Chapitre 34 : Vers une Nouvelle Puissance

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Les Léopardons, devenus plus grands, leurs corps empreints de la vigueur de l’adolescence, dormaient en un amas de fourrure et de pattes difficiles à discerner. Elle aussi se reposait, mais quelque chose d’indéfinissable la tira loin des bras de Morphée.

Coutumière de la pénombre, Gaïa se leva, poussée par une sensation énigmatique. Elle huma l’air, ses narines capturant les diverses odeurs de la terre humide et de la faune assoupie. Mais parmi ces parfums, un élément éthéré, presque insaisissable, émergea. Ses oreilles dressées interceptèrent un souffle d’ultrasons, des strophes si subtiles qu’ils frôlaient la limite de sa perception.

Guidée par cette mélodie insonore, elle s’aventura dans sa tanière, effleurait le sol avec une précaution innée. Le tunnel s’enroula, s’élargit, puis se resserra, ses courbes accentuant l’intensité du chant qui l’orientait.

Pendant qu’elle progressait, des éclats de sa mémoire légitime jaillirent dans son esprit : des visages, des sourires, des mots. Ces fragments brillaient comme des lucioles, avant de se fondre dans l’obscurité. L’harmonie ultrasonique devenait plus persistante, tirant les cordes de son âme, la conduisant irrévocablement vers la source.

Enfin, le murmure atteignit son crescendo à peine perceptible, révélant la silhouette élancée qui se tenait là. Deux iris se levèrent pour rencontrer les siens. Et à cet instant, toutes les facettes de son existence, animale, humaine, mère, chasseresse, s’unifièrent. Sa fourrure s’estompa en un voile éphémère, ses traits félins se réorganisèrent. Sans un mot, sans une pensée, la Léoparde se dissipa, laissant place à sa véritable essence. Une robe de dentelle émeraude l’habilla, telle une seconde peau, tandis que ses cheveux se transformèrent en une centaine de tresses, ondulantes. Dans un souffle où se mêlaient étonnement et émerveillement, où la joie côtoyait le soulagement, elle s’écria :

— Tante Lyana!

Sans hésitation, elle s’élança, les bras grands ouverts, pour se réfugier dans l’étreinte aimante. Sa main glissa doucement le long du dos de Gaïa, ses caresse évoquant une plume. Dans cet échange muet, toute l’histoire de leur relation refit surface, les éclats d’amour et de soutien qui avaient forgé leur lien inébranlable.

Après l’émotion de leurs retrouvailles, un geste élégant de l’Impératrice révolutionna l’intérieur de la grotte. Les parois rugueuses laissèrent place à des meubles somptueux, notamment un duo de canapés richement rembourrés.

Pythie et Enchanteresse s’installèrent avec une grâce mutuelle. Un second claquement de doigts de Sa Majestée, et une table basse apparue, encombrée de mets qui raviraient les sens : des fruits exotiques aux couleurs rivalisant avec des pierres précieuses, des viandes fumées et épicées, et des boissons d’un autre monde aux arômes enivrants.

Tandis que Gaïa savourait une bouchée, Lyana perçut son désir de réponse :

— J’ai suivi ta progression au cours des dernières semaines, annonça-t-elle, son ton mêlant admiration et gravité. Tu as réalisé quelque chose d’extraordinaire, bien que nous n’ayons pas anticipé ta capacité à te métamorphoser.

Pénétrant le voile du mystère, sa disciple la fixa :

— Mais que faites-vous ici ? La Créatrice a bien spécifié qu’aucun contact ne devrait avoir lieu jusqu’à l’accomplissement de la mission.

— En effet. Mais les plans ont changé. Les circonstances l’exigent.

Une fiole fut sortie de sa poche de son tailleur haute couture. Intriguée, la Pythie fronça les sourcils.

— Qu’est-ce que c’est ?

Lyana esquissa un sourire qui ne pouvait dissimuler son sérieux.

— Un élixir, conçu spécialement pour tes Léopardons par Nick.

Devant la mine interrogatrice, elle précisa :

— Ce philtre transformera leur essence. Ils évolueront en Maîtres Magimale, porteurs d’une domination transcendante.

Gaïa digéra cette révélation.

— Ils seront... ?

— Ce n’est pas simplement une modification, c’est une élévation. Ils deviendront des catalyseurs de forces ancestrales, des êtres résonnant à travers les âges.

— N’y a-t-il pas de risques ? Comment s’administre cet élixir ?

Lyana présenta le flacon, leurs doigts se frôlant. La passation demeura en suspend...

— Tu absorbes d’abord le sérum. En les allaitant, tu transmettra cette essence renouvelée. Ils grandiront sous sa protection et sa puissance.

— Et si je refuse ?

L’Impératrice se tendit, mais ses mains restèrent douces en serrant celles de Gaïa, attendant qu’elle s’en empare :

— Ils seront vulnérables, condamnés à un destin incertain dans un monde qui ne leur laissera pas de place.

Elle saisit finalement la fiole. Les deux femmes se toisèrent, l’ambiance reflétant la gravité de l’instant.

Tout a coup, l’éclat des minerais se maria à l’aura archaïque de la caverne, muant l’espace en une scène presque céleste. Lyana abaissa son sceptre, son expression mêlait fierté et tristesse.

— Cet endroit est désormais sanctifié. Grâce au karistal tu pourras enseigner à tes petits à maîtriser leurs pouvoirs.

— C’est... magnifique. Sont-ils sans danger pour eux ? demanda-t-elle, son souci maternel surmontant son émerveillement initial.

— Autant que la magie puisse l’être.

Tout en parlant, Lyana s’approcha du cristaux mère. Lorsqu’elle le frola, l’ensemble réagit, émettant diverses couleurs.

— Ce sérum, et ta décision de l’utiliser pourraient bien pencher la balance. Il seront les premiers d’une nouvelle espèce qui se développera à travers vos ages.

Gaïa inspira, fixée sur la fiole qu’elle tenait toujours.

— Alors il en sera ainsi, déclara-t-elle, désormais empreinte de certitude.

— Très bien, dit-elle doucement.

Dans un mutisme presque sacré, elle se rapprocha de la Pythie et la serra sur son cœur avec une chaleur qui transperça le froid ambiant.

— Tu es extraordinaire Pythie de la Terre, murmura-t-elle à l’oreille de sa protégée.

Détachant sa prise avec lenteur, Lyana anima son sceptre. Le cobra sculpté à sa pointe éveilla ses gemmes. En conséquence, l’espace se comprima avant de se fissurer. Modelée par sa seule volonté, la réalité se troubla. Un nuage azur surgit, créant un vortex éblouissant. Elle pivota ensuite vers Gaïa, emplie d’une mélancolie mêlée à une fierté inébranlable :

— Nous nous reverrons. Sois forte, pour toi et pour eux.

Sans un autre mot, elle franchit le seuil du trou de ver. Le phénomène se replia, ne laissant que le sentiment d’un adieu inachevé.

Gaïa demeura immobile, secoua la tête avec conviction ; puis déboucha la fiole et en absorba le contenu. Elle attendit qu’un effet se face sentir, mais rien ! Alors sa transformation s’amorça. En un clin d’œil, la Pythie retrouva sa forme de Léoparde et rejoignit ses trésors, les enveloppant de son amour et de sa chaleur, mais aussi d’une nouvelle résolution.

Les étoiles à l’extérieur brillaient un peu plus intensément, comme si elles reconnaissaient également le tournant qui venait de s’opérer dans le destin de ce monde.

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