Chapitre 35 : Le Déchaînement de Gaïa

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Les premiers rayons de l’aube transperçèrent la canopée, métamorphosant feuilles, lianes et racines en fragments de vitraux émeraude et dorés, égayant ainsi le repaire. Depuis des niches obscures, les Léopardos émergèrent, gracieux et musclés. Leurs langues abrasives en mouvement sur sa fourrure soyeuse évoquaient une brise d’été caressant un champ de lavande. De grosses canines traçaient des arabesques invisibles sur son pelage. La queue de Gaïa, elle, s’animait d’une volonté propre. Voltigeant, s’entrelaçant, serpentant entre des pattes puissantes, elle ressemblait à une flamme espiègle.

Dans ce tourbillon de tendresse, une ombre de perplexité la voila brièvement. Pour un éphémère instant, l’aura apaisante de Lyana parut n’être qu’un rêve fugace, une illusion tissée par la nuit. Mais alors, ses billes de jade se figèrent sur un objet parmi les brindilles et la mousse – la fiole – preuve indélébile que la veille n’avait pas été qu’une chimère. La réalité la happa, laissant en elle un sillage de lucidité et de certitude.

Bizarrement, une pensée s’insinua dans son esprit. Cette tétée, bien que douce et joueuse, avait quelque chose de différent. Une intuition la traversa, et de par son instinct animal ? elle réalisa que ce serait la dernière. Aucun doute ne subsistait : les Darck avait orchestré cela méticuleusement, le timing se révélait trop parfait pour n’être qu’une coïncidence.

« Lyana... Elle savait ! »

Résolue à suivre la voie tracée par la Créatrice, Gaïa s’affala avec une superbe contenue, ses flancs palpitants. Les Léopardos s’y ruèrent. Le fluide transcenda un simple flot lacté pour devenir un courant de conscience. Il se métamorphosa en onde spirituelle, en communion d’âmes. Dans cet instant d’intimité partagée, les arbres centenaires, les rivières éternelles et les montagnes indomptables tressaient leurs échos au sein de l’interaction.

Le ronronnement qui les unissait s’apaisa, cédant la place à un mutisme vibrant. Ils se reculèrent, se levant sur leurs pattes, mais, au lieu du jeu ou de la querelle, ils l’observèrent avec une intensité renouvelée. Leurs esprits s’ouvrirent, et une série d’images et d’impressions affluèrent : le frisson de la chasse, la sérénité d’un clair de lune, l’ardeur d’un combat futur. Aucun mot n’aurait pu égaler cette prise de conscience, la naissance de l’intelligence faunalle.

L’amour d’une mère pour ses enfants ou la dépendance des Magimals envers leur génitrice ne subsistaient plus. Une unité primordiale, un pacte sculpté par la magie et la terre, avait trouvé sa place. Désormais, ils formaient une famille, lié par des chaînes que le temps peinerait à corroder.

Gaïa, qui arborait une démarche royale, devenait plus qu’une simple matriarche. Elle incarnait la gardienne d’anciens mystères, une pontife entre le monde tangible et les forces invisibles de la nature. Un parfum d’épices et d’herbes sauvages flottait. Ce bouquet d’arômes se fondait en une essence captivante qui amplifiait le charme du moment, hypnotisant les jeunes. Leurs queues se frôlaient, envoyant des étincelles à travers le groupe, telle une griffe d’électricité statique.

Quand ils atteignirent finalement l’alcôve de Karistal, les murs, incrustés de gemmes et de cristaux mystiques, s’ensoleillèrent brièvement, pour accueillir cette famille hors du commun. Intrigués, ils se tournèrent vers Gaïa, qui de son museau effleura l’une des pierres enchâssées. Ce qui déclencha un chœur de couleur qui peignit l’atmosphère d’or, de tanzanite et d’émeraude.

Tout se distordit : la roche, l’air et le Continuum – la réalité hésitait, ondulant entre différents états. De par sa psyché elle tissa des lianes qui s’enroulaient autour des troncs, créant des sculptures végétales vivantes. Les ronces s’étendirent, la boue se transforma en miroir liquide, et des palmiers s’érigèrent dans un tourbillon de tons. La jungle devint un tableau enchanté. Submergés, mais fascinés, les Léopardos se pelotonnèrent contre maman. Les arbres s’élevèrent équivalents à des tours, leurs feuilles établissant un plafond verdoyant. Les caresses d’Hélios pénétraient la canopée. Les chants d’oiseaux exotiques résonnaient, tandis que le bourdonnement des insectes formait une chorale apaisante.

