Chapitre 55 : Le Retour des Mères

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Mars, inondait Avalon de son iridescence. Ses jardins suspendus baignaient dans une clarté féerique. À l’horizon, un volcan éructait non de lave, mais d’une myriade d’étincelles. D’entre elles s’érigeaient des dragons, dessinant des arabesques incandescentes. Un pont, aussi délicat qu’une œuvre d’art, enjambait l’abîme pour unir deux fragments de ce monde. Il scellait ainsi un pacte indéfectible entre ses peuples, un serment figé dans le Karistal. Au-delà s’élevait une cascade qui, tel un jet d’eau pure et scintillante, bondissait de la roche et se déversait avec grâce dans un lac d’un calme olympien.

Kaëlle trônait au cœur de son domaine. Sa main effleurait doucement la courbe de son ventre arrondi. Le pourpre de sa robe spacieuse, plus foncé au creux de cette courbe prometteuse, trémulait de la même ardeur et souveraineté qui l’animaient. Près d’elle, Phoebus se dressait, un roc de constance et de puissance. Les lignes et volutes de ses tatouages ​​remémoraient des sagas de batailles et de gloires passées, tandis que les lueurs tremblantes des chandelles jouaient sur sa peau cuivrée.

Les membres de la caste druidique, revêtus de toges immaculées pour ceux qui apprivoisaient le vent, et d’ébène pour ceux qui tissaient l’Obscur, imprégnaient l’air de senteurs boisées. Ces effluves, riches et capiteux, évoquaient la sève. En leur présence, le clan des sorcières, dont la volupté se lisait dans le moindre de leurs déhancher, se mouvait avec une grâce qui défiait la distinction de genre, nouant entre eux un ballet d’influences arcaniques.

— Les astres nous sont favorables, chuchota un druide, sa passion s’entrelaçant avec l’odeur entêtante des épices. Ils prédisent l’alliance de la flamme et du vent. 

Nasëem, enveloppé dans son manteau noir corbeau, se frayait un chemin avec une aisance royale au milieu des invités. Sa contenance altière, mariée à la cadence apaisée de son timbre, ne faisait qu’amplifier le halo de sérénité qu’il exhalait.

Lorsqu’il prit place sur un trône ciselé dans l’opale, un frisson de dévotion parcourut l’assemblée, et un murmure de Gaïa encensa son approche. La pythie, enluminée de racines tressées, incarnait la générosité et l’équilibre de la nature, sa crinière foisonnante de verdures et de floraisons éphémères. Nasëem, l’interpella :

— Remarques-tu comment ils se fondent parfaitement parmi nous ? La magie les a transformées, leur offrant une vie dans cette forme tout aussi vivace que leur essence véritable. 

Les jeunes Léopardos, à présent humains, se livraient avec d’autres enfants à une poursuite échevelée entre les colonnes, leurs rires et leurs pas légers infusant un bonheur pur et contagieux. La mère, un radieuse hocha la tête en signe d’approbation.

— Leurs âmes sont un kaléidoscope en constante évolution, tout en préservant leur éclat originel. 

Quant à Lynéxia, son allure seule suffit à captiver toutes les salutations. Sa robe, jouant entre ombre et lumière, épousait les courbes de l’air. Sa toison d’ébène dansait avec les courants, réfléchissant le faste stellaire. La couronne posée sur son front, à la fois aérienne et imposante, accentuait sa dignité royale.

Bien que la pâleur de sa peau et la finesse de ses traits rappellent son état vampirique, une certaine douceur dans son expression et la sérénité de sa posture révélaient une essence désormais inoffensive.

— Votre présence rehausse la splendeur de la soirée, Princesse Lynéxia, loua un sorcier dont la prestance n’avait d’égale que son habileté.

Un hochement de tête gracieux fut sa réponse, et un éclat malicieux la traversa :

— Votre courtoisie m’honore, seigneur, rendit-elle avec une aisance qui ne trahissait que son haut rang.

Kaëlle, ne pouvant retenir un élan d’admiration pour une telle prestance, la salua :

—Ma nièce, tu t’épanouis avec une noblesse qui redéfinit l’allure royale. Ta maîtrise de la magie, alliée à ton art du combat, ne cesse d’élever le murmure des compliments.

— Merci, ma Tante ! Les leçons que tu m’as prodiguées ne sont pas étrangères à ce succès !

