Chapitre 52 : Toute la vérité, je le jure !

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Sur le pavé luisant de Kalahari, Caïn et Ëlara progressaient à un rythme sûr dans l’allée scintillante. Autour d’eux, la cité s’épanouissait, un foisonnement de splendeurs à la vie pulsante. Les villas de cristal s’élançaient vers le firmament, effilé et majestueux, capturant l’éclat du jour pour le restituer en une danse d’azur et or. Une brise caressante apportait le tintement mélodique des sphères aquatiques de la fontaine centrale.

Dès l’instant où le quatuor avait quitté la dimension, Kieran et Lyana convia le couple à loger dans l’aile princière, une opportunité de s’immiscer dans la vie de la cour. Mais ils préférèrent l’intimité d’un pavillon niché dans l’effervescence de la métropole qui les fascinait. Ils s’octroyèrent du bon temps, goûtant à la sérénité d’un moment d’affection à l’abri du chaos, surveillant les tribulations de leurs descendants à travers les écrans holographiques projetés par les prismes muraux.

Depuis la victoire des Darck sur le Néant, la cité vieille de 5000 ans s’était mutée. L’avènement de la magie avait tracé des horizons inédits, redessinant venelles et ruelles. Les discothèques vibraient d’un souffle novateur ; les salles d’entraînement résonnaient des encouragements galvanisant des coachs astraux ; et les diseurs de bonne aventure offriraient à l’envi des prédictions. Les boulevards, naguère tranquilles, bourdonnaient d’une population apprivoisant leurs chakra, dans l’ombre clémente des surfs volants. Le Vampyr effleura la pierre ouvragée d’une façade.

Ils longèrent un artisan, son marteau orchestrant la cadence sur un matériau qui hurlait, accompagnant l’allégresse de bambins courants derrière des papillons, surgissant et disparaissant dans un jeu féerique. Alors qu’une senteur sucrée de jasmin et de vanille se tressait, s’échappant des fleurs irisées suspendues aux balcons travaillés, empreinte de rêverie, elle s’extasia :

— Respires-tu ce parfum ?

— Il enveloppe Khalarie toute entière, répliqua-t-il, remplissant ses poumons.

Leur dialogue peignait le tableau vivant de la cité, animant les merveilles qui se révélaient à un tournant. Un jongleur de feu créait une parure d’étincelles dans le ciel, défiant la pénombre s’esquissant. Un éclat de rire fusait d’une auberge, la porte grande ouverte déversant la chaleur de l’accueil, se mêlant aux arômes de bière ambrée et de pain croustillant. Un cri soudain déchira l’atmosphère. Ils aperçurent une troupe d’acrobates, s’élançant de balcon en balcon, tutoyant le vide avec une aisance presque magique.

— Ils incarnent l’esprit de Khalarie, ces voltigeurs célestes, glissa Ëlara, observant leur chorégraphie aérienne.

Dans le crépuscule embrassant, un reflet argenté se jouait de la scene. Des joyaux animés, d’une grâce qui n’appartenait qu’aux rêves, virevoltaient autour de silhouettes de soie.

Au détour d’une allée, une figure s’extirpa de l’obscurité. Une cartomancienne, parée de bracelets tintinnabulants, se dressa et les orbitte roulant des billes, associées à son timbre guttural, elle prophétisa :

— La fin tisse sa toile autour de vous.

Un frisson d’inquiétude les transperça. Ignorant cette extravagance, ils poursuivirent leur chemin, laissant derrière eux la devineresse et ses prédictions de malheur. Dame Nature chuchota un mantra pour chasser l’ombre insidieuse :

— La peur, fantôme évanescent, se dissipe au souffle de l’esprit.

Ils traversèrent la grand-place, le palais s’élevant à l’horizon. Leur passage devant la pyramide d’onyx les ravissait toujours. Cette géante, taillée dans le roc du Palais Palladium, recelait bien plus que des reflets d’obsidienne ; elle était le cœur battant de la cité, son poste de pilotage. Manipulée par les mains de Maître de Kayna, elle pouvait la soulever vers les précieux.

Ils grimpèrent les marches, leurs chausses résonnants sur la pierre inusée, et s’avancèrent vers les battants colossaux de Tanzanite estampillés du triskèle trinital. Ces derniers, enchâssés dans le mur tel un diadème, marquaient le tour de règne, occupé par Kieran, Lyana et Kayna. Lorsqu’ils eurent touchés les portes, un mécanisme ancestral s’éveilla, les enveloppant d’un bleuté qui les happa sans un bruit.

