Chapitre 53 : Le casse du Millénaire.

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Lorsque minuit chanta ses douze coups, Ëlara et Caïn passèrent le seuil de la chambre astrale. Autour de la pièce, le clan Darck, assis en majesté sur d’imposants trônes, les accueillait d’un silence chargé d’attente. Kelly désigna les sièges inoccupés. L’attention de tous se tourna vers Warren. Résolu, il s’avança vers le cœur du cercle formé par le conseil. Sa main glissa au-dessus du vide, faisant émerger une colonne du sol. Il y apposa sa paume, et les reflets qui couvraient les murs de l’octogone s’égayèrent, révélant des étoiles, des constellations et des galaxies.

— Alexa, connecte-toi au télescope Hubble et projette la vision du soleil sur la réverbération numéro un, ordonna-t-il.

— Comme il vous plaira, divin créateur.

Sous l’impulsion mentale de son benjamin, Enlil le rejoignit. D’un timbre grave, immortalisant le danger de l’instant, il commanda :

— Concentre ta force intérieure, attise ton chakra jusqu’à ce qu’il brille de l’éclat de sept mille deux cent quatre-vingt-douze candelas.

Tandis qu’il s’exécutait, luisant d’or et d’ébène, le premier des miroirs, d’abord prisonnier de l’obscurité, se vit bientôt paré de l’image d’Hélios. Warren étendit son bras au-dessus de la carte céleste. Il traça du doigt un cercle dans le vide, là où les étoiles dansaient dans une harmonie prédestinée. Sans un mot, une spirale prit à forme - prélude à l’injonction d’un vortex particulier. il expliqua :

— À cet emplacement précis, je l’invoquerai. Il te faudra concentrer l’essence de la magie et la projeter, avec toute la puissance de ton esprit, au cœur de l’astre.

— Insensé ! Tu risques de provoquer une éruption solaire d’une ampleur inédite ! s’insurgea l'Imperator, parcouru d’une ombre de doute.

— Assez de ces préoccupations futiles ! C’est de moi, Warren Darck, le génie sans lequel rien de tout cela ne tiendrait dont nous parlons.

Enlil, à l’orgueil rivalisant de sa sagesse, repoussa d’un mouvement brusque une mèche rebelle et se prépara à se conformer aux instructions. Warren, de son côté, éveilla un tourbillon émeraude. Les particules exotiques, récalcitrantes, s’agitèrent contre la formation naissante de la faille, mais soumise à un sortilège de domination, elles se rangèrent sous son commandement. L’aîné s’engagea dans l’exécution des directives.

Le chakra libérée mit moins de cinq battements de cœur pour rejoindre l’astre du jour. Maître incontesté de la télépathie, Enlil suivit l’essence magique, guidant son vol sans faillir jusqu’à la cible, provoquant la conflagration attendue par le génie. Le baume de sorcellerie nourrit le vortex de Warren, le métamorphosant en un puits de puissance intarissable.

Sous son impulsion psychique, Kelly, Darrius, Lyana, Kieran et Kayna, concentrèrent leurs chakra, tissant un réseau de rayons pour consolider l’ouverture miraculeuse. Et là, s’aménagea une brèche vers le Paradis.

— Es-tu prêt ?  demanda Ëlara.

— Aussi prêt que je ne le serai jamais,  affirma Caïn.

Ils franchirent le seuil interdit, dédaignèrent les lois ancestrales, s’immergèrent avec courage dans l’étreinte ouverte du royaume divin.

L’assemblage de contrées flottantes au-dessus de la mer de nuage offrit un tableau dont la magnificence dépassait l’entendement. Des terres suspendues dans les cieux, chacune recelait d’un trésor unique : un lac reflétant les astres dans sa surface tranquille ; une forêt où les frondaisons scintillaient d’un éclat doré ; une autre encore vibrait au diapason des mélodies angéliques, échos éternels d’une sainte chorale.

La voûte nocturne, drapée d’un bleu abyssal, s’ornait de la danse des comètes, éclairant l’obscurité de flammes et de givre. L’Éden, trônant au cœur de ce panorama stellaire, dominant de sa masse imposante, sa splendeur faisant pâlir les îles avoisinantes. Le palais de Boréal, au cœur de cette masse, captait le halo du pulsar et étincelait, dans une symphonie chromatique.

