Chapitre 50 : Volcanique Palace

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Campées sur le parvis du Manoir le Mage, la Pythie et la Sorcière observaient le panorama prodigieux. Tout était en parfaite harmonie, même le visage du Druide. Son masque de bonheur de la veille cachait à peine les micro-expressions de souci qui le traversaient. Ce matin, cependant, son sourire se montrait sincère, dépourvu du poids qui l’oppressait. Tous trois se demandaient ce qui avait bien pu se produire pour que son humeur change radicalement.

— Vas-tu enfin nous révéler ce qui te tracassait ? exigea Kaëlle, les sourcils légèrement froncés.

Avant qu’il ne puisse réagir, Aëgir requit :

— Et pourquoi ton âme paraît-elle plus vieille que les nôtres ?

Ces questions qu’ils réfrénaient depuis leurs retrouvailles tombaient au moment opportun, ce qui déclencha son hilarité.

— Arrête de te foutre de nous et dis-moi quelle est cette force ténébreuse que tu manipules si facilement, ajouta Gaïa, le scrutant.

Alors qu’ils pérégrinaient parmi la lande enchantée, Nasëem décida de partager son fardeau. Il raconta en détail son arrivée dans la dimension ainsi que sa rencontre avec Lynexia, la découverte d’Avalon, et son incroyable entraînement de 1000 ans aux côtés de Lilith, jusqu’aux événements récents. Tous trois furent ravis d’apprendre qu’ils connaîtraient cette nièce surprise sous peu.

Aux abords du sentier pavé d’or, des végétaux aux formes étranges s’élevaient. Des arbres aux troncs torsadés et aux feuilles scintillantes projetaient des ombres dansantes sur leur chemin, créant une atmosphère presque onirique. Nasëem marqua une pause pour respirer et sentir l’air riche en phéromones végétales. Les plantes exhalèrent un mélange envoûtant qui changeait en fonction de celui qui l’inhalait. Suivant son exemple, le trio se laissa bercer par cette symphonie olfactive, écoutant les subtiles variations des fragrances.

Non loin de là, Kaëlle s’accroupit pour observer un être curieux qui apparaît à une fusion entre une chouette et une méduse. Sa peau translucide pulsait doucement, et ses globules oculaires jaunes réfléchissaient ses pensées. La sorcière tendit la main avec précaution pour effleurer sa surface, ressentant une légère ondulation. Pendant ce temps, Aëgir contempla une ronce insolite, incarnation vivante de la géométrie fractale. Ses épines formaient une spirale infinie qui se mouvait en rythme avec une musique imperceptible. Alors qu’ils progressaient, des créatures bioluminescentes se nichaient parmi les branches. Chaque pas les plongeait plus en avant dans cet écosystème étranger, où la nature était une source de ravissement. En approchant du village éphémère où les amazones furent installées, il ajouta :

— Le simple fait que l’argentiglobine, une substance rarissime, soit l’unique élément capable d’apaiser la soif de sang, combiné à votre irruption ici avec un prisonnier qui se révèle être le seul être de cette dimension apte à guérir ma fille, indique clairement que nous entrons dans un nouveau chapitre de notre destinée.

— La Créatrice nous avait prévenus que notre réunification marquerait le début de la fin, murmura Gaïa, perdus dans le lointain.

— Laissons le vent nous mener où cela se doit, trancha Nasëem.

Phoebus, encerclé de son peuple, guettait l’arrivée de La Reine, qui les rejoignit à la hâte. D’abord elle l’embrassa tendrement, puis il se pencha pour chuchoter à son ventre, saluant ainsi leur enfant à naître. Le reste de la fratrie les entoura, chacun exprimant sa joie à sa manière, certains en souriant, d’autres en tapotant affectueusement l’épaule de Kaëlle. L’émulation de la nouvelle passé, la future mère lévita, captant l’attention générale. L’incandescence en émanait. Puis, empreinte de conviction, elle entama une tirade passionnée :

— Écoutez-moi ! Dès aujourd’hui, ce lieu devient notre nouvelle patrie, un refuge sacré. Mon frère, Seigneur de ces terres, vous offre une opportunité extraordinaire, à une seule condition : que vous renoncez à votre statut de simple mortel pour épouser la destinée des sorcières et sorciers du feu.

Axyra, la sage ancienne, leva la main :

— Cela signifie-t-il que nous maîtriserons tes pouvoirs, ma Reine ?

Nasëem s’avança d’un pas assuré pour répondre à la question :

— Tout à fait. Vous contribuerez à la croissance de notre communauté. Vous garderez votre autonomie et ne serez sous ma tutelle qu’une fois les portes de mon manoir franchies. Nos peuples vivront en harmonie, loin des conflits infernaux, paradisiaques, et surtout humains.