À l’écart, dans une alcôve préservée de l’agitation, un druide et une sorcière partageaient un moment d’échange intense, leurs doigts effleurant à peine l’un l’autre. Phoebus, les observant se mit a pensé tout haut :

— Ces alliances ne sont plus de simples échos portés par le vent, mais des engagements enracinés dans les affections du cœur.

Un voile de mutisme s’abattit sur Nasëem et Kaëlle. Un avenir s’anticipait où la progéniture issue de ces fusions deviendrait le lien entre les éléments, maîtres du feu et des courants aériens, annonciateurs d’un âge de découvertes inédites. Quand viendra leur temps, les léopardos y tisseront l’essence de la Terre. Indubitablement, une fresque se dessinait, inachevée, dans laquelle l’eau n’avait pas encore trouvé sa place.

Aëgir se hissait, magistral, au-devant de l’assemblée, son pouvoir maritime enveloppant les alentours d’un halo aux senteurs d’embruns. Sa veste, ornée d’entrelacs d’or et de bleu, miroitait le luxe et la majesté des abysses.. Dans l’ardeur d’un débat enflammé, il fit résonner son timbre, grave :

— L’océan, en son immensité, nous dispense sa force tout autant que sa constance. C’est à nous de saisir ces enseignements.

Un flot d’approbation envahit l’assistance, tribut à la clairvoyance du seigneur des marées. Les chuchotements se mêlaient en un chœur tacite, ficelant une harmonie partagée, où chaque conversation brodait un fil unique dans le tissu fastueux de la soirée.

Alors que la célébration touchait à son paroxysme et que le vin emplissait les coupes, une déflagration ébranla les soubassements du Palais de Rubis. Un flash transperça le bouclier manatik. Les invités, un instant pétrifiés, levèrent un regard stupéfait vers la voûte. . Une incision rayonnante annonçait la naissance d’un maelstrom ravageur. Le quatuor échangea un signal imperceptible – une inclinaison de la tête, un frémissement des lèvres – en guise de mots tus.

— En route ! commanda le Mage.

Synchronisé, ils s’élancèrent. Concentrant leurs Régalia pour une cause commune, ils fragilisèrent l’armure d’Avalon, au moment où le vortex relâchait ses prisonniers. Nasëem, imperturbable, psalmodia :

Ventus Incantare !

Il esquissa dans l'éther un arc élégant, d'où jaillit un courant paisible, tournoyant autour des voyageurs pour les déposer avec une douceur et une délicatesse sans égales. Devant eux se révélèrent leurs parents, exprimant une vulnérabilité bouleversante.

— Par les cycles lunaires, quelle épreuve les a donc tant meurtris ? s’écria Lynexia, le poing serré et l’âme assaillie d’une angoisse muette.

Avec une célérité impérieuse, Aëgir incarna un puits d’ombre. Sous son autorité, il les aspira et les fit émerger dans le solarium du Manoir de Diamonite.

— Caïn doit récupérer, je m’en charge, affirma Lynexia, soutenant le Vampyr pour quitter la pièce.

Ëlara flottait désormais au-dessus d’un tapis, que le Druide écarta.

Revelare Arcanum! commanda-t-il.

Une lueur émana de ses doigts, révélant un pentagramme antique. Sa fratrie, positionné aux points cardinaux du symbole, attendait.

— Maintenant, allions nos essences. Éléments de la Création, dansez avec nous,  commenda-t-il.

La magie dans l’air frémissait :

Flamma Vinculum!  tonna la sorcière, une flamme azurée paraissant dans ses mains.

Aqua Spiralis! gronda le Mage, ses bras dessinant des courbes fluides d’eau cristalline.

Terra Fortitudo ! continua la Pythie et sa chevelure s’étendant en racines entremêlées.

Nasëem closit les paupières :

Anima Ventus !

Le zéphyr acheva le cercle sacré. De leur coalition naquit l’Éterna, la quintessence, phosphorant le pentagramme d’une teinte inconnue.

— Nous devons sonder les tréfonds de son âme, discerner l’écheveau du mal qui l’accable, déclara le Maître de l’Obscur.

Une onde de choc les désarçonna subitement, une barrière mentale inattendue les refoulant avec véhémence. Nasëem retrouva sa stature, stoïque. Face à lui, les apparitions d’Ëlara et d’Andromède s’élevaient en un chant vénérable :

Depuis l’origine des âges, invoquons la restauration, tissez le fil primordial unissant mère à la terre, psalmodia Andromède.

L’auréole dorée émana de ses paumes.

De l’écrin du vivant, que l’absolu se perpétue, forgeant argent et existence, compléta Ëlara, sa cadence s’associant à celle de sa consœur.

