Chapitre 9 : L’Éveil et la Pierre.

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Ëlara et Caïn avançaient côte à côte à travers les terres énigmatiques de l’île Rapa Nui, enveloppée dans une aura lourde qui contrastait avec le calme environnant. L’illustre hospitalité des Xandriens aurait dû les accueillir dans une cacophonie joyeuse de sourires et de mélodies, mais elle était étrangement absente.

— Quelque chose ne va pas, grommela-t-elle, son intuition en alerte.

— Je ressens la même chose, confirma-t-il d’un ton grave.

Sa nervosité monta et ils choisirent de se séparer pour explorer l’île plus efficacement. Le Vampyr s’engagea vers le nord aride tandis que Dame Nature rejoignait le sud.

Caïn se frayait un chemin à travers la végétation luxuriante, ses sens de vampire scrutant le moindre signe de vie ou d’anomalie. Malgré ses efforts, il ne décela rien, aucune trace des Xandriens ni le plus petit indice expliquant leur disparition. Son irritation croissait à mesure qu’il avançait. Soudain, un cri perçant le fit sursauter.

— Ëlara !

En un instant, il se lança, se déplaçant avec vélocité. Sa course alimentée par la peur, le paysage fut traversé promptement. À ses oreilles le vent sifflait, mais le battement de ses cœurs et sa respiration étaient les seuls sons qu’il percevait. À mesure qu’il se rapprochait, son inquiétude grandissait. Que trouverait-il là-bas ? Et surtout, serait-il assez rapide pour protéger la personne qu’il aimait ? La nuée de poussière provenant du large le submergea tant bien que mal, mais il l’affronta.

Caïn émergea sur un bord de plage, son souffle court, juste à temps pour être témoin d’un spectacle absolument stupéfiant. Là se tenait sa femme, mais pas celle qu’il connaissait.

Ses prunelles devenues dorées étincelaient. En un clin d’œil, ses cheveux se renouvelèrent, passant d’un brun terne à une cascade de roux captivants. Puis, il y eut sa peau d’ébène qui s’éclaircit, adoptant les teintes chaleureuses du soleil couchant pour évoluer en une palette vivace d’or et d’orange.

Caïn cligna, luttant pour saisir la séquence de transformations qui s’enchaînaient. La tunique d’Ëlara se changea en lianes de lierre séché – ode à la nature, symphonie visuelle inoubliable.

L’énergie qui en découlait était tangible. Et l’amant transi ne pouvait que contempler, émerveillé et ensorcelé par cette femme d’exception. Un instant il s’en détourna pour comprendre sa fureur.

Ce qu’il vit le frappa de stupeur. La plage était jonchée de moribonds, pareil à des coquillages abandonnés par la marée. Chaque silhouette était prise dans une pose d’agonie, tordus dans des expressions de souffrance.

Ses sens vampiriques perçurent les battements de cœur faibles, mais persistants. Ils pulsaient si mollement qu’ils paraissaient plus proches de la mort que de la vie, suspendue dans l’intermédiaire.

Une rage brûlante le saisit, une indignation alimentée par l’injustice. Cette souffrance, ce calvaire prolongé, il ne pouvait la confondre avec autre chose. C’était une signature écrite dans le langage de la cruauté et de la tourmente.

Des veines noires apparurent sur son cou, se propageant aux restes de sa personne. Il contempla avec dégoûts le firmament, à la recherche d’une explication ou d’une solution. Mais il ne vit que les nuages muets, témoins impassibles de la désolation.

— Michael, murmura-t-il.

Les bras levés vers le ciel, Dame Nature s’éleva. Elle flottait maintenant au-dessus de la plage macabre, une aura argentée baignant ses pieds. Ses mains s’étendirent, libérant des fils scintillants, descendant lentement vers les corps en agonie.

La magie rencontrait une résistance quasi physique, elle heurtait un mur invisible. Chaque filament était repoussé par cette barrière, crépitant et s’éteignant en de petites étincelles.

