Chapitre 38 : Le défi d’Avalon

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Alors que l’aube colorait la cime des arbres, Druide, fillette et Xandrumains s’aventuraient sur un sentier sinueux. Menés par le chef de la communauté, ils s’enfonçaient dans le verdoyant. Les chemins se perdaient dans l’ombre des titans ligneux tandis que leurs camarades s’affairaient à leur labeur : élagage, désherbage, dispersion d’un pollen sur les pousses.

— Fascinant, murmura-t-il.

Alors que la flore se densifiait, leur guide s’arrêta et pointa une zone où se dégageait une brume de ténèbres :

— Faites preuve de prudence, ces lieux sont proscrits, annonça-t-il.

Pourtant, Lynéxia scrutait l’opacité dissimulant la zone :

— Sens-tu cette énergie ?

Il répondit par un rictus :

— Allons découvrir ce qui se cache là-bas.

À peine eurent-ils franchi la frontière qu’un mouvement agita le marécage à l’orée de la forêt. La boue s’éleva, se durcissant pour former, un géant de vase. Les globes oculaires topaze de la créature passèrent d’abord sur Lynéxia, avant de se fixer sur son mentor. Il gronda :

— Avalon est ici. Tu as jusqu’’au Nadir pour révéler sa splendeur. Faute de quoi vous mourrez.

— Je relève le défi.

Avant de fusionner avec le marais, le golem marqua le début de l’épreuve en matérialisant un cadran solaire. Nasëem s’installa en lotus ; closit les paupières. Identique à un sage sous la canopée, il laissa les minutes s’écouler. Au bout d’une heure, il se leva, et porta son attention sur le groupe de Xandrumain :

— J’ai besoin de liqueur de la Fontaine de Barenton, de trois feuilles d’un chêne millénaire, du sable du Val sans Retour, de la rosée de digitales, d’une plume de corbeau.

Alors que ses coursiers s’éparpillaient dans la forêt, Nasëem murmura à sa pupille des secrets décelés pendant sa méditation :

— Ce sortilège provient d’une de tes ancêtres.

— Veux-tu dire que je pourrais détenir du mana ?

— C’est possible, mais je ne détecte aucune aura paranormale te concernant.

— Mais comment peux-tu être sûr que cet ancêtre est lié à moi ?

— L’essence du maléfice est semblable à ton odeur corporelle. La magie révèle des corrélations indiscernables pour les sens ordinaires.

En à peine dix minutes, ses émissaires revinrent avec sa commande :

— Excellent travail, loua-t-il. Soyez attentifs, ce rituel est délicat.

Le Druide s’agenouilla près du feu improvisé, le chaudron de rubidium brillant à la lueur de la fournaise. Masque de concentration, il observait les signes imperceptibles pour un non-initié.

Nasëem, tenant fermement la fiole de liqueur dans sa main droite, laissa le nectar argenté s’écouler en un flux continu qui se mêlait au crépitement du brasier.

Il ajouta les trois feuilles, leur verdure sombre formant un contraste saisissant avec le bouillon nacré. L’ingrédient entreprit une valse à la surface de la décoction, portée par les tourbillons, alors, qu’une cuillère en bois touillait avec une douceur mesurée.

Un grincement déchira la quiétude lorsque Nasëem ouvrit le flacon de sablistale. Les grains dorés se dispersèrent dans le chaudron, pareils à des comètes égarées dans une galaxie liquide.

Ensuite, il incorpora la rosée de digitale. Les gouttelettes, explosèrent au contact, libérant des émanations iridescentes. Passant sa main libre au-dessus de la vapeur, le Druide palpait la consistence de la potion, en guidant son évolution avec une présence quasi spirituelle. Il ajouta la plume de corbeau.

D’une méticulosité admirable, le Druide orchestrait un spectacle à la fois captivant et sublime.

Au terme de la préparation, le Druide incarna une aiguille et piqua le pouce de Lynéxia. Alors que la perle de sang se mêlait au chaudron, une effervescence de particules pourpres s’embrasa, accompagnée d’un nuage de fumée parfumée, signe indubitable de la perfection de l’élixir. Nasëem versa la mixture dans les flots fangeux.

Le marais s’éclaircit, la boue et les sédiments devinrent un parterre de mousse verdoyant, enjolivé de fleurs argentées et dorées. Les arbres torsadés et penchés s’érigeaient, l’écorce parée de phosphorescence, leurs cimes touffues se fondant avec les constellations.

Une arcade se dressait, sculptée dans un minerai translucide. Les détails minutieux de sa surface narraient des batailles épiques, des amours tragiques, des héros déchus et des monstres terrifiants, des couronnes de laurier et des épées brisées. Récits aphones, si éloquents dans leur non-dit.

Épaisses et luxuriantes, les lianes s’enlaçaient autour du portail, leurs feuilles arborant des nuances indescriptibles. Au moindre effleurement, les inflorescences s’ouvriraient, diffusant des parfums envoûtants dans l’air. Sur le côté, une source jaillit d’un rocher, formant un ruisseau babillant, qui serpentait à travers la mousse.

Le golem de boue émergea dans une auréole carmin, se transformant en une dame à la beauté sans pareille. Ses cheveux ébène parsemés de fils d’or coulaient sur ses épaules. Elle s’approcha de Lynéxia, leurs prunelles se rencontrèrent et, dans un mutisme frappant, elle lui transféra un présent insoupçonnable.