Dans l’entourage de ce château s’étendait un jardin fastueux, apogée de la création, où chaque substance, chaque corolle exhalait un souffle que tu qualifierais de divin. L’ensemble de l’atmosphère se saturait des effluves capiteux du jasmin sidéral, de la rose des constellations et du lys Séléné, s’entrelaçant en l’essence de la pureté.

Ëlara, imprégnée des ères de Xandria, contemplait l’horizon avec une mélancolie muette.

— C’est en ces lieux que mon peuple s’est autrefois rassemblé, bien avant l’avènement des anges, des humains et des démons. C’est ici que je suis née à l’aube des temps.

Caïn acquiesça doucement.

— Tes récits des âges révolus hantent mon esprit. Ton âme est un reflet de cette civilisation disparue.

Plus que de simples visiteurs en ces terres sacrées, ils devinrent un élément du puzzle céleste, spectateurs émerveillés d’un paradis qui, pour un instant fugace, leur prêtait son souffle.

— J’avais oublié à quel point cet endroit est sublime, murmura Caïn avec une pointe de regret.

— L’heure n’est pas aux souvenirs, riposta-t-elle pragmatique, nous devons localiser l’antre de Yahvé.

— Facile, à l'époque j'espionnais Dieu pour savoir ce qu’il préparait et/ou ils disparaissaient.

— Et donc ?

— Il s’agira de nous fondre dans les méandres du palais, de franchir le voile de l’invisible, de nous infiltrer sans éveiller l’ire divine, confia-t-il, pétillant de la flamme du défi.

Ëlara hocha la tête, son intellect ourdissant déjà les fils d’une entreprise aussi téméraire qu’ingénieuse.

— Je garde la réminiscence de la clarté dansant sur les murailles... Ici, même les ténèbres redoutent de se tapir.

— Et pour cause, le Palais ne se contente pas de sentinelles pour sa garde ; il joue de chimères et d’énigmes pour dérouter les audacieux. Quant au couloir introspectif, il n’effleure pas mes préoccupations. La vérité n’a jamais été un fardeau pour moi.

D’une pensée chargé de gravité, il invoqua son capuchon, manifeste de sa puissance contenue, égide contre les sens divins. Caïn se détournant vers un amas nuageux errant étendit la paume. Son camouflé bruissa sous l’effet de sa sorcellerie, le soustrayant aux scrutateurs célestes. Subjuguer l’essence nébuleuse fut un jeu d’enfant au vu de l’immensité de son pouvoir. Il tendit la main à Ëlara, l’invitant à se joindre à l’artifice de cette pérégrination.

— Voici votre carrosse, Madame, déclara-t-il draper dans l’ombre de l’étoffe.

Portés par un frémissement venteux, ils s’évanouirent parmi les îlots suspendus, chaque pulsation les menant vers le palpitant de l’Éden.

Un pont svelte s’élevait, son gardien, un séraphin à la stature qui n’admettait aucun défi. D’un signe léger, elle lui ordonna de se parer de leurs Lentilles de Sagesse démasquant les auras vibrantes des anges en ronde. Elle activa son Bracelet de Dissimulation, et ils se frayèrent un chemin à travers les jardins, esquivant les radars célestes avec une adresse qui tenait d’Arsène Lupin.

— Nous ne serons pas longtemps invisibles, souffla Ëlara.

— Laisse faire ma ruse.

L’ombre du Black Hood, prenant l’apparence de son oncle, l’archange Michael. Avançant vers le séraphin, il imita avec une aisance qui confinait à l’art l’intonation affectée de l’archange :

— Frère, je te salue. Nous procédons à une inspection divine.

Subjugué par Sa Majesté, il accorda le passage sans poser de questions.

Ils s’aventurèrent alors dans un bois vivant où les arbres dansaient une chorégraphie impalpable, modifiant leur disposition au moindre clignement. Saisissant la Lame d’Éclat, Dame Nature fendit les courants, dévoilant un sentier.

— Dépêchons, avant que la sylve n’échafaude un nouveau labyrinthe, le pressa-t-elle.

Ils s’élancèrent à une allure qui défiait l’entendement, s’échappant de l’étreinte forestières, in extremis.