Les traits d’Ëlara se contractèrent, sa concentration intense évidente sur son visage. C’était un duel de volontés entre elle et la malédiction.

Finalement, elle se relâcha, résignée. Malgré son désir ardent, le maléfice céleste était trop grand. Son mana reflua, les fibres se dissipant en fumée.

— Je suis désolée, murmura-t-elle, au bord des larmes.

Même dans sa forme métamorphosée, même avec sa puissance, elle n’avait pas réussi.

Ëlara ressentit soudain une chaleur enveloppante dans son esprit – une aspiration invisible écartait les nuages de désespoir. Des runes dorées apparurent dans les méandres sombres de ses pensées. Ils dansaient, s’entrelaçaient, formant une séquence de formules magiques que son âme reconnaissait, bien qu’elle ne les ait jamais apprises.

Inscrites directement dans sa conscience, les glyphes tracèrent un chemin, une solution à l’obstacle qui se dressait. C’était l’œuvre de la Créatrice, un guide dans cet instant de détresse.

Son attention se posa sur son compagnon, qui comprit d’emblée le signal. En un éclair, il fut à ses côtés, en suspension. Leurs mains se trouvèrent naturellement, établissant une connexion plus viscérale que le simple contact.

Une onde passa. Caïn sentit un élan de force, transformé en un réservoir vivant, un puits brut duquel Ëlara puisait. La magie vampirique sombre fusionna avec l’enchantement argenté générant une luminescence quasi insupportable.

Ce transfert délicat, était un équilibre subtil entre deux êtres liés, mais fondamentalement différents. Pourtant, dans cette minute ajournée, le Vampyr ne ressentait aucune crainte. Il avait une confiance totale, ancrée dans leur amour, le respect qu’il avait pour sa force et sa maîtrise de l’art Arcanique.

Un murmure d’admiration s’échappa des lèvres de la Xandrienne tandis que les essences se mêlaient, amplifiant son propre pouvoir.

— Je vais convoquer Terre-Mère, susurra-t-elle.

Les feuilles tourbillonnèrent en spirales, les pierres flottèrent dans l’air, et elle entama son invocation.

« Ô Nature, entends cette ode emplie d’urgence... Offre un abri intemporel à ces âmes souffrantes. »

Des racines émergèrent du sol, des fleurs éclatèrent dans une explosion de couleurs.

« Que l’île devienne refuge. Que le roc solide les entoure pareil à une armure. » 

Des arbres anciens s’ouvrirent. Des cristaux surgirent, créant un halo protecteur autour du sanctuaire.

« Relie ces esprits par un réseau onirique. Qu’elles trouvent la paix dans l’imaginaire, loin de leur agonie. »

Le vent se leva, les cimes dansant en signe d’approbation. Les Moais jaillirent de terre, tournant leurs visages vers le centre de l’invocation.

« Mère des éléments, initie cette transformation. Change leur douleur en majesté, leur angoisse en sérénité éternelle. »

L’incantation était terminée. Leur descente fut gracieuse. Autour d’eux, les corps qui gisaient sur la plage étaient devenus les Moais, les gardiens de pierre. Leurs faciès naguère tordus par le calvaire exprimaient désormais une quiétude continuelle.

— Qu’as-tu fait ? demanda Caïn, le souffle court.

— Je les ai réunis dans un rêve collectif, libérant leur conscience de toute souffrance, expliqua Ëlara. Des symboles de résilience et de tranquillité qui les maintiendront en vie jusqu’à ce que nous trouvions un antidote à cette malédiction. 

Leur regard se posa sur les créations, chaque statue représentant une âme attendant la rédemption.

— Nous devons avertir les autres, déclara Ëlara. Si Michael est responsable, alors aucun des miens n’est en sécurité. 

L’urgence de la situation les enveloppa, écartant tout espoir de répit. Avec un dernier échange chargé de signification, mais exempt de paroles, ils s’élevèrent dans les cieux. Les Moais les observèrent s’éloigner, les bénissants dans leur quête.

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