La sorcellerie qu’elles ourdissaient était tangible, presque respirante, et le quatuor, ébranlé, assistait au spectacle, émerveillé par la tendresse maternelle et la vigueur ancestrale. Une chrysalide scintillante se dessina, prélude à la métamorphose attendue, un souffle nouveau pour Dame Nature, préservant son essence dans l’espoir d’un renouveau.

— Bonjour, mes chéris, s’exclama Ëlara.

— Bonjour, maman,  répondirent-ils à l’unisson, encore sous le choc de l’incroyable expérience.

La silhouette spectrale progressa lentement, prenant forme pour les étreintes et reprenant sa non-consistance. Andromède, elle, avançait d’une démarche à la fois vacillante et impériale, sa chevelure d’argent se déversant telle une aurore éclatante, dissimulant son intimité avec une noblesse naturelle. Dans ses iris dorés se miroitait la sagesse éternelle - flamme d’autorité indiscutable. Devant cette Reine, les descendants s’inclinèrent, la courbure de leurs échines traduisant le respect inexprimable par les mots. Elle les observa attentivement pendant un instant :

— Tes enfants sont des Darck de prestige ! Sans vous, nous serions demeurées captives à jamais. Utiliser l’Obscur et les éléments pour infiltrer le cocon sans qu’il se désactive, peu en auraient été capables. 

— Cependant, cela ne démêle pas l’énigme de votre présence ici. Et le substantif de Darck n’est pas le nôtre, rétorqua Aëgir, une ride de perplexité sillonnant son front.

— Oh que oui, Darling ! Votre mère étant ma réincarnation et disposant de mon capital génétique, vous en faites partie. 

Cette révélation les frappa de plein fouet, expliquant énormément de non-dits et donnant tout son sens aux incohérences de leur existence.

— Donc, notre père... 

— Est la résurgence de Merzhin. 

Ëlara reprit la conversation en racontant leur entretien avec Enlil. Plantés debout, ils finirent par s’installer – captivés par son récit lorsqu’elle évoqua leur évasion du Paradis et les raisons de sa blessure.

— Ce n’est pas le fruit du hasard, si le vortex vous a menés ici. Kelly a certainement œuvré dans l’ombre... 

— Non, c’était le désir de Caïn,  intervint Andromède avec douceur. Son chagrin a donné vie à ce tourbillon cherchant un écho à son essence. 

— OK ! Et concernant la chrysalide là,  demanda le Mage en la pointant du doigt.

— À terme, Ëlara pourra retrouver son corps en parfaite santé grâce aux sortilèges que nous avons tramés. 

— Et en attendant ? 

Elles échangèrent un sourire complice.

— Chacune d’entre nous deviendra l’âme d’une de vos demeures. 

Nasëem et Kaëlle abasourdis, redoutaient d’avance les conséquences sur leur quiétude.

— D’accord, mais à certaines conditions... Maman, tu t’incruste dans le Palais de Rubis et Andromède reste ici ?  déclara-t-il.

Sa sœur le toisa de toute sa hauteur. Ils n’eurent pas le temps d’en débattre davantage, car l’une des tapisseries tissées et suspendues aux murs s’activa. Puis une autre, et encore une autre, jusqu’à ce que toutes finissent par montrer la Terre attaquée par des archanges, des séraphins et des chérubins massacrant les populations.

— La guerre est annoncée,  lâcha Ëlara avec fatalité.

— C’est un piège pour nous faire sortir de notre refuge, suggéra Gaïa. Dieu a sûrement détecter votre présence dans cette dimension, supposant qu’elle venait de la planète plutôt que de la Lune.

L’arrivée fortuite de leur mère et d’Andromède ne pouvait être ignorée, et cette nouvelle menace nécessitait une réponse immédiate.

Aegir prit une grande inspiration :

— Nous devons élaborer une stratégie pour protéger la Terre et ses habitants tout en évitant de tomber dans leur souricière. Notre connaissance de la magie et de nos pouvoirs peut être notre atout, mais nous devons rester invisibles. 

Kaëlle hocha la tête en signe d’approbation. Un sourire malicieux éclaira d’Andromède alors qu’elle s’avança vers eux.

— Eh bien, mes chéris, vous avez le privilège d’avoir une puissante cheffe de guerre à vos côtés. Je vais vous enseigner l’art de vaincre.

Sur ces mots elles s’estompèrent afin de prendre possession de leur demeure respective.

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