Chapitre 49 : L’Art de la Neurosorcellerie

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Nasëem s’arrêta un instant à l’entrée du boudoir de purification, ses mains caressèrent le cadre de la porte pour saisir l’énergie du lieu. Il inspira profondément, son souffle se synchronisait avec le battement de son cœur. Les fibres de ses vêtements ordinaires pesaient sur sa peau ; il les enleva, une pièce après l’autre. Il pénétra dans le bain antiputride. Le formol enchanté frémit au contact de son épiderme. Une lueur fugace envahit l’eau, effaçant toute souillure, toute imperfection. À sa sortie, des perles glissèrent de son buste de glabre - musculeux, jusqu’a ces mollets proéminents, s’estompant avant de frôler le marbre, englouti par des sortilèges d’assainissement. Sa parfaite nudité exposée, il tendit les bras. Une soutane cérémoniale noire, brodée de fil d’argent se trouvait sur un portant. Elle s’en exila pour venir l’habiller.

Lorsqu’il traversa le champ stérile, un voile invisible l’enduisit – précaution supplémentaire afin d’éviter une contamination du patient. Son apparition, majestueuse, fut marquée par des pas mesurés, évoquant l’entrée d’un roi parmi sa cour.

Il leva la tête. Au-dessus, dans la mezzanine d’observation, les silhouettes de Kaëlle, Gaïa et Aëgir parés de leur couleur élémentaire brillaient, créaient un arc-en-ciel miniature. Un sourire énigmatique effleura ses lèvres, puis disparut.

Warren, son mentor, avait décidé d’exclure le reste de sa fratrie de l’apprentissage de la neurosorcellerie. Les raisons insaisissables de ce choix se dissimulaient quelque part entre les parfums d’encens et les ombres de la salle. Pour l’instant, ces motivations importaient peu. Il se tenait là, prêt, et le temps de l’introspection laissa le terrain à l’action.

Délicatement Nasëem posa le pied sur le sol d’obsidienne, lisse et miroitant, qui engloutissait les ténèbres tout en réfléchissant l’éclat stellaire sous forme de symboles fractals. Des hexagrammes phosphorescents palpitaient le long des murs, alternant entre contraction et expansion, tels des cœurs enchantés. Dans l’atmosphère trémulaient des mantras inaudibles conférant une résonance mystique à un mutisme chargé de possibilités. En guise de plafond, une verrière dévoilait le vide sidéral, où des constellations tournoyaient dans un ballet incessant. Nul doute que les astres se déplaçaient au rythme de la magie qui imprégnait le sanctuaire.

Baissant les yeux, il remarqua les phylactères cerclant l’autel sur lequel reposait Ménes – sous l’influence d’un envoûtement de mort partielle. Ces sphères étincelantes installées sur des socles d’infirmité renfermaient une essence élémentaire distincte.

À sa droite, un plateau d’argent portait des dispositifs qui ressemblaient plus à des joyaux qu’à des instruments. Les cristaux de Vertebrarite émettaient un vert serein, les perles d’Hippocampara luisaient, et les éclats de Neuraméthyste vibraient d’un violet apaisant. Mais le Pentapince était une œuvre d’art en soi : cinq branches reliées à une des composantes fondamentales, dont l’Obscur. Compact et pourtant expansif, un microcosme de l’univers dans le creux de sa paume.

Nasëem éleva ses mains et le Pentapince lévita, dominant Ménes. Il effectua un tournoiement, libérant des phylactères des faisceaux qui se fixèrent aux représentations élémentaires de l’outil en suspension. Du manche s’évada une chaîne manatik qui se lia au cœur du patient, garantissant sa survie. Ses lèvres s’animèrent, et un hymne sacré envahit la salle. Les syllabes heurtaient l’atmosphère, déclenchant des ondulations qui se multipliaient à travers l’espace. Des connexions émergèrent, tissant un réseau étincelant. Les esprits des apprentis, jadis isolés, se fondaient maintenant en une conscience collective, fonctionnant en harmonie telles les cellules d’un cerveau colossal. Ils maintiendraient de la sorte le champ neuronal stable.

