Chapitre 36 : Le Vent du Destin !

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Nasëem portait une tenue adaptée aux environnements les plus rudes. Son manteau sombre, descendant jusqu’à ses chevilles, s’ornait d’une fourrure au col, le protégeant des froids mordants. Par-dessus, une armure de cuir sertie des plaques entrelacées lui assurait mobilité. Des bottes montantes, idéales pour la montagne et les marais, accentuaient son allure. Pendue à sa ceinture, une bourse émeraude se distinguait par son charme. Dotée d’un pouvoir surprenant, elle pouvait contenir un espace tridimensionnel infini. Cadeau d’un mentor respecté, elle symbolisait l’admiration qu’il ressentait pour son élève.

À mesure qu’il émergeait d’une nonchalance calculée du Monholite sacré, les bourrasques rugissaient dans une frénésie indomptée, leurs rafales en rotation fouettant ses boucles ébène à la volée. Le monument de pierre, dominant une falaise abrupte, émanait d’une aura invitant à percer ses énigmes. Il s’accrochait à peine à la majesté de la vue, lorsque le son déchirant de pleurs brisa la sérénité de la scène, écho d’une douleur brute. La vigilance aiguisée de Nasëem se posa sur une frêle silhouette dangereusement au bord du précipice.

Dans un mouvement fluide et sans effort, il glissa à travers la tourmente, une course alimentée par la fureur du vent, attrapant la fille au moment où elle titubait vers le gouffre. Sa poitrine pulsa, un mélange grisant de soulagement et d’adrénaline – couplet palpitant d’une mélodie aventureuse.

Il estima qu’elle devait avoir entre 12 et 14 ans. En lambeaux, ses vêtements offraient peu de préservation face à la cruauté impitoyable de l’environnement. Jadis reflets des jours heureux, ses cheveux brillants et vifs se mêlaient désormais à la poussière des péripéties. Les roches tranchantes meurtrissaient ses pieds nus, ses inspirations devenant une bataille contre la morsure du froid. Une lueur vacillante dans ses yeux témoignait de son innocence perdue.

Enveloppés dans l’étreinte du Druide, elle se débattit, le martela de coups, le griffa, puis ses prunelles perler de désespoir révélèrent son désir de fin abrupte. Mais pourquoi ?

Se brisant contre les récifs en dessous, l’océan tumultueux proposait une symphonie brute et sauvage à l’acte.

— Il semble que tu sois sauvée, petite. Je suis Nasëem. Et toi ? dit-il, d’une douceur rassurante, un baume pour ses frayeurs.

S’accrochant à sa soutane, ses larmes souillées de poussière, sa voix chevrotante, à peine audible :

— M-moi, c’est Lynéxia.

— Si tu veux mon aide, tu dois me faire confiance.

D’une discrétion presque désinvolte, il lui délivra une dose d’apaisement. Elle hocha timidement la tête en guise d’approbation, puis, d’une délicatesse presque déconcertante, il appuya son doigt contre son front. Ses paupières tombèrent, enfonçant dans le tourbillon de réminiscences de la petite, dévoilant ainsi les psychoses qui hantaient son esprit :

« Lynéxia et ses parents vaquaient à leurs occupations quotidiennes, inconscients du cauchemar qui se préparait à leur porte. Soudain, une présence menaçante s’éleva de l’ombre, une créature prédatrice émergeant des ténèbres. Ses globes occulaires brûlaient d’une flamme infernale, ses crocs scintillaient d’un désir mortel. Une haleine viciée s’échappait de sa gueule, souillant l’air d’un miasme de corruption.

L’épouvante envahissait la gamine, amplifiant l’effroi dans ses pupilles. La vision déployait une symphonie grotesque, mariant les hurlements déchirants de sa mère et les éclats de bois brisés, résonnant à travers les landes. L’agonie de son père au sol s’imbriquait à sa terreur, alors qu’il cherchait désespérément le regard de sa fille bien-aimée, terrée dans un tonneau non loin. Livrée à elle-même dans cette vision du passé, ne sachant pas quoi faire, c’est le cœur lourd de tourment qu’elle entreprit, son interminable pèlerinage.