Lentement, il fit un signe. Trois Druides s’extradèrent d’une brèche, suivie de chaudrons en lévitation.

— Majestée, si tu veux bien verser une larme de ton hémoglobine dans ces élixirs génomiques.

Kaëlle sortit une dague de sa bourse sans fond et se piqua le doigt. Une goutte tomba dans les potions transparentes, qui se teintèrent de pourpre, et dégagèrent une spirale de fumée.

Par la suite, Nasëem invita les Amazones à composer des rangées devant les marmites, et, tour à tour, ils burent les louches tendues.

— Formez un cercle autour de votre Reine et joignez les mains !

Gaïa et Aëgir, allonger sur un amas d’herbe azur, observaient avec fascination le manège se déroulant. Ce frère qu’il idolâtrait ne cessait de les bluffer.

— Maintenant, ma sœur, tu vas devoir me faire une confiance aveugle et propulser ton ardeur sur tes sujets afin de les bénir du Phœnix.

— Compris !

Elle prit une grande inspiration et laissa son brasier l’enrouler, puis, elle étendit les bras, et tournoya. Au lieu de les brûler, son feu s’accrocha à leur être. Les Amazones sentirent le pouvoir s’entrelacer à leur âme. Un murmure de surprise et d’émerveillement se répandit. Puis, les flammes les quittèrent pour s’élever vers les hauteurs, dansant dans un ballet envoûtant qui se transforma en un majestueux phénix. Un chant mélodieux s’échappa de son bec. Il les survola une dernière fois, puis se dissipa en une gerbe d’étincelles. Des applaudissements retentirent, célébrant l’avènement d’une nouvelle ère.

— Dès demain, je vous enseignerai tout ce que vous devez savoir, déclara la souveraine. Mais pour l’instant, nous avons un palais à édifier.

Elle se tourna vers Nasëem, qui hocha la tête en signe d’approbation.

Tenant la main de Phoebus d’un côté et celle de Gaïa de l’autre, la reine savourait l’effervescence du peuple marchant dans son sillage. Imprégnée de la conscience collective que son frère venait d’éveiller, elle était l’épicentre d’une allégresse palpable. Alors que Nasëem égrainait des suggestions pour la localisation de la demeure royale, sa sœur, insatisfaite de ses idées, dirigeait le cortège avec une assurance inébranlable. En elle, se dessinait déjà le tableau d’un site idyllique.

Poursuivant leur périple, les voyageurs s’aventurèrent dans une région où un désert luxuriant déployait une flore éclatante aux silhouettes étranges, dansant un ballet céleste. Les Amazones cédaient à la tentation de respirer les arômes de végétaux jamais vus ou de toucher les êtres singuliers qui peuplaient cet écosystème. Le groupe s’avança ensuite vers un domaine de dunes sans fin. Le sable, tendre et auréolé, s’allongeait jusqu’à la ligne d’horizon, offrant une utopie hypnotique. Ignorant la fatigue qui les menaçait, ils continuèrent.

En dernier lieu, ils pénétrèrent dans un espace où l’austère de la lune s’incrustait encore. Consciente de la vision précise que sa soeur nourrissait, Gaïa sollicita l’accord de Nasëem pour remodeler les environs. Intrigué, mais confiant dans sa créativité, il accepta. D’une révérence empreinte de grâce, la Pythie invita la Sorcière et le Mage à la rejoindre. Établissant un lien psychique, elle partagea son dessein hardi. Subjugués par son audace, ils prirent position.

D’abord, Gaïa retira son collier, lequel reprit son état primitif. Guidant l’artefact, elle scruta les profondeurs histoire de localiser le point névralgique. Un faisceau s’échappa, fracturant la croûte pour exposer un entrelacs de tunnels jusqu’à des niveaux inconnus. En totale maîtrise de ses sens, elle donna son autonomie à Sensuelle, qui poursuivit son œuvre, afin de caresser Sélène à qui elle murmura des incantations dans le dialecte millénaire des pierres. Un cratère s’élargit, s’élevant toujours plus, tandis qu’un rempart manatike repoussait les fragments de roche.

Sur la cime de la montagne creuse, le Mage se matérialisa, canalisa son pouvoir et façonna un puits d’ombre qui s’anima en plein centre de l’astre de feu. En un instant, la chaleur sous le dôme d’Avalon s’intensifia.

Le sortilège de la sorcière entra en jeu. Pointant Rebelle en direction de la fenêtre obscure, un lasso magique s’élança, agile comme une anguille. Tiraillée entre deux forces, Kaëlle vacillait. Tantôt le soleil l’aspirait, ses talons fumant à l’effort, tantôt elle reprenait le dessus. Hélas, sa domination s’effritait devant la vigueur d’Hélios. Nasëem se tenait en alerte, prêt à intervenir, lorsque les Amazones, guidées par Phoebus, étendirent leurs paumes. Leurs prérogatives se mêlèrent à celle de la souveraine, forgeant un lien qui décupla sa puissance.