Ils émergèrent dans un corridor où les portraits des antiques souverains veillaient, éternels, depuis leurs cadres d’ébène et d’or. Ils s’arrêtèrent un instant devant les tableaux D’Andromède et Merzhin, qui les fascinait.

— J’ai l’impression qu’elle essaie de me dire quelque chose, révéla Ëlara.

— Pareil pour Merzhin !

Ils se rapprochèrent des trois immenses miroirs qui dominaient le bout du couloir. L’onyx, avec ses reflets sombres, les appelait.

Sans hésitation, ils traversèrent et se retrouvèrent dans le cabinet dimensionnel de l’Imperator. L’endroit dénotait d’une étrange fusion entre un salon anglais du XIXe siècle, avec des sièges en cuir et une bibliothèque garnie de livres anciens, et l’antre d’un détective privé de polar. Un secrétaire robuste en chêne, une lampe à abat-jour vert, des rideaux épais obscurcissant la pièce et une odeur de mariejuana accrochait l’atmosphère. Au centre du bureau, une pipe à weed en ivoire et une Ensorcetab sur laquelle un café chaud reposait.

— Ce lieu est imprégné de secrets. On croirait que les objets ont une histoire à raconter, laissa échapper le Vampyr.

Le calme régnait, à l’exception d’un léger grésillement provenant d’une vieille radio qui crachait une mélodie jazzy, évoquant des nuits embrumées et des ruelles sombres. Caïn, tendant l’oreille, fronça les sourcils :

— Imperator, tu es là ?

Les ténèbres s’animaient alors, se façonnant lentement pour donner corps à l’Imperator, qui se tenait assis dans un fauteuil. Entre ses doigts, un maxi join émettait des volutes de fumée. L’eclairage lounges amplifiaient sa superbe tandis que ses yeux pénétrants fixaient le duo avec une intensité déconcertante.

— Vous voilà !

Enlil les convia à prendre place sur des canapés Chesterfield, le cuir patiné par le temps promettant un confort aussi solennel que les discussions qui s’y déroulaient. Entre respect et appréhension, ils se conformèrent sans hésiter.

Soudain, un vortex s’ouvrit, déchirant le rideau de la normalité. Une patte féline, noire et blanche, surgie, ses griffes luisant d’un éclat métallique. Elle déposa avec grâce un plateau sur la table basse, ou reposait un whisky ancestral. Ses effluves évoquaient des époques lointaines, transportant les parfums du passé.

Alors, sans transition, en servant les verres, Enlil annonça :

— L’heure est venue de lever le voile sur le mystère d’Andromède et Merzhin, et de révéler enfin ce qui a présidé à leur évanouissement dans les plis de notre histoire.

— Il était grand temps, ce permis le Vampyr.

— Vous êtes bien plus que de simples agents de cette quête, déclara-t-il, ébranlant l’accalmie sépulcrale. L’essence qui coule dans vos veines est aussi ancienne que les étoiles qui guident les navigateurs perdus. Ëlara, et toi, Caïn, êtes les réincarnations d’Andromède et de Merzhin. 

Ses propos heurtèrent l’espace, résonnant avec la force d’un gong empirique, se répandant à travers les nervures du bois séculaire qui tapissait les murs. Dame nature se pétrifia. Son aimée demeura stoïque, un ouragan de réflexions se reflétant dans la glace antique.

— Comment cela peut-il être ? articula-t-elle, une nuance de doute perçante.

Les lèvres de l’Imperator s’ourlèrent de mélancolie.

— Lorsque j’ai affronté le Néant, je l’ai fait mien, devenant son incarnation. Néanmoins, le paradoxe de Warren m’a préservé, m’a maintenu éveillé. Mon insoumission a bouleversé l’équilibre, libérant une entité plus redoutable encore : le Fondateur.

Sa posture témoignait de la gravité de ses révélations :

— Le Fondateur, cet architecte de l’univers primordial, aspire à réclamer sa création pour la détruire. Contre ce détracteur, contre qui nos forces s’annulent, sans voie médiane possible, ma mère opta pour la ruse : un défi.

Il marqua une pause, noyé dans le labyrinthe d’un passé indélébile.

— Elle conçut alors la troisième dimension, Xandria, pour en faire l’arène de leur lutte. Andromède, renaissant en Ëlara, devint la première manœuvre de Kelly. Yahvé, naquit de l’imagination du Fondateur.

Ils buvaient ses mots, en suspens.

