Chapitre 44 : À l’ombre de la clarté.

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En Avalon, les cieux chantaient, faisant ainsi entendre la musique du vide. La plaine chromatique chatoyait. Le Manoir de diamonite scintillait – ce miroir d’astres amplifiait la visibilité.

Nasëem, scrutant l’horizon, fut submergé par un mélange d’excitation et d’appréhension. Il avait choisi dix Xandrumains pour partir en quête des habitants de Brocéliande en compagnie de son héritière qui incarnerait l’émissaire royal. Dans la cour, Lynéxia se dressait, telle une statue sur le point de prendre vie. Le Roi les rejoignit :

— Vous personnifiez ma parole. Toute âme ralliée signifie un pas de plus vers une coalition.

Sur le front de sa princesse brillait le Quadriskele noir, marque de sa royauté. Le halo de l’Arcade s’intensifia. Ses fidèles se positionnèrent en rang, à sa suite. D’une élégance évoquant une danse, elle modula l’espace y faisant naître une brèche.

Ils en franchirent le seuil. Derrière eux, le passage se scella en un soupir éthéré. Nasëem, enveloppé d’une solitude soudaine, sentit une chape de plomb peser sur ses épaules. Pourtant il demeurait certain de la rectitude de sa décision : sa fille serait à la hauteur.

En Brocéliande le jour inondait la forêt, vive contradiction avec la nuit éternelle d’Avalon. Lynéxia et les émissaires se frayèrent un chemin vers un village suspendu. Mais lors de leur arrivée, la quiétude se fit assourdissante. Point de cri d’oiseau, nulle stridulation d’insectes. Même la brise persévérait à s’absenter. Ses camarades se tournèrent vers la meneuse :

— Ratissez-les alentour.

Elle attendit. Ils revinrent blafards. Les habitants s’étaient volatilisés. L’un de ses collaborateurs émit l’idée que les villageois avaient peut-être rendu visite au voisin. Lynéxia, peu convaincue, mais résolue, acquiesça. Une centaine de mètres suffit avant de découvrir un spectacle ignoble. Autrefois verdoyante, Brocéliande se trouvait maintenant obscurcie par un linceul de corps victime d’une brutalité indescriptible. Les émissaires vacillèrent. La réalité les frappa - un coup de poing dans l’estomac. Mais la meneuse demeura solide, puisant dans une réserve de courage soupçonnée :

— Nous devons continuer, ordonna-t-elle, ferme, tendue et blême.

— Bien, Votre Altesse !

Ses compagnons, bien qu’horrifiés, sentirent sa force et la suivirent. Un cri retentit. Ils se retournèrent, crispés, les cœurs palpitants. Une bête surgie d’un buisson. Sa laideur, son odeur de mort et de décomposition restait insoutenable. Son rugissement fit trembler la terre, et elle la reconnut ! Elle avait dévoré ses parents.

— Filer ! hurla Lynéxia.

Brocéliande s’en mêla. Les arbres et les lianes s’écartèrent pour leur laisser le passage. Ils sprintaient, le monstre à leurs trousses, sa rage et sa faim. Mais alors, quelque chose d’incroyable se produisit. La nature elle-même se dressa contre l’infernal. Les racines s’enroulaient autour de ses jambes, les branches s’abattaient sur lui, et des lierres l’étranglaient. Les créatures de la forêt se joignaient au combat, attaquant durement. Déployant des aptitudes d’une intensité sans précédent, la princesse réussit à le tenir en échec. Pourtant, elle ressentait le drain incessant de son mana, ses pouvoirs la trahissant progressivement.

— Vers la clairière ! s’exclama-t-elle, guidant ses compagnons.

Ils se faufilaient à travers les ténèbres, le souffle du monstre frôlant leurs serres. Les secondes s’étiraient en éternités, les battements de cœur résonnant tels des tambourins de la mort, marquant le rythme effréné de leurs foulées.

Le lagon se dévoila, évoquant une oasis salvatrice face à la terreur. Lynéxia, exploitant ses ultimes forces, courut vers le centre, les deux Xandrumains rescapés du carnage à sa suite. Elle enclencha le passage en plaçant le symbole contre le Karistal. Le couloir s’élargit, les menant vers un havre sûr. Ils traversèrent rapidement, le démon émettant un rugissement d’exaspération, ses griffes effleurant à peine l’arrière-garde. Épuisée, la princesse scella l’entrée, laissant la bête captive des rameaux. Ses cris persistants assaillaient encore leurs sens.