Telle une ombre agile dans cette rétrospection, elle se faufilait, se nourrissant des lapins pris au piège ; s’abreuvant aux sources d’eau rares et précieuses, même lorsque cela signifiait boire sa propre urine. Consciente des dangers qui se tapissaient dans ces contrées barbares, Lynéxia apprit la survie. »

Les mouettes, échos criards du chagrin, contribuaient à cette toile tragique, leurs sanglots stridents se mêlant au bruit des vagues de l’océan qui se fracassaient sur les rochers bordant la rive. Il plongea plus radicalement pour percer le mystère de son périple. Une série d’images défila, représentant un exemple parfait de bonheur et de simplicité. Enfin, il dénicha un indice :

« L’enfant en compagnie de sa famille parcourant dés l’avènement du solstice d’été, en chariot, l’itinéraire ancestral qui menait à la forêt de Brocéliande afin de rendre visite à sa tante »

Au fait des tenants et aboutissants, il comprit qu’elle tentait de rallier les siens, avant que son courage ne cède. Il prit sa décision :

— Je vais te conduire à destination !

Les arbres se courbèrent dans une révérence humble face à la tempête. Même dans la tourmente, il y avait une beauté à préserver ; Nasëem incarnait cette vérité.

Épuisée, elle ne pouvait plus masquer sa détresse, évidente, au travers des râles constants de son ventre affamé. Il fit crépiter ses doigts. D’une manière inopinée, une bâtisse splendide en planches apparut au cœur de la plaine. Les madriers s’articulaient, traçant de subtiles ornementations, et des volutes ondulaient sous l’halo de sélène. Émerveillée par cette construction soudaine, l’adolescente examinait la structure, se perdant dans le labyrinthe de motifs envoûtants. Des rosiers et du lierre escaladaient les murs, conférant à l’ensemble un cadre mystique.

S’amusant du ravissement de la demoiselle, le jeune homme esquissa une courbette théâtrale, l’invitant à franchir le seuil. L’ouverture gronda légèrement.

À l’intérieur, des flammes dansaient gaiement dans l’âtre, répandant une paisible chaleur. Encore détrempée, Lynéxia entreprit de se débarrasser de ses bottes humides, puis, gênée par son vêtement sali, elle hésita à solliciter son hôte pour un changement de tenue, ne voulant pas abuser de sa générosité. Cependant, ayant saisi l’embarras de la jeune fille, le Druide s’avança ; confiant, il l’assura :

— Un bain et des habits neufs t’attendent dans la chambre adjacente. Ton périple a été ardu, il est maintenant l’heure de te détendre ; de récupérer tes forces.

Un frisson d’anticipation la parcourut à l’évocation du repos. Gratifiant son bienfaiteur d’un calin reconnaissant, elle se dirigea vers la pièce indiquée.

Tandis que sa pupille provisoire s’immergeait dans l’eau chaude, les souvenirs de son voyage affluèrent. Les douleurs et les épreuves subies se dissolvaient au rythme des bulles qui la recouvraient. L’étrange sentiment que les caprices du destin la conduisirent à ce singulier individu s’insinuait dans son cœur, éveillant une conviction mêlée d’espoir, de curiosité et d’une légère appréhension.

Pendant que sa nouvelle amie se perdait dans ses pensées, Nasëem s’occupait de préparer le repas. En temps normal, il aurait pu simplement invoquer les aliments nécessaires, mais la fatigue de la jeune fille requérait un apport de calories et de protéines que seul un vrai festin pouvait offrir. Il exprima intérieurement sa gratitude envers ses parents pour leur précieuse sagesse, devenue essentielle dans ce monde humain.

Fixant le porche rustique de la cabane, son esprit s’envola. Ses sens affûtés détectèrent la présence de quelques légumes sauvages qu’il cueillit d’un geste agile de l’index, les faisant apparaître en un éclair dans la cuisine. Puis, étendant sa main, il ferma les paupières pour se focaliser pleinement. Sous la force de ses incantations, plusieurs lapins se matérialisèrent sur la table de bois. Il en sélectionna deux particulièrement robustes et renvoya les autres à leur environnement naturel. D’un mouvement à la fois ferme et respectueux, il mit fin à leur vie.

