Chapitre 54 : Le Pacte de l’Ombre

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Dans les profondeurs infernales où nulle trace de vie n’osait s’aventurer, une substance poisseuse s’insinuait, enveloppant l’espace de moisissure. Autour de Lilith, des entités incorporelles entamaient un ballet muet, s’ajustant au rythme entrecoupé de sa respiration. Le bois gémissait de sa lente agonie, et le souffle du gouffre, s’infiltrant à travers les fissures des murs, transfigurait les interstices en orgue, orchestres d’une symphonie maudite.

Devant le miroir, sa silhouette se dressait, hésitante, emprisonnée dans une étreinte aussi instable qu’une flamme sous l’assaut d’une brise. Le cierge, gardien solitaire de cette scène, drapait la Reine Infernal d’un halo orangé qui ondulait au rythme de ses frissons. Sa pâleur, écho de sa tourmente intérieure, se déformait sous l’effet d’un verre légèrement bombé, conférant une allure évasive. Des ombres jouaient sur ses joues, et l’effroi s’incarnait à la surface de sa peau, autant perceptible que la rosée sur une toile d’araignée.

Des émotions inconnues s’enroulaient dans ses veines, telles des anguilles remontant le courant. D’une fascination teintée de crainte, elle examinait son reflet, cherchant dans ses traits la confirmation d’une réalité dont elle se détachait progressivement. À chaque battement aigre et pesant de son cœur, une résonance se propageait, scandant la cadence de sa descente inéluctable vers un abîme l’appelant, l’invitant vers un précipice caché par l’énigme du concret.

La pièce retenait son souffle avec elle, l’atmosphère n’osant troubler la symphonie de sensations qui l’envahissait. En cet instant suspendu, elle se trouvait vulnérable, prise d’une angoisse aiguë, tandis que le miroir, témoin silencieux, conservait le secret.

Subitement, la flamme s’empara d’une vie propre, se faisant l’architecte d’un théâtre de ténèbres. Elle sculptait la pénombre et la matière, engendrant des fantômes qui s’étendaient et se disloquaient. Les parois rocheuses chuchotaient, emplissant le territoire de soupirs indistincts et de paroles susurrées, tissant un voile d’appréhension.

Une dissonance s’imposait avec une brutalité sauvage, et chargea l’obscurité d’une mélopée funèbre. Ce cri spectral se faufilait dans les moindres fissures de la pièce, annonçant un domaine où la réalité dansait sur le fil de l’effroi.

Dans l’épaisseur de la nuit, un souffle peinait, l’espace même retenait une respiration lourde de secrets que seule une fine étoffe d’ombre dissimulait. La fraîcheur envahissait l’endroit, donnant à l’air une texture de cristal, tandis que le flamboiement capricieux de la bougie projetait sur les murs des formes ambiguës, mêlant la peur à la stupeur. Une silhouette émergeait - incarnant une dualité divine, d’une beauté à la fois terrifiante et envoûtante. Des iris d’or luisaient, perforant l’obscurité jusqu’à en effleurer l’essence.

Une main ornée s’élevait avec une grâce souveraine, revêtant des anneaux qui scintillaient tels des astres filants. En présence de Kelly Darck, Lilith demeura immobile, son expression marquée par une tempête intérieure prête à s’abattre contre la figure imperturbable qui lui faisait face.

— « Lilith », laissa-t-elle échapper dans un souffle, le nom se diffusant dans l’espace.

Un léger tremblement se fit sentir tandis qu’elle confiait :

— En ton sein s’éveille une existence inédite, articula-t-elle, son ton montant en cadence, porteur d’un frisson de prescience. Un être destiné à une épopée sans pareille.

— Tu m’as manipulée, cracha-t-elle. Tu as orchestré chaque étape de cette trahison, m’utilisant comme un simple pion dans ton jeu sordide. 

La Créatrice, majestueuse et sereine, soutint son regard :

— Tout cela fait partie d’un dessein plus grand. Ta grossesse n’est pas un accident ni une conspiration. C’est un destin que tu as choisi, même si tu ne le sais pas encore. 

— Un destin que j’ai choisi ? répliqua la démone d’un rire amer. Tu m’as jetée dans les bras de ton Impérator chéri et du Djinn. Ne rejette pas ta part dans cette affaire ! 

Kelly s’en approcha et caressa sa joue de son ongle carmin :

— Je ne nie pas avoir guidé les événements. Mais je n’ai jamais contrôlé tes sentiments. Votre éphémère union était vraie, et l’enfant qui en découle est la manifestation de cette vérité. Parmi toutes, ces êtres d’exception t’ont élu pour porter leur fils.

— Ne me parle pas de vérité ! hurla la Reine de l’enfer. Tu as joué avec mes émotions, avec ma vie ! Pourquoi ? Concevoir un héritier à ta dynastie ? 

La Créatrice posa une main tendre sur son épaule, son toucher à la fois réconfortant et glacial.

— En aucun cas pour ma lignée, mais pour le devenir des Royaumes. Cet enfant a un destin à accomplir. Et toi aussi. Je sais que tu te sens trahie, mais avec le temps, tu comprendras. 

Littéralement brûlante de colère, Lilith secouée se défit brusquement de son emprise :

— Attendre que je t’accorde ma confiance après ton artifice, c’est espérer l’impossible. Croire en un avenir que tu as bâti sur la tromperie, c’est me demander de négliger la vérité pour une illusion. Tu te trompe de victime cet art je le maitrise aussi bien que toi, il s’agit de ma nature.

Ses traits s’adoucissant, la Créatrice recula.

— Ta foi en toi, voilà ce que je sollicite, non la mienne. Je n’en ai nul besoin !

Son esprit en proie à la confusion et à la douleur Lilith resta là. Kelly, toujours calme, patienta.

— Promets-moi que mon enfant ne sera pas utilisé comme je l’ai été. 

— Je ne peux te le jurer. En revanche, il sera élevé en Darck par ses pères, et il grandira dans l’amour et la sécurité, l’opulence. Ce n’est pas un outil, mais un être unique, doté de son propre destin. 

Dans l’obscurité qui s’approfondissait, la déité posa sa main sur le ventre de Lilith.

— Lucifer ne l’acceptera pas, lâcha la future mère.

— Tu es sous ma protection, aucun en enfer ne distinguera ton état !

Une lueur d’espérance naquit. Elle tentait de se rattacher aux engagements de la Créatrice, mais l’incertitude la torturait, tapie, prête à attaquer.

— Son existence sans mon empreinte m’est insupportable, insista la démone. Je brûle de l’orienter, de l’élever, d’être l’étoile inaltérable qui veille sur lui.

— Le jour viendra où tu forgeras sa sagesse. Tu lui dévoileras les arcanes cachés, tu deviendras une essence indélébile de son âme. Je te le promet.

Dans cette révélation, un soulagement inattendu s’empara de Lilith. Entre elles, un pacte s’ébaucha, scellant le destin du Prince à venir.

— Alors j’accomplirai ce qui s’impose.

— Ta force sera le pilier de l’avenir de cet enfant, Lilith. Je n’en ai pas un point de doute.

Son essence commença à s’estomper, s’enveloppant d’un halo doré éblouissant, se dissolvant telle une brume stellaire. La clarté s’effaça d’un coup, et les ténèbres, pareilles à une étreinte, reprirent possession de l’espace.

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