Tandis que la gravité éroda son aplomb, Aëgir titubait, . Enfin une portion dégringola sur la crête montagneuse, générant une déflagration colossale. Le cratère entra en furie, crachant un mélange incandescent de feu et de cendres dans un cataclysme à la fois unique et terminal pourtant sans danger. Les galeries souterraines accueillirent les rivières de magma bouillant. Le puits se dissipa, et, peu à peu, la fraîcheur apaisante reprit ses droits.

Nasëem retrouva Kaëlle, ébloui par l’acte prodigieux. Les Amazones, affichaient une fatigue intense, mais également une fierté incommensurable. Leur fraternité avait fait naître une merveille, transformant les alentours en un havre de beauté incomparable, ouverture majestueuse à leur vie renouvelée.

Le Druide de l’Obscur matérialisa un Rubis d’une rareté saisissante. Aussitôt, il s’éleva en un bond, pour enterrer la pierre précieuse à mi-chemin du volcan. Renégat surgi. Un vent robuste l’enveloppa, son corps se mua en une nuée ténébreuse. Le sceptre d’albâtre devint ombre dans cette transition. Kaëlle, Gaïa, Aëgir et les autres s’accrochèrent à ce qu’ils pouvaient, ressentant les vibrations alors qu’il orientait sa Régalia vers le joyau. D’emblée, la gemme grossie se moulant en un hexaèdre régulier massif. Une seconde impulsion, et le cube se modela. Nasëem étira son autre main et une sphère se matérialisa, convergeant vers la structure en édification. L’ouvrage doubla de volume, incitant Avalon à s’expanser. Lorsque la charpente brute du palais se solidifia, Il suspendit son œuvre, déléguant les détails finaux à sa sœur. À présent, un palace imposant à la teinte rubescente se dressait fièrement face au volcan.

Une silhouette astrale émergea. Irradiante, l’entité salua son Roi d’une légère inclination de tête :

— Les souvenirs sont cristallisés, Maître.

Tandis que la projection s’effaçait, Gaïa et Aëgir, postés à proximité, ne purent réfréner leur enthousiasme. Adoptant la technique du Mage, Nasëem invoqua non pas les ombres, mais la lumière. Emportés par la magnificence de ce halo, ils abandonnèrent Kaëlle et ses sujets pour rallier le solarium, où les attendaient une collation et un plateau portant les réminiscences stabilisées de Ménès. Toujours focalisé sur la mission, Nasëem invita Gaïa à libérer les Léopardos. De sa poche, elle retira les fioles renfermant les coquelicots noirs.

— Quelle est la suite ? s’enquit-elle.

Sans répondre, l’index du Druide survola les billes mnémoniques. Une phosphora, puis plana jusqu’à sa main. Il l’avala, provoquant une grimace chez son frère. Ses prunelles se révulsant brièvement, il se positionna face aux pavots ébène, désormais gigantesques et expliqua :

— Connecte-toi à ma pensée, et, dès l’instant où tu sentiras que je frémis, défais le charme de stase. Sois attentive. 

Gaïa acquiesça, toute sérieuse, prête à agir. Son cœur battait la chamade. Le moment arriva... Son emprise se relâcha une nanoseconde avant que le sort ne frappe. Les métamorphoses, entamées il y a des mois, reprirent leur cours – les félins se muant peu à peu en êtres humains. Leur mère s’approcha, et ils la saluèrent en léchant son visage.

— Pourquoi cette métamorphose en bipèdes ? questionna-t-elle.

— Il apparaît que Ménès est manipulé par le Fondateur, l’antagoniste de la Créatrice, et cela est son souhait, révéla-t-il. Les raisons m’échappent.

— Ils sont dotés de mana, n’est-ce pas ? s’étonna Aëgir.

— En effet, Lyana m’a fourni un sérum qui leur confère l’aptitude de la magie terrestre, confirma Gaïa.

Troublé par la grossièreté de leurs actions, Nasëem les entoura d’un zéphyr doux avant de plonger sa conscience dans les méandres de leur cerveau. Là, il réorganisa les fils tenus de leurs synapses. À ces membres particuliers de son clan, il transmit le don du langage et de la posture, mais découvrit un obstacle inattendu : un anévrisme entravé par un sceau maudit. Osant le péril, il le dissipa, déchaînant ainsi leur nature primale. Maîtrisés, ils auraient la capacité de se métamorphoser en félins au fil du temps.

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