De par sa volonté la recette s’activa. C’est au rythme des hachoirs, du bouillonnement du chaudron associé au hululement d’une chouette qu’il invoqua une confortable méridienne bleue Roi au contour travaillé à la feuille de diamonite.

En sa seule compagnie aujourd’hui, la prise de conscience fut étonnante : la saveur inédite de la solitude offrait un ravissement inattendu. La séparation de sa fratrie, loin d’être un manque, se révélait un soulagement qui le libérait d’un poids qui lui échappait jusque-là. Ainsi, l’égoïsme trouvait sa place légitime dans son existence.

Attirée par l’odeur alléchante, Lynéxia sortit de son bain. Vêtue d’une tunique de lin rose et de sandales légères, elle suivit l’effluve jusqu’à sa source. Poussant doucement la porte de la salle à manger, elle fut accueillie par la vue d’une table dressée.

Nasëem, allongé nonchalamment sur une méridienne près de la cheminée, se perdait dans la rédaction d’un parchemin, retraçant leurs rencontres mémorables. Absorbé dans cette tâche, il ne remarqua pas l’arrivée silencieuse. Ce n’est qu’après un discret raclement de gorge de la jeune fille qu’il releva la tête, surpris de la trouver là.

— Pardonnez-moi de vous déranger. Le repas sent incroyablement bon.

D’un mouvement gracieux, il ouvrit la fenêtre, laissant le frais de la nuit pénétrer.

— Je suis content que l’odeur t’ait attirée. Viens, installe-toi.

Timidement, elle prit place. Nasëem tendit une serviette à disposer sur ses genoux et, bien ancré dans sa chaise, manœuvra la louche avec une élégance déconcertante, ses doigts virevoltant avec une dextérité hors du commun. Affamée, la petite ne résista pas plus longtemps et plongea avec gourmandise sa cuillère dans le bouillon alléchant. Chaque bouchée s’avérait exquise, provoquant une symphonie qui éveillait ses papilles avec une intensité quasi indécente. La tendreté inouïe du lièvre se mêlait harmonieusement aux légumes sauvage, cuisiner à la perfection, constituait une véritable ode à la générosité, surpassant de loin tous ses espoirs.

— Quel est le mystère de ces pouvoirs ? Est-ce une aptitude accessible à tous ?

Dans un état contemplatif, Nasëem posa son ustensile de table et prit une pause pour réfléchir.

— Malheureusement, la maîtrise du mana est un privilège hérité à la naissance. Certains sont bénis de cette habileté dès leur premier souffle de vie, d’autres, hélas, en sont privés.

Quelque peu déçue, elle se questionna sur son apparente absence de ces dons particuliers :

— Donc, je présume que je ne figure pas parmi les rares élus, n’est-ce pas ?

— Ne te précipite pas vers le dépit. Cela ne signifie nullement que tu sois dénuée de valeur. Ce n’est qu’une facette de cet univers infini ; d’autres forces, d’autres vertus peuvent être tout aussi impressionnantes.

Ses mots résonnèrent en Lynéxia :

— Alors, j’emploierai ma persévérance et mon courage pour forger mon destin, quels que soient les obstacles sur mon chemin.

Nasëem hocha la tête, une lueur de fierté illuminant son visage. Ils continuèrent leur repas, le jeune homme répondant patiemment aux multiples interrogations, dévoilant les arcanes de son art ; expliquant qu’il puisait dans les énergies cosmiques pour accomplir des prodiges, partageant ses rites ancestraux et les innombrables heures de formation nécessaires pour maîtriser son essence spirituelle. Mais il se garda bien de parler des Darck, de la Créatrice ou de Khalarie.

Fascinée, Lynéxia buvait ses paroles. Chaque révélation de son sauveur ouvrait un monde de possibilités.

Une fois le festin terminé, ils rejoignirent des fauteuils douillets. La chaleur du feu les enveloppait, instaurant un environnement propice à la confidence. Au fur et à mesure que la soirée s’écoulait, elle finit par succomber à la somnolence, bercée par la timbre rassurant du Druide. Nasëem transforma l’assise de la demoiselle en un lit confortable et la couvrit. Ensuite, épuisé par la journée, il regagna son siège pour se laisser submerger par ses pensées.

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