Chapitre 11 : Réseau tellurique

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Sous le ciel azuré, les trois aventuriers fendirent les nuages, leurs capes ondulant en étendards. L’horizon émergeant des brumes captivait Ëlara et Caïn. Quant à Ménès, il évaluait posément les étendues de l’île, dessinant mentalement ses contours afin d’y revenir. À l’atterrissage, une décharge, résultant de la traversée du bouclier, les envahit. L’Hacienda en sommeil s’éveilla. Revigorés, les deux premiers se redressèrent, tandis qu’un grincement se dérobait du dernier, trahissant son inquiétude.

Un à un, les lampions s’égayèrent, traçant la voie vers l’entrée de la demeure. Gracieux, les volets se déployèrent, inondant la cour d’une lumière chaleureuse. La porte entrebâillée laissa entrevoir un hall où s’entrelaçaient les exhalaisons boisées et florales. Un vent tiède balaya l’humidité et la fraîcheur nocturne, enveloppa les lieux. Sur le plancher, les pas hésitants de la résidente émirent un craquement discret. Elle inclina légèrement la tête, un geste subtil traduisant son contentement et la paix intérieure qui l’habitaient.

— Je suis également ravie de te retrouver.

Autour de la table en acajou, ils prirent place, ses plats répandant des effluves captivants. Caïn, brisant un morceau de pain croustillant, le fit glisser vers sa bouche. Ménès observait la potence d’un œil scrutateur, tel un alchimiste confronté à une mixture mystérieuse. Le vampyr, vibrant d’exaltation, s’écria :

— Cette substance xandrienne... as-tu imaginé son potentiel, ma douce étoile ?

— Elle pourrait être la clé vers des puissances inouïes, rétorqua-t-elle.

Fasciné par le scintillement hypnotique d’une bougie, Ménès rompit son mutisme :

— Et si cette essence devenait le chaînon manquant pour raccorder le monde ? Un réseau de transport tellurique à l’échelle planétaire.

— L’idée m’enchante ! s’exclama le Vampyr. Ça nous épargnerait de longs périples aériens.

Ëlara demeura aphone. À ses grimaces, ils devinèrent son monologue intérieur. finalement elle annonça :

— J’ai déjà lu un truc à ce sujet. Hacienda ?

Un grimoire ancien se libéra de son repos sur l’étagère et glissa, tel un oiseau, pour atterrir avec délicatesse sur la table. Dame Nature, l’œil aiguisé, discerna aussitôt la reliure en cuir finement ouvragée, ornée du sceau sacré de Yahvé, un trésor qu’elle avait précieusement emporté lors de son départ précipité de Xandria.

— Merci, mon amie, lâcha-t-+elle.

Son frère l’ouvrit avec une révérence sacrilège, et tourna les pages jusqu’à ce qu’il trouve :

— C’est incroyable... la formule est là, exulta le Xandrien.

Bien que la jubilation excessive de Ménès et son apparente absence de traumatisme à la suite de sa capture et de sa torture aient éveillé l’attention de Caïn, il réprima l’impulsion de son intuition qui l’encourageait à l’éliminer sur-le-champ. Alors, le trio se leva, et c’est enveloppé par une brume, que les restes du festin disparurent. Ménès, de plus en plus méfiant, inspecta méticuleusement la pièce, intrigué et presque déçu que la demeure enchantée n’ait pas ourdi de piège venimeux à son encontre.

Quittant la résidence, ils s’engagèrent sur un sentier sinueux qui les mena au cœur de la jungle. Au-dessus d’eux, une canopée d’arbres filtrait les caresses d’Hélios, la transformant en un halo tamisé. Une mélodie sauvage résonnait : chants d’oiseaux, cris de singes et bourdonnements d’insectes se fondaient en une harmonie naturelle. Surgissant du tapis de feuilles et de fougères, des fleurs aux teintes vives pétillaient dans cet écrin de verdure.

Le bruit de l’eau s’intensifia au fur et à mesure de leur progression. En bout de course, une cascade se dévoila – son rideau miroitant sous les rayons solaires. Caïn s’approcha de la chute et murmura quelques mots inaudibles. Les flots se séparèrent. Niché derrière ce spectacle aquatique, le temple de l’Orbe de l’Oracle se dressait. Une construction en pierre témoignait de son premier siècle de vie sur l’île.

— Après vous, les invita-t-il.

Au lieu de l’usure et de la décrépitude dues aux affres du temps, les statues sculptées à même la roche dégageaient une beauté saisissante. Elles incarnaient le panthéon familial de la Créatrice : ses trois fils, sa bru, son époux et ses petites-filles. Plus qu’une représentation, l’œuvre imprégnait de l’essence suprême des figures pérennisées. Caïn révéla :

— Ces icônes m’ont été dévoilées dans mes rêves.

Ëlara, familière de l’endroit, s’approcha de l’Oracle incrusté sur l’autel de marbre au cœur du temple :

— Nous sommes ici pour éviter qu’un grand pouvoir ne tombe entre de mauvaises mains.

Ménès se détacha des effigies pour se fixer sur l’artefact :

— Évidemment, c’est notre obligation morale !

Caïn toucha l’Orbe. Au contact, une flamme jaillit de ses paumes. Ses paupières se refermèrent, le plongeant dans une méditation intense. L’atmosphère trémula, fusionnant la vitalité de l’Oracle avec la sienne.

Fascinée, Ëlara sentit une onde de chaleur, les fils de mana s’entrelaçant.