Le duo se posta devant les portes majestueuses de l’édicule, surveillées par des gargouilles de roc dont la seule présence glaçait le mana.

— C’est l’instant décisif, maugréa le Vampyr.

Pour cette épreuve, il endossa l’aspect de Dieu. Ëlara en fut écœurée. Adoptant son arrogance et sa froideur, ainsi que son ton fielleux, il se présenta abruptement et ordonna :

— Écartez-vous. J’ai des affaires à régler.

Les sentinelles, ébranlées par l’apparition souveraine, se courbèrent dans un respect aphone. Les grilles, qui se laissèrent berner par la suprême autorité, se retirèrent avec un murmure de métal sur pierre, invitant l’imposteur et son acolyte dans le sanctuaire interdit.

Dame Nature, ayant tissé son être avec l’essence même de Xandria, glissait à travers l’architecture divine avec une aisance qui défiait la perception. Son pas ne perturbait guère la quiétude des lieux ; les plantes célestes, complices, se penchaient pour camoufler son parcours, leurs feuilles susurrant un salut frémissant alors qu’elle s’enveloppait du manteau de l’air, édulcorant les échos de ses déplacements. Derrière elle, son époux, une présence constante et vigilante.

Ils cheminaient à travers le couloir introspectif, dont le pouvoir les épargna, grâce à leur pureté d’âme et leur dévotion envers la vie. Après avoir évité le miroir fracturé, ils s’insinuèrent dans un passage qui se dérobait aux visiteurs moins avertis, pour finalement révéler une alcôve dissimulée derrière une flamme de célestine. Ils l’écartèrent et pénétrèrent dans l’antre de Yahvé.

— Nous sommes arrivés, chuchota Ëlara, frissonnant de réalisation.

— Mais la quête n’est pas encore accomplie, lui retourna Caïn, retrouvant son faciès encapuchonné.

— Alors, finissons-en et découvrons ce grimoire. Nos enfants me manquent, confia-t-elle.

Elle s’avança dans la bibliothèque sacrée, chaque inspiration court-circuitée par l’émerveillement et l’urgence de leur mission. Devant elle, des étagères monolithiques s’élevaient à la manière des géants immobiles, gardiens d’une érudition ancestrale, les rangées s’étendaient à perte de vue. La clarté diffusée à travers les vitraux, semait sur le sol de marbre un kaléidoscope de couleurs. Elle s’élança dans ce labyrinthe de connaissances, ses doigts effleurant avec vénération les reliures ciselées à la recherche d’une harmonie cachée, d’un savoir scellé.

Caïn, lui, était l’incarnation de la vigilance, s’appuyant contre un pilier, toisant la pénombre, l’ouïe tendue vers les murmures des pages qui confiaient à l’espace des échos d’arcanes négligés. C’est alors qu’un flash attira son intérêt, un appel à peine perceptible. Il s’avança, incrédule, devant la Régalia de Yahvé, reconnaissable entre mille, flottant entre deux Tablettes de pierre. Une relique que l’histoire avait encensée, tissant une fascination envoûtante. Il l’examinait avec une attention dévote.

« Pourquoi mon frère avait-il négligé un tel trésor ? »

Il analysa les alentours à la recherche de sa compagne lorsqu’une voix, aussi pernicieuse que l’Enfer, les enveloppa. Un murmure insidieux qui n’appartenait à aucun éther connu, les priant de se rapprocher. Avec une résolution, il s’élança vers Dame Nature, le sceptre de Yahvé tenu fermement. « À quel moment ai-je réclamé ce symbole de puissance ? » 

Dans un recoin ombreux de la bibliothèque, Ëlara s’agenouilla, ses doigts habiles dirigés par le susurrement. Elle écarta les recueils jusqu’à dévoiler une reliure au cuir rougeâtre.

— Nous l’avons trouvé, souffla-t-elle, plus à elle-même qu’à Caïn. Le Perfidia Umbrae rédigé écrit de la main même du Parjure.

Se rappelant les avertissements de Kelly, elle s’abstint d’ouvrir l’ouvrage et le glissa dans sa besace sans fond.

Tel un écho à travers les âges, le Vampire, portant désormais le sceptre miniaturisé de son ancêtre biologique, le suspendit à son cou avec une fine chaînette en or. L’objet divin, symbole du pouvoir et de l’autorité célestes, brillait contre sa poitrine.