Un frisson sillonna Nasëem, un pressentiment faisant écho en lui. Il fixa l’horizon, y discerna le portail.

« Trop tôt ! »

Pris de court, il anima un balai par magie, y montant, ses jambes fermement ancrées. Il se lança alors à travers le ciel, teinté du rouge intense de l’urgence. En plein vol, il sauta et courut à en perdre haleine. À distance, il aperçut sa fille, pâle et tremblante. Les émissaires la soutenaient tant bien que mal. Sa prodigieuse princesse captait entièrement son attention. Sans hésitation, il la rejoignit et la serra, sentant sa respiration saccadée par l’angoisse d’être à la hauteur.

— Ma douce enfant, je suis là, souffla-t-il, empreint d’une tendresse paternelle.

Guidée par l’instinct Xandrien, elle effleura le front de son père, sur qui s’abattit une déferlante d’images, de sensations. La fureur déforma ses traits parfaits, accentuant sa beauté. La colère, l’implacabilité, un désir ardent de vengeance et de justice le posséda. Elle chuta, succombant à l’épuisement. Il l’attrapa au vol, une tempête d’affection et d’indignation tourbillonnant en lui. L’emmitouflant dans ses bras, il se dirigea vers le manoir, laissant les survivants aux côtés de leurs compagnons.

Roi, papa, et protecteur ; la vulnérabilité... un luxe qu’il ne pouvait se permettre. Son poing se contracta. Il fit une promesse à sa fille : venger l’ombre de terreur qui assombrissait ses prunelles. Il confia Lynéxia aux mains expertes d’une vieille druidesse, femme d’empathie et de fermeté.

Sa réaction qu’il savait excessive, mais parfaitement assumer l’entraîna à traverser l’arcade. La clairière dévoila un tableau tragique, l’odeur corrosive de la mort assaillait les sens. Dans ce lieu, autrefois foisonnant de vie, ne subsistait que la désolation. Ingérant les cicatrices de la dévastation, l’image se tatoua en lui. Loin de l’abattre, elle le galvanisa. L’arôme nauséabond de la créature titilla ses narines, indiquant sa direction. Malgré la répulsion, il inspira à pleins poumons.

D’une présence discrète et calme, Nasëem irradiait désormais d’une force effrayante, mais fascinante. Sa lignée vampirique, nourrie par une rage froide, prit le dessus. À la manière d’un chef d’orchestre, il leva les bras. De fines étincelles se formaient à l’extrémité de ses doigts, se fondant en motifs géométriques tournoyants. Absorbés dans sa transe, ses glyphes se mêlèrent, générant un halo incandescent. Une onde sonore, presque imperceptible enveloppa l’endroit qui se renouvelée. Les sceaux se déchaînèrent en bourrasque, et un hurlement puissant jaillit.

Malgré cette démonstration éclatante, au cœur du tumulte, le Druide restait l’incarnation de la sérénité. Les ténèbres, ayant dévoré le lagon, cédèrent à sa splendeur passée. Le crépuscule percait. Les fleurs s’épanouirent à nouveau, cherchant la chaleur du soleil. Le ruisseau retrouva sa mélodie et les feuilles, jadis prisonnières, étincelaient.

— Je te trouverai serpent de l’enfer, murmura-t-il, et tu paieras pour ses larmes versées, pour ses cris étouffés. C’est mon serment. 

Un sourire carnassier étira lentement ses lèvres, dévoilant des canines acérées. Résolu à venger sa fille, il partit en chasse. Tel un félin en pleine traque, ses mouvements fugaces et fluides le portaient à peine à toucher le sol. Chaque enjambée, chaque élan, le guidait vers la puanteur suffocante. L’atmosphère s’imprégna d’un effluve corrompu, âcre et nauséabond, plissant son nez de dégout.

Les hurlements résonnaient, tissant une mélodie sinistre de chaos. Ces cris de désespoir et de douleur embrasaient sa rage. Il ne laisserait pas ces monstres agir impunément. La forêt, autrefois paisible, se mua à un labyrinthe périlleux. N’importe quel ombre pouvait cacher un danger. Avançant prudemment, ses sens en éveil, le Druide chassait.