Devant eux, des proies virtuelles jaillirent, mais ces entités se révélaient plus que de simples spectres dansants. Elles se métamorphosèrent en légende : des harpies, un troll massif, et une reptilienne. L’air palpitait d’électricité, les battements d’ailes, les rugissements, et les incantations amplifiant l’épaisseur du drame.

À distance, Gaïa suivait le conflit naissant :

« Dévoilez votre puissance, mes enfants », souffla-t-elle dans l’éther. « Piocher le savoir dans mon esprit. »

Kale, la flamme de la fratrie, discerna les faiblesses de l’armure du troll, il grava furtivement une rune avec sa griffe dans une roche ; une colonne d’obsidienne éclatée, pointant telle une lance vers le ventre du monstre. Ce dernier fut projeté en arrière, émettant un borborygme de douleur, mais pas encore terrassé.

Elysia, la sage aux mille ruses, se concentra sur la vouivre qui planait au-dessus. Un grognement franchit ses lèvres et la flore alentour en prit note. Des lianes surgirent pour emprisonner la créature dans une nasse de verdure.

Tandis que Tarn, le pilier de la lignée, s’occupait des harpies. Sa prescience lui octroya de déclencher un barrage de pétales tranchants qui cisaillent les ailes de ces démons aériens, les obligeant à une descente chaotique.

Ce n’était pas tout. Les Léopardos, dans un ballet athlétique, utilisèrent l’environnement à leur avantage. Ils bondissaient, leur musculature puissante leur permettait d’escalader les troncs en un instant, de s’élancer vers les cieux puis de retomber sur le tapis de feuilles. Un opéra de mouvement anima l’air, un feu d’artifice brillant de prestige et de dextérité. Pendant que la bataille gagnait en intensité, les Léopardos dressèrent des remparts en lianes entrelacées afin de cantonner les assaillants à un périmètre profitable.

Et pour ajouter une couche supplémentaire, leur fourrure adopta les couleurs et textures de la végétation luxuriante. Ils devinrent presque invisibles. L’affrontement, un chef-d’œuvre en soi, se déroulait sous la maîtrise innée de ces fauves extraordinaires.

« Ils sont la magie incarnée. », chuchota la mère.

Les vibrations du feulement de Gaïa traversèrent les arbres et les brins d’herbe. Les oiseaux se turent, les insectes cessèrent leur bourdonnement. Les Léopardons, encore sur leurs gardes et prêts à riposter, se figèrent soudainement, identifiant son ordre. Ils baissèrent la tête en signe de respect, marquant ainsi la fin de la séance.

Alors qu’elle prenait conscience du temps qui avait filé, la Pythie fut surprise de constater que ses petits ne montraient aucune trace de leur appétit insatiable, de soif ou de lassitude. Cette observation laissa pensive, bien qu’elle n’y accorda pas une importance excessive. Elle effleura doucement les Karistaux rouges de sa patte, et l’illusion disparut, rendant à l’alcôve sa réalité tangible. C’est à ce moment précis que les signes de fatigue, la faim et la déshydratation envahissaient ses progénitures. Pour la première fois, elle sollicita son mana pour matérialiser la pitance. Reconnaissants de ne pas devoir aller chasser, ils la câlinèrent du sommet du crâne. Après avoir mangé, ils plongèrent dans la torpeur.

Après une journée passée dans une inactivité oppressante, Gaïa éprouva le besoin de s’étirer et de bouger à l’extérieur. Même si le climat tropical, bien que factice, avait son charme, il ne lui convenait guère. Elle préférait ses montagnes enneigées, paisibles ou le plus petit des insectes se mouvait discretement, craignant de perturber la sérénité environnante. Elle bondit avec élégance, sa fourrure se mêlant parfaitement aux tourbillons de flocons. À l’affût du moindre bruit, Gaïa se déplaçait d’arbre en arbre, autant avec une aisance telle qu’elle narguait les lois de la pesanteur.

une présence imprégnée de malveillance se fit sentir. Gaïa se trouva à un carrefour de décisions. Cette aura, étrangère et menaçante, titillait son instinct de protection. Doit-elle traquer cette énergie mystérieuse et possiblement dangereuse ou faire demi-tour pour veiller sur ses enfants ? Les battements de son cœur résonnaient comme un tambour, reflétant le tumulte de son dilemme intérieur.

Gaïa, tel un spectre, se précipita à travers la steppe hivernale. Lien après lien, d’élan en élan, elle défiait le temps, son urgence imbibant les alentours.

Lorsqu’elle atteignit l’entrée de la grotte, un obstacle manatike s’érigea brusquement. Elle fut rejetée, roula et se fracassa contre une souche millénaire. Elle patienta, pendant que ses ecchymoses se résorbaient. L’essence du sceau était dense, refusant tout passage. Les fils du sort s’entrelaçaient, créant un maillage hermétique.