Son influence magnifiée capta la curiosité des séraphins qui patrouillaient les lieux. D’une pensée rapide, il activa de nouveau son capuchon, estompant le charme irrésistible qu’il dégageait, espérant que cette transformation n’avait pas atteint les sens aiguisés de son frère. Une fois de plus, l’apparence du Tout-Puissant le recouvrit, lui octroyant une illusoire omnipotence qui détournait les fouines.

Avec sa femme invisible à ses côtés, il avançait d’un pas mesuré, un leurre calculé pour attirer l’attention. Les anges alentour ne pouvaient se détacher de cette présence dominatrice. Sous ce déguisement, son esprit s’affairait, traçant les contours de leur fuite imminente.

Lorsqu’enfin ils se retrouvèrent à l’abri de toutes présence, Caïn troqua son allure pour celle de Michael. Il rencontrèrent le garde du pont, et passèrent sans qu’une seule objection vienne entraver la supercherie.

À peine eurent-ils franchi le seuil sacré que, l’urgence palpitante dans leurs veines, leur nuage fut convoqué. Celui-ci, tourbillon de brume céleste, se matérialisa sous eux – parés à les conduire vers le point d’émergence, où le vortex de retour s’ouvrirait sous peu. Mais, la tranquillité fut brisée – éclatée par la soudaine apparition de son oncle, émanation de puissance et d’indignation. Sa lame de flammes vives projetait des orbes qui guinchaient comme autant de serments de piété. Sa rage, un tonnerre cosmique, résonna, remplissant l’espace de son ire incontestable :

— Imposteurs ! Vous ne sortirez pas d’ici !

Les événements se précipitèrent dans une samba chaotique : l’épée s’abattit avec la précision d’un châtiment divin, et Ëlara, garnie de courage, mais pas d’invincibilité, fut fauchée. Une blessure béante, témoin du prix de leur audace, ouvrit son flanc.

Caïn, dans un élan où l’amour défiait la mort elle-même, la serra, et ils se ruèrent sous la colère des cieux. Une poursuite infernale s’engagea, entre faisceau et embrassement, Le nuage esquiva, tournoya Jusqu’à ce que, inéluctablement, Caïn reçût ​​à son tour la morsure du destin, un assaut qui trouva son dos, dispenser de douleur grâce à son capuchon, il priait la créatrice de les sauver. Puis, réagissant au seul appel de son instinct, il libéra le sceptre de Yahvé de sa chaîne, le tenant haut et ferme. Sous son emprise, l’artefact s’épanouit en une majesté de diamonite noire, absorbant la clarté alentour. Une nuée de jais les encercla et les transporta instantanément sur l’îlot céleste le plus proche. D’un coup porté au sol, une onde acoustique jaillit, immobilisant leurs persécuteurs.

Genoux à terre, le souffle court, il se pencha vers Ëlara, sa splendeur vacillante dans l’agonie :

— Caïn... continue sans moi...

Sa volonté se mua en défiance, une rébellion contre le destin lui-même.

— Jamais, gronda-t-il, serment narguant les précieux.

De ses mains, il activa la chrono-tempus, qui enroba sa bien_aimée d’un cocon de chakra opalescent, une promesse de salut temporaire. Alors, usant de son pouvoir restant, Caïn matérialisa un vortex ébène, souleva sa femme et s’élança dans l’œil de la tempête spirale.

Michael, défigé, contempla le vide laissé par leur fuite, son esprit en proie à la confusion. D’un geste, il lança un baume divin, espérant déchirer le maelstrom, mais, en vain, celui-ci s’effrita, réduit à néant.

— Au moins, ils n’en sortiront pas vivants, marmonna-t-il, plus pour lui que pour l’infini des Hautes Sphères.

À ses côtés, Séraphielle apparue :

— Qui était-ce ?

— Un inconnu dissimulé, elle, une xandrienne. J’étais persuadé que notre chasse avait été exhaustive. Trouve leur origine, découvre leur dessein, s’énerva Michael.

Et, tandis que Séraphielle hochait la tête, marquée par la gravité de leur échange, l’Archange prit son envol, une silhouette solitaire contre l’immensité des cieux, pour composer un rapport qui pourrait, peut-être, transmuter leur défaite en une opportunité nouvelle.

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