Après une battue éreintante, il le débusqua. Au cœur du bourg occidental, il trônait, repu de sa jeune proie. Les veines du front de Nasëem pulsaient intensément, prêtes à se rompre, tandis que sa respiration se faisait sifflante et laborieuse.

Sa voix éraillée tonna avant qu’il charge d’une furie sans égale. Le vent lacérait sa peau tandis qu’il se lançait vers l’abomination, son corps en tension extrême. Lorsqu’ils entrèrent en collision, le sol frémit sous la violence de l’impact, soulevant un maelstrom de feuilles et de poussière. Dans leurs abris, les villageois demeuraient figés par la terreur, leurs supplications résonnant en un écho d’espoir ardent.

Armé de griffes acérées, il transperça le démon qui poussa un rugissement, sa silhouette imposante se tordant pour se libérer de l’étreinte du Druide. Le sang épais s’écoula le long du bras de Nasëem, maculant la terre de gouttelettes sombres. L’atmosphère devint lourde de l’odeur métallique et entêtante du soufre, qui insuffla une répulsion chez le guerrier.

La bête se démenait furieusement, sa queue musculeuse claquant dans le vide afin de le désarçonner. Un hurlement aigu s’éleva de sa gueule. Ses pupilles rougis et submergés de haine promettaient le tourment et la mort. Malgré cette menace, il ne faiblit pas. Rien ne le détournerait de son objectif : éradiquer cette ignominie.

D’une rapidité surprenante, le monstre fouetta l’air, le frappant. Propulsé à travers la clairière, il heurta violemment un arbre massif. Le choc fut si intense que l’écorce s’en trouva creusée d’une entaille béante. Tordu de souffrance, il luttait pour retrouver son souffle. Il secoua la tête, cherchant à disperser la brume qui brouillait sa vision, résistant à l’épuisement. Son être suppliât pour un instant de répit qu’il ne pût se permettre.

Poussant un râle guttural, Nasëem parvint à se remettre sur pieds, s’aidant d’un tronc pour soutenir son poids. Il expectora une giclée d’hémoglobine. Le ricanement triomphant du monstre résonna. L’image de Lynexia, semblable à un spectre, s’imposa. Il n’octroierait pas à ce monstre de l’emporter. Pas tant qu’il respirerait. Malgré la douleur, ses jambes le propulsaient en avant.

Sentant le danger, la créature répliqua, sa bouche béante révélait des dents aussi tranchantes que des Katanas, recouvertes d’une bave visqueuse, de limace et de chair. Mais le champion ne fléchit pas, ne vacilla pas. Au contraire, il redoubla de vitesse, rassemblant toute son essence pour cet assaut final. L’énergie dégagée fit blêmir les arbres, les déracinant.

Son agilité et sa dextérité s’avérèrent sidérantes. Malgré son état, il parvint à maintenir l’avantage, exploitant à fond les secondes qui s’écoulaient et les mouvements du monstre. Cependant, la bête possédait ses propres atouts. Sa rage s’abreuvait de siècles de malveillance, et une offensive manquée ne faisait qu’intensifier sa férocité. Il tenta de repousser le Druide, qui néanmoins tenait bon.

Au milieu de ce maelstrom de violence, un instant de clarté apparu, en utilisant toute sa puissance, le Druide planta ses griffes dans la poitrine de l’ennemi, et pressa l’organe saisi. Au bout du compte, le démon s’écroula. Épuisé, couvert de blessures et haletant, le guerrier s’effondra, observant l’opposant terrassé qui se consumait de l’intérieur, jusqu’à se muer en un tas de poussière charbonneuse. Il avait triomphé. Ses forces vampiriques s’évaporant telle une brume à l’aube, il fut assailli par les échos d’une vie jadis volée. Des visions fugaces s’entrelaçaient : Lilith, une caverne et un sceptre prisonnier d’une diamonite ébène. Chaque souffle lui coûtait. Pourtant, les survivants l’encerclèrent, emplis d’inquiétude. Un cocon manatike l’enveloppa, tirant des soupirs d’émerveillement aux plus jeunes. Le phénomène s’estompa rapidement, libérant un héros sans une égratignure et requinqué.

Nasëem étendit sa main. Ces survivants affaiblis se regonflaient d’énergie tandis que les anciens retrouvaient la vigueur d’antan. Avant de poursuivre, il promit de parcourir les villages voisins à la recherche de rescapés. Certains évoquèrent la peur d’autres démons, mais il les rassura, affirmant qu’un seul hantait ces terres.

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