Chapitre 3 : Les Labyrinthes de l’Émancipation

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Au cœur du conclave des Sages, une lueur dorée jaillit des célestines sculptées. Se redressant de son siège de marbre, Adam quitta son trône. Ève effleura la main de son époux, tissant un dialogue sourd, mais puissant.

— Chers fils, une ère se lève devant nous, annonça le père.

L’assemblée, captivée, s’inclina, les doigts crispés sur leurs cuisses.

— Votre mère et moi avons une mission à accomplir, tant sur la Terre qu’en Enfer. Le Paradis, notre sanctuaire, requiert une gouvernance solide. 

Dans un coin, Dieu, dissimulé, observait. Les mots vibraient à la façon de pierres lancées sur un étang paisible, créant des ondes d’inquiétude qui se mêlaient à sa confusion.

Lorsque le Roi parla, Abel approuva. Un sourire timide, mais résolu se forma. Caïn, jusque-là plongé dans ses notes, souleva le crâne, exprimant gratitude et reconnaissance. Oscillant entre douceur et autorité, Ève prit la parole :

— Êtes-vous prêts à régner conjointement en notre absence ? 

La réponse d’Abel jaillit telle une flèche de chérubin :

— Nous saurons veiller sur le royaume !

— Nos actes témoigneront de notre mérite, respectant l’espoir que vous placez en nous, ajouta Caïn.

Les applaudissements emplirent la salle, résonnant. La pièce parue moins briller comparée à l’éclat de sa silhouette émergeant. Il avança, les traits sereins, mais les poings serrés.

— Père, mère ! Vous imaginez que je suis moins honorable qu’eux ? Vous me condamnez sur l’autel de leur consécration, alors que je suis autant compétent. Sinon plus !

Adam, figure de noblesse, fut légèrement déstabilisé :

— Même s’il est vrai que nous ne t’aimons pas, tu es de nos plumes, de notre lumière. Mais ta quête d’indépendance et de gloire suscite des interrogations. 

Ève s’approcha, simulant l’empathie :

— Mon fils, on comprend que tu sois frustré. Tu as des talents exceptionnels, mais il est important que tu respectes notre décision. Ne permets pas à l’aigreur de t’engloutir.

Alors que son benjamin s’apprêtait à répondre, il l’arrêta :

— Ton énergie est ta force et ta faiblesse. Tu n’es pas prêt pour ce que tu convoites. 

L’amertume assombrit davantage Dieu. Adam hocha la tête, mélange de tristesse et de tolérance :

— Ton feu intérieur peut t’embraser ou te consumer. C’est à toi de choisir.

La gravité de ces propos s’évapora, se répercutant dans l’éther, rappelant le son d’une cloche séraphique. Leurs échos s’éteignirent peu à peu, laissant en suspens une lourdeur malaisante. L’œil divin se posa sur la salle, ce havre où les destins se tissaient, les rôles se distribuaient et les espoirs pesaient en entraves invisibles.

Alors, théâtral, Dieu tourna les talons. Ce mouvement de défis s’imprégnait d’une classe et d’une prestance, dignes d’un prince machiavélique.

Il s’engagea dans la Galerie Introspectif. Dans ce dédale de réflexions, ses pas avaient le poids de la dureté, le tranchant de la lucidité. Au sein de ce couloir, l’ambiguïté se dessinait, un édicule d’incertitudes et de potentialités. Il s’y avança avec la quiétude d’un maître du jeu, sûr de ses pions.

Un instant, il s’arrêta, se contemplant dans un miroir terni par l’oubli. Adam ne se trompait pas ; sa flamme intérieure pouvait le réconforter ou le consumer. À son reflet, il confia :

— Tu es ma splendeur et mon brouillard, ma prison et ma liberté. Je suis le forgeron de mon sort. 

Guidé par le mantra et attiré par l’éclairage au bout du tunnel, il quitta l’allée. Le corridor s’étendait – labyrinthe de possibilités pour le commun des anges. Alors qu’il s’aventurait dans les méandres d’une alcôve, Michaël, indéfectible allié, émana de l’opacité :

— Mon cher neveu, on a foulé aux pieds ta légitimité.

— Mon oncle, tu crois que cela m’échappe ?

Pareil à un saltimbanque évoluant sur scène, l’Archange s’approcha :

— Quelle est ta décision ? 

Dieu se focalisa sur l’horizon où le pulsar rougeoyant et le cosmos flirtaient.

— Je récupérerai ce qui m’est dû, articula-t-il, sa froideur contrastant avec la chaleur du spectacle. Je refuse qu’on me relègue au rôle de simple observateur.

Le tonton resta inexpressif :

— Et les conséquences de ce choix ? 

— Toute odyssée revêt ses sacrifices, Michael, déclara-t-il, prenant la direction de la chambre centrale. J’assumerai les miens. 

Mélodieusement tranchant, l’Archange ajouta :

— La reconnaissance ne se quémande pas ; elle s’acquiert Neveu, et ce chemin est semé d’épreuves. 

— Si mon sort implique d’être un esprit errant en mon Palais, que ce cauchemar s’insinue jusqu’aux recoins les plus reculés de ce royaume, répliqua-t-il en frappant vigoureusement le mur.

Le fracas résonna, une onde furtive qui ne laissa aucune trace sur la pierre. Pas même une fissure ou un éclat. À ce spectacle, Michaël esquissa un rictus. Un sourire dévoilant moins une allégresse manifeste que la maîtrise d’un secret amalgamé d’un zeste d’orgueil.

— Tu peux compter sur mon soutien, assura l’archange avant de s’estomper.

Une trajectoire se dessinait, à l’opposé des dogmes ancestraux relégués aux oubliettes. L’écho d’une aspiration muselée, à présent émancipée. Porté par cette épiphanie, il s’avança vers la bibliothèque proscrite de Yahvé.

Les étagères de l’occulte sanctuaire regorgeait de textes et de cartographies. Chacun de ses neurones pulsait d’anticipation. Il était sur le point de dompter l’Obscur, chose que même Yahvé n’avait pas su accomplir.

Animé d’une certitude qui ne laissait pas de place au doute, ni aux conséquences, ni aux sacrifices, il effleura le premier des codex. Ses prunelles se fixèrent sur des pages vierges, assoiffées d’histoire. Une aventure qu’il ne sculpterait pas en lettres, mais qu’il infuserait de la puissance gargantuesque de son être. La température s’éleva, chassée par le brasier de son désir absolu. Au sein de l’Antre de son ancêtre, il perçut la vérité. Il ne s’agissait pas d’une conclusion ; tout débutait. Le défi ne se limitait pas à transgresser des règles, mais à bâtir une mythologie personnelle, à devenir l’architecte de son existence, et ce malgré les injonctions du trône. Sa paume posée sur le grimoire le plus ésotérique, une sensation d’aplomb l’inonda.

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