« Je suis Nimue ! Ton arrière grand-mère ! »

La jeune fille abasourdie, elle porta son attention sur tuteur. Elle posa son index spectral sur son front, où elle insuffla le quadriskèle sacré, symbole conférant le contrôle du domaine enchanté. Nimue, paisible comme l’aube, transmis bien plus qu’un pouvoir, elle révélait une destinée entrelacée aux mystères envoûtants d’Avalon. Puis, sans un mot de plus, elle s’évanouit, laissant derrière elle l’écho d’une vérité qui l’obséderait :

« Tu es un descendant de Merzhin, » déclara-t-elle. « Avalon est ton legs. »

Jamais ce nom n’avait trouvé place dans son arbre généalogique.

— Quelle que soit la véracité sur mon héritage...

L’accalmie s’abattit sur la forêt à l’instant où le Druide s’avança vers l’Arcade de Karistal. L’attention accrut il parcourut la structure, s’attardant sur les détails les plus infimes. Avec assurance indomptable, il tendit la main vers le vide au centre de l’Arche, sa paume ouverte flottant. Alors, le quadriskèle sur son front phosphora.

Le cadre trembla, puis un miroir se forma là où il n’y avait rien. Résolu, Nasëem plongea sa tête. Un panorama édénique, aux couleurs vibrantes, qui se déployaient sous un dôme d’énergie. Un royaume d’arbres anciens et de rivières chantantes, de montagnes couronnées de neige et de vallées. Avalon. Il ressortit, se tourna vers Lynéxia, et la bande, qui l’observaient avec une curiosité mêlée d’engouement.

— Venez, dit-il.

Elle n’hésita pas, quant aux Xandrumains, après un moment de perplexité, ils le suivirent, un par un, s’évaporant dans le reflet jusqu’à ce que seule l’Arche de Karistal trône fièrement.

L’espace se révélait un théâtre où les légendes s’incarnaient. Des dragons altiers s’élevaient, scarifiant les constellations d’une fumée scintillante. Ailleurs, des trolls massifs inscrivaient leur empreinte dans la boue. Délicates et virevoltantes, les fées dansaient au-dessus des bosquets. L’horizon lointain était le terrain des centaures galopants, tandis que lutins et léprechauns jouaient dans l’ombre des montagnes impériales, qui flirtaient avec le firmament. Les prairies verdoyantes, mosaïque de fleurs aux nuances infinies, rendaient l’air vibrant, saturé d’une magie qui insufflait vie et musique à chaque brin d’herbe, chaque feuille, chaque goutte d’eau.

Un détail captiva pourtant l’attention de Nasëem, loin de toute cette magnificence. Dans le ciel, un croissant suspendu, d’une grandeur à couper le souffle, baigné dans une clarté douce et sereine. La forme était reconnaissable. Là, dans un moment de clairvoyance, il comprit. Il s’agissait de la Terre. Une vision seulement possible depuis la face cachée de la Lune. Mais il garda cette réalisation pour lui.

La Voie lactée, elle aussi, se drapait dans cette excentricité. Les astres brillaient sur une partition cosmique, chacun interprétant un opéra unique. Les constellations, elles, narraient des épopées d’amour et d’héroïsme, leurs scintillantes endormant la contrée sous une berceuse stellaire. Bien qu’entourée de créatures peu communes, la troupe se sentait à l’abri.

Ils se délectèrent de leurs premières trouvailles : fruits, gorgés de flaveurs jamais dégustées auparavant, et fleurs méconnues, diffusant des effluves hypnotiques, cueillis avec une dévotion quasi sacrée.

Au crépuscule d’une journée jalonnée de découvertes, l’escouade se rassembla. Les heures s’égrainaient langoureusement, filtrées par l’élan de l’expédition et les premiers symptômes de la fatigue. C’est alors que Nasëem eut un trait de génie, digne de l’inventivité de Warren Darck. Il extirpa l’abri miniature de sa bourse sans fond, qu’il projeta au loin.

Dans sa paume, un orbe blanchâtre se concentrait. Son esprit, en parfaite harmonie avec sa vision, la guidait avec une précision infaillible vers la masure.

Confrontée à cet afflux, la cabane frissonna, ses veinures éclatant. Puis, sous le regard étonné de son créateur, elle entama sa dilatation, tel un ballon gonflé.

Chaque particule se contorsionnait, s’épaississant, se durcissant sous l’influence du Druide. Le foyer devint rugueux, le granulé du bois s’estompant pour laisser place à une texture plus résistante. Puis, dans une explosion, il s’altéra pour se convertir en rocher. À peine la métamorphose terminée, une autre déferlante de mana enveloppa la structure, la submergeant. La pierre se fissura, puis se volatilisa en un nuage de poussière scintillante, révélant une charpente de Karistal.

La transmutation atteignit son paroxysme quand le minerai se transforma en un manoir de diamonite laiteuse. Il donnait l’impression d’être sculpté dans les étoiles, sa surface diffusant un déluge de clarté sous la voûte stellaire.

Nasëem invita Lynéxia à s’approprier une chambre.

Cela fait, il autorisa les Xandrumains à faire de même. L’intérieur éclipsait presque l’éblouissement extérieur, avec des draps de soie et des matelas qui élevaient le confort à un nouveau standard. Les lits exhalait une chaleur douce, les enrobant dans un cocon de bien-être. Cette nuit-là, tous sombrèrent dans un sommeil paisible et réparateur.

Dans le labyrinthe de ses rêves, il capta une vision. Un message de la Créatrice, presque un chuchotement, traversa son esprit : il devait rassembler les Xandrumain en ce lieu, leur rendre leur pouvoir et fonder une communauté qui transcenderait la face du monde.

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