Sa main droite se tendit et, d’un clin d’œil, un objet pris forme entre ses doigts : une lame éthérée. Ses contours se remplissaient et se vidait de mana pur en harmonie avec la respiration du gisant. Le moment était venu. Le Scalpurgis frôla la peau, sans contact physique, mais en sectionnant les liens arkanien qui nouaient les strates de la réalité. L’incision était limpide, dénuée d’obstacles matériels ou spirituels. Sa lame s’évanouit ; il fit trois pas en arrière, étira ses bras et laissa pousser ses griffes, qu’il écarta. De ces derniers surgirent des filaments.

— Chacun a sa fonction, proclama-t-il, à l’attention de son public.

Celui du pouce droit, plus épais, s’accrocha au crâne, il grava une ouverture circulaire en creusant l’os à la manière d’un trépan, ce qui dégagea de la fumée. Les filins de la main gauche s’y agrippèrent. Nasëem, lentement, la recula afin de soulever le fragment et le déposa dans un récipient rempli d’eau de mer. Telle une araignée tissant sa toile, un autre plus fin glissa sous la peau avec la précision d’un chat et incisa la dure-mère. Les témoins purent distinguer le liquide céphalo-rachidien stagnant. Avec une maîtrise magistrale, son majeur bougea. Scintillant d’une lueur bleutée, le serpent pénétra les couches pour se diriger vers l’hippocampe. Faisant tourner son annulaire, il aspira délicatement l’excès de sécrétion, et déclara :

— L’équilibre est primordial, afin de visualiser le chemin à emprunter. Aucun n’est constitué de la même manière. Ce que vous observez, ce sont les verts cristallisés par ma mère en vue de le libérer d’une emprise maléfique. Nous les raviverons lors du prochain cours.

Après avoir exploré et stimulé différentes régions cérébrales, le neurosorcier déverrouilla sa zone mnémonique. Alors utilisant son auriculaire, il forma un anévrisme – clipsé d’un sceau résorbant.

— Maître, comment parvenez-vous à manier ces filaments avec une telle exactitude ?

Un sourire en coin, il affirma :

— La magie est une extension de soi. Avec le temps et la pratique, tu les dirigeras à ta guise. Mais, souviens-toi, le respect et la connaissance sont essentiels. Activez la Manaoscopie.

Une loupe géante ornée de runes apparut au-dessus de l’autel, afin de scanner l’intégrité des terminaisons magico neurales. Les novices, attentifs aux moindres détails, ajustèrent la fréquence des hexagrammes avec précision. Peu à peu, ces symboles virèrent au bleu, une couleur intimement liée au subconscient.

— Initiez le Recallux, murmura Nasëem.

À cet ordre, un apprenti, concentré, lança une incantation. Les rayons s’orientèrent avec finesse vers une zone spécifique du cerveau.

— Préparez le plateau de Rubydium.

Avec une fluidité presque surnaturelle, il referma la dure-mère et ressouda l’os. Un assistant apporta l’artefact en question. Toutes les composantes étaient en place. Puis, levant les bras, la dernière psalmodie fut clamée.

L’instant suivant, des gouttelettes de liquide céphalo-rachidien s’écoulèrent des naseaux de Ménès, établissant une farandole de billes aérienne qui se virevoltaient vers le réceptacle. Ce liquide précieux constituait l’ultime élément pour que le Druide puisse sauver les Léopardos.

L’opération était un triomphe, une danse magique entre le savoir et l’inconnu. Mais aussi un pas vers un territoire où même les Darck hésitaient à s’aventurer.

Aëgir saisit les mains de ses sœurs, formant un puits d’ombre sous leur pied qui les transporta du plafond jusqu’à Nasëem, qui fut impressionné par cette nouvelle compétence.

— Les souvenirs se cristalliseront-ils ? demanda Gaïa, impatiente de serrer ces bébés.

— Il faudra l’après-midi.

Et enfin, pour marquer la fin d’un chapitre et le début d’un autre, Nasëem annonça :

— L’heure est venue de créer un sanctuaire digne des Amazones.

Ménès s’éveilla quelques heures plus tard, son esprit et son langage réduit à ceux d’un bambin. Il était méconnaissable dans son comportement et son maintien. Il avait promis un châtiment pire que la mort, ce n’était que les prémices de son calvaire, car il s’était assuré que, tapi dans l’ombre de son être, il contemple, impuissant, son tourment.

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