers sa dimension. Nul doute que son ennemi se trouvait dans le Ier Royaume et l’avait vu faire. Le Paradis poursuivit sa routine, inconscient de l’invasion.

Abruptement, une douleur foudroyante mit Ève aux supplices. Surprise, elle tourna sa tête ; ses plumes, se repliant pareil à une chrysalide, se teintaient d’un lustre argenté. Séraphielle se précipita, plaçant ses mains sur les épaules de la Reine, laissant sa lumière sonder le mal.

— Que t’arrive-t-il ? s’inquiéta son époux, tétanisé.

Les autres membres du cortège observaient avec attention. Ève, submergée par l’inflammation, murmura :

— Il doit s’agir du concept de souffrance, une sensation indescriptible.

— Mais nous n’en éprouvons pas ! s’alarma l’un des Séraphins.

— C’est une douleur qui transcende notre compréhension, expliqua Séraphielle. Il y a quelque chose de singulier ici. Elle porte la vie. Trois angelots au début de leurs plumaisons se trouvent dans ce cocon d’ailes, une présence quasi impossible, même pour le Paradis.

Les souverains échangèrent un regard empreint de surprise et d’émerveillement. Réalisant la richesse du moment, Adam s’approcha d’Ève, prenant sa main avec solennité.

— C’est un miracle. Avec tendresse et dévouement, nous les élèverons, déclara-t-il.

— Les célestes n’ont plus vu cela depuis la disparition de Yahvé, rappela Michael pour crâner.

Adam siffla. Un nuage d’or se détacha de l’océan cotonneux pour se glisser sous la future mère, afin de la transporter au Palais Boréal. Dans son sillage, les témoins de ce miracle se dispersèrent aux cinq coins du Royaume pour propager la nouvelle, inscrivant dans l’histoire des cieux un chapitre exceptionnel.