— En tant que stratégie de génie, Maman retourna la descendance de Yavhé contre l’adversaire. Alors que tes parents se promenaient dans l’un des sublimes Jardins du Paradis, elle figea le temps et donna à Ève trois garçons. Le premier, Abel, reçut un fragment de mon essence pour détourner l’attention du deuxième pion, Caïn, qui hérita de l’âme de Merzhin. Anticipant les mouvements antagonistes, elle fit du troisième un cocon vide, préparé pour accueillir le champion du Fondateur : San surprise il y modela Dieu.

Dans ce souffle retenu, le miroir dimensionnel devint le théâtre de la toute-puissance de la Créatrice.

— Vos descendances ne sont pas le fruit du hasard, reprit-il. Elles sont la symphonie d’une biosorcellerie méticuleuse, un dessein tissé avec une extrême précision et qui ne s’arrêtera pas à vous. Vos héritiers perpétueront ce début, ce jeu d’échecs cosmiques à la mise incommensurable.

Dans la pénombre du cabinet, Enlil se dessinait en contre-jour, sa silhouette ciselée par les lueurs fuyantes, ses paroles chargées d’un fardeau :

— Et sachez que vous êtes porté volontaire. Tout ceci, c’est le patrimoine que vous nous avez légué, c’est la cause pour laquelle nous continuons de nous battre. J’ai fini par comprendre votre décision. Aucun d’entre nous ne possède cette faculté à braver la destinée. 

— Pourquoi nous éclairer sur ces vérités ? l’interrogea-t-elle avec ferveur.

— Vous, puis votre progéniture, avez façonné le devenir de votre monde. À présent qu’ils se sont réunis en Avalon, le tissu temporel est verrouillé, inaltérable. Si le Fondateur l’emporte, nous activerons le protocole de sauvegarde qui réinitialisera le cours de l’épopée à l’instant précis de leur jonction. La connaissance de votre essence historique aurait entraîné des déséquilibres dans la stabilisation du flux.

— Serons-nous de nouveau couronnés en tant que souverains des Darck ?

— Bientôt, je l’espère, nous accomplirons un rituel de dissociation, vous octroyant la liberté de coexister sans dépendre l’un de l’autre, tout en demeurant unis.

Ëlara ressentit une vacuité sous ses pieds, une chute abyssale dans la compréhension de sa propre réalité. Caïn, à son flanc, resta imperturbable, son esprit forgeant une stratégie imminente.

L’héritage d’Andromède et de Merzhin transcendait la simple notion de fardeau ou de don ; il incarnait un brasier qu’ils avaient volontairement embrassé, une torche perpétuant sa flamme à travers les ténèbres, guidant ceux qui emprunteraient leur sillage.

— La bataille persiste, confia Ëlara, moins en quête de réponses qu’en acte de résolution, admettant sa place au sein de la fresque.

— ... et elle s’étendra au-delà des constellations et des ères. Mais n’oubliez jamais, vous n’arpentez pas ce sentier en solitaires. C’est vous, à l’aube de tout, qui avez enfanté une nouvelle lignée, tissant avec cette magie inédite toute une chronique sous notre égide.

— Ces perspectives me donnent le vertige, s’exclama Caïn.

— Notre éternité nous a octroyé une certaine expertise de la manipulation des événements. Nous avons consacré les quelques milliers d’années à la sauvegarde de l’univers. Moi qui me réjouissais de mon repos bien mérité… Il vous reste une quête avant de retrouver votre descendance... Le cambriolage du sanctuaire de Yahvé, ça vous botte ?

Un sourire audacieux se dessina sur les lèvres de Dame Nature, une bravoure se rallumant à la simple pensée de l’insurmontable.

— Le sanctuaire de Yahvé, répéta-t-elle, non en interrogatrice, mais en écho d’une résolution forgée dans l’indomptable esprit qui l’animait.

Caïn, bras croisés, acquiesça :

— Il est temps que les célestes accueillent des convives de marque.

Enlil contempla le couple, la clarté ambiante jouant dans l’or de ses prunelles attendries.

— Ce n’est pas qu’une infraction, précisa-t-il avec sérieux. Cela sera votre déclaration de guerre à Dieu.

Les ombres valsèrent sur les murs alors que l’Imperator, les considérait, présageant le début d’une saga qui les consacrerait autant qu’elle pourrait les dévorer.

— Alors, qu’attendons-nous ? s’exclamèrent-ils en osmose.

L’issue se révéla. Invitation mutique au départ. Sans un mot de plus, le duo se leva.

Alors qu’ils s’apprêtaient à sortir, Enlil les stoppa :

— Warren a préparé pour vous un arsenal à la mesure de cette quête, il vous en donnera les détails.

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