Ses griffes creusèrent la neige. Rugissante, elle s’élança, espérant le briser par la force brute. Cependant, peu importe combien elle insistait, la barrière tenait bon, repoussant tentative après tentative.

Bien que redoutable dans sa forme animale, elle se heurtait aux limites face à un tel sortilège.

Alors elle redevint femme et émergea, incarnant la Pythie dans toute sa grandeur. Sa main caressait sa baguette qui brillait de mille feux. Puisant dans les ressources de la Terre, elle incarna un cyclone de boue qui, avec une ferveur démesurée, se transforma en une lame acérée.

Sa résolution inébranlable la projeta contre l’obstacle. Le bouclier vacilla sous le poids de l’assaut, mais resta intact. Cependant, Gaïa, mue par une inquiétude abyssale pour sa progénitures, ne faiblit pas, amplifiant la tornade à un niveau cataclysmique.

Face à l’offensive inlassable et à la vigueur sans bornes de la Pythie, le sceau capitula, offrant un passage. Sans la moindre hésitation, elle bondit, propulsée par l’amour.

Dominant ses enfants innocents, un sinistre individu brandissait une dague au froid mordant. De sa paume sanglante ensorcelée, il déversait un faisceau. Face à cette menace, Gaïa se teinta d’une colère ardente. Vif, elle braqua sa Régallia sur l’agresseur, déchaînant une pommade de maléfice. À sa consternation, ils se répercutèrent tous, frappant une muraille impénétrable.

L’éclat d’une amulette pendante au cou de la vermine, dégageait une aura protectrice impressionnante. Consciente de l’inutilité d’un affrontement direct, elle modifia sa stratégie. Avec autorité, elle pointa sa baguette vers le sol. Et, d’une psalmodie, fit surgir un gouffre abyssal.

Décontenancé, il croisa le regard intense de Gaïa. Un éclair de surprise le traversa – il la reconnut. Mais avant qu’il ne puisse articuler un son, la terre l’engloutit, le précipitant dans ses ténèbres. Le pouls accéléré, elle se rua vers ses trésors.

Au moment où elle reprenait son souffle, une terreur glaçante l’envahit. En perturbant l’incantation du salopard, elle avait engendré une cascade de conséquences funestes. Ses enfants subissaient une mutation déconcertante, oscillant entre forme humaine et animale de manière incontrôlable. Devant ses prunelles embuées se déployait un cauchemar à l’état pur.

Un frisson la parcourut alors qu’elle concentrait son esprit. Elle tenta de tisser un lien télépathique avec ses frères et sœurs, cherchant désespérément à atteindre ce raccordement qu’ils partageaient depuis leur naissance. Cependant, malgré ses efforts, la chaîne montagneuse étouffait ses pensées.

Poussée par un instinct maternel impérieux, trois tulipes, d’un noir d’encre, furent invoquer. Avec une précaution extrême, elles englobèrent les tourmentés. Faisant preuve d’une habileté remarquable, Gaïa trancha subtilement les tiges, s’assurant ainsi de préservé le lien tenu entre existence et léthargie, mettant ses enfants dans une quiétude temporaire.

Après avoir terminé cette procédure délicate, elle réduisit les fleurs en taille et les enferma dans des fioles façonnées de diamonite, extraites de la poche de son abaya. Ces filets les protégeaient de toute menace extérieure. Sentant l’urgence de la situation, elle quitta la grotte à toute allure.

Fluide, la Pythie lança sa baguette. Telle une entité vivante, elle se transforma alors en une plateforme flottante verdâtre. Le désert, autrefois un sanctuaire de tranquillité, se convertissait en un théâtre de tempête déchaînée, arrachant feuilles et petites branches dans une danse effrénée.

Son transport captait sa volonté et gagna en célérité. Elle fendait l’air, esquivant vents et éclairs avec une aisance presque irréelle. Sa vélocité était telle que les gouttes de la pluie battante projetaient des stries luminescentes. La colère de la nature, loin d’être un obstacle, devenait un allié, amplifiant sa magie et la propulsant toujours plus vite vers le monolithe qui la conduisit ici.

À peine sa planche eut-elle repris sa forme élancée de baguette que Gaïa plongea la main dans les tréfonds de sa robe. Elle en retira un parchemin marqué par les âges. Le déroulant délicatement, ses yeux parcoururent les glyphes anciens qui s’y dessinaient. Parmi les quarante symboles mystiques, elle en activa sept, les faisant luire sous la caresse de ses doigts.

Soudain, un halo l’inonda, créant une brèche entre les dimensions et l’aspira.

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