Ménès focalisait son attention sur les fluctuations qui émanaient de l’interaction. Puis, avec une démarche cérémonielle, il s’approcha. Une connexion invisible se forma aussitôt, modifiant les vibrations énergétiques. Le couple ressentit ce changement, la sphère résonnant désormais à une fréquence différente.

Des symboles, jusqu’alors imperceptibles, émergèrent à la surface, évoquant des astérismes scintillant dans le firmament nocturne, flottant à l’intérieur de la sphère de Karistal.

— Ah, les voici enfin, s’exclama Ménès triomphant. Les emplacements des monolithes sont codés dans un langage ésotérique accessible, uniquement, aux initiés. Heureusement pour nous, le déchiffrer relève pour moi de la formalité.

Le trio encercla l’Orbe. En synchronie, les bras s’érigèrent et les doigts extirpèrent les glyphes du minerai. La grâce et la précision témoignaient d’une parfaite maîtrise des arcanes. Au fur et à mesure que le cérémonial gagnait en intensité, une aura envahi la salle. Les effigies du clan Darck s’animèrent, leurs traits figés se transfigurant en expressions de satisfaction manifeste. À l’issue du rituel, les paumes retrouvèrent leur posture originale.

Confirmant le succès de l’invocation, un hologramme de la Terre, incrusté de sigiles d’or, s’éleva de l’artefact.

— Nous avons notre carte, se réjouit Caïn, grisé par la pratique des hauts enchantements.

L’énergie atteignit un point culminant, se focalisant sur la paroi centrale où la statue de la Créatrice luisait. Des abîmes surgit un mégalithe de Karistal. Captivé par le phénomène, le trio resta immobile.

Libérée de l’emprise de la gravité, Ëlara plana en douceur. Au-dessus du monolithe, elle entra en symbiose avec la pierre massive. Par la force de sa volonté, elle le façonna en une arche majestueuse. Un halo laiteux lui conférait une silhouette spectrale sous les premiers rayons dorés d’Hélios.

Le vent agitait ses vêtements et faisait danser ses cheveux argentés. Ce qu’elle venait de réaliser allait bien au-delà d’une démonstration de puissance. C’était une affirmation incontestable de son autorité, un témoignage de son lien avec la planète.

En lorgnant son beau-frère, il y discerna une complexité. De l’admiration s’y lisait, c’est certain, mais elle se mêlait à une nuance insaisissable. S’agissait-il d’envie, de convoitise, ou peut-être d’une trahison en train de se former ? Ëlara toucha délicatement le sol, le Dolmen derrière émit la lueur d’un phare.

— Le chemin est ouvert, annonça-t-elle, emplie d’une assurance tranquille. Nous savons ce que nous devons faire.

Ménès leva brièvement le poing, son geste livrant sa victoire, mais son expression demeura réservée, introspective :

— La prudence et la sagesse marchent de paire, et il nous faudra l’alliance des deux pour triompher, articula-t-il.

Dans une atmosphère dense et saturée de magie, Caïn ferma les yeux pour intensifier sa concentration. Il s’enfonça dans une transe profonde, son esprit se fondant avec les forces occultes environnantes. Sur le littoral en contrebas, des duplicatas de lui-même commencèrent à se matérialiser, chaque clone prenant forme en tant que reflet parfait de son apparence. Ces doubles se multiplièrent rapidement, constituant une armée prête à accomplir en un éclair ce qui aurait normalement nécessité des années de labeur. En prenant conscience de l’immensité de sa puissance déployée, il fut traversé par une onde de satisfaction qui le baigna d’un sentiment d’irréductibilité.

Pendant ce temps, Ménès étendit ses mains, générant une nuée bleutée qui se dirigea vers la plage où les ménechmes de Caïn étaient alignés. Des maelstroms surgirent devant eux, et, sous l’impulsion mentale d’Ëlara, les fioles contenant la quintessence des idoles déchues se révélèrent. Les clones s’en emparèrent et s’élancèrent dans les portails, disparaissant dans un éclat qui engloutit l’obscurité environnante.

À travers les continents aux paysages changeants, ils franchirent des déserts stériles, survolèrent des forêts et glissèrent au-dessus d’océans en furie. Sous la houlette du Vampyr, ses sosies manœuvrèrent habilement. Leur mission était indubitable : atteindre les monolithes dispersés sur le globe. Ces imposantes structures furent érigées par la Créatrice au commencement des temps, à cette fin précisément. Une fois intégré au cœur de ces pierres, s’activerait un sortilège, maléfique, mais pas entièrement néfaste.

Les duplicatas entonnèrent une psalmodie, leurs litanies s’unissant en une mélodie transcendante. Qu’elles soient lisses ou rugueuses, les surfaces se transformèrent en toiles ardentes, accueillant les glyphes. À mesure qu’ils se ciselaient, une liaison s’établissait entre le rocher et l’essence des Xandriens, les associant à travers les méridiens sous terrain.

Tout cela se déroulait dans une ambiance sacrée.

De concert, le trio entama l’incantation. Les timbres fusionnèrent, donnant naissance à des runes sur le mégalithe de Karistal. Et enfin la radiance ultime. La terre se vit submerger par une vague manatike donnant vie au réseau tellurique.

Depuis sa dimension lointaine, la Créatrice contemplait la scène avec un sourire énigmatique. Elle avait tissé un voile d’incertitude autour de leur quête, avide de découvrir comment ils navigueraient à travers les caprices du destin.

— Finalement, la planète n’a pas sauté, s’amusa le Vampyr.

Sa mission achevée Ménès disparue dans un vortex, laissant les amoureux au sein du sanctuaire.

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