Chapitre 60 : Le Départ

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Au cœur du Solarium, un imposant sablier d’obsidienne, gravé de glyphes mystiques, cédait lentement ses grains noirs, marquant le compte à rebours inexorable avant que les célestes ne reprennent le carnage de la grande bleue. Nasëem, Caïn, Aëgir et Andromède, leurs silhouettes tendues formaient un cercle autour.

— Une heure s’est déjà écoulée, constata le Druide.

La Première des Darck, phosphorescente, se pencha vers le Vampyr :

— Te souviens-tu du moindre détail du Paradis ?

Affichant une expression sombre, Caïn hocha la tête. In petto, sans crier gare, la Darck plongea ses ongles dans son front. Ses pupilles fluctuèrent rapidement, trahissant la virulence de l’invasion psychique. Un gémissement étouffé s’échappa tandis que ses phalanges se crispèrent involontairement, griffant le vide.

Son souffle devint superficiel, témoignant de l’intensité de l’assaut. Bien que stoïque, les muscles de son faciès oscillaient entre résistance instinctive et capitulation. Les paupières d’Andromède se fermèrent, pour éviter les réminiscences ne la concernant pas. Lorsqu’elle trouva enfin, ses traits se détendirent. Alors, une nuée jaillit de ses mains ouvertes, émettant des ondulations argentées qui se propagèrent à l’ensemble du solarium.

Son publique, saisis d’émerveillement, s’écarta, subjugués par sa prouesse. Ils comprirent qu’elle n’avait pas fini quand, dans un éclat, l’hologramme du Paradis, vibrant de détails édéniques, surgit. Jardins luxuriants, rivières scintillantes et architectures surréalistes reflétaient les souvenirs précis et vifs du Vampyr.

Après quelques instants ajournés, Andromède retira délicatement ses ongles du front. Ses cinq plaie sur refermèrent illico. Encore sous l’effet de l’intrusion, il l’observait avec un mélange de respect et d’inquiétude, massant doucement ses tempes douloureuses. Captivé, Nasëem se pencha sur le plan et traça de l’index une ligne le long d’un vallon sinueux :

— Il y a deux hypothèses ! Soit Dieu s’attend à une offensive et nous perdons l’effet de surprise. Ou, dans son arrogance, il croit pouvoir attaquer notre royaume impunément.

Aëgir, pointant un sommet montagneux suspendu dans le firmament, poursuivit :

— Donc, soit ses troupes sont déjà rassemblées, soit il les mobilisera d’un claquement de doigts. Et si on déployait une diversion là ? Leur vigilance serait détournée, laissant la Palais Boréal vulnérable.

Andromède, attentive, acquiesça :

— Une manœuvre habile, mais n’omettons pas que Dieu n’est pas censé être au fait votre existence. Nous supposons, par précaution, qu’il a deviné qui se cachait sous le Black Hood. Il est loin d’imaginer la présence de l’armée de mages.

Traçant un chemin dissimulé, le Vampyr intervint :

— C’est ici qu’il faudra arriver. Ce lieu, soumis aux ténèbres de Yahvé, est étanche à la magie, les célestes l’évitent. Ce passage secret nous mènera au plus près d’Éden. Il sera notre atout. Une fois hors de la forêt sombre, brouiller les émanations de Manas sera primordial.

Nasëem ajouta :

— Une attaque coordonnée sur plusieurs fronts. Nous les surprendrons, les agressant où ils ne s’y attendent pas.

— Alors c’est décidé. Un assaut simultané : diversion, attaque-surprise et infiltration, conclut Aëgir.

Dans ce moment suspendu de concentration intense, Kaëlle, Gaïa, Nérisse et Lynéxia firent une entrée remarquable. Émergeant d’un geyser de flammes.

L’Empereur s’approcha de Nérisse. L’étreinte, quoique brève, fut chargée d’une tendresse, témoignant de l’amour indéfectible qu’ils se portaient. Avec une émotion qu’il tentait de contenir, le Mage demanda :

— Montre ton invention.

Nérisse, son poignet paré d’un bracelet élégant de glace éternelle, le retira avec précaution, puis déclara :

— Ce bijou, une fois associé à l’essence d’un individu et installé sur l’arche, ouvre un portail vers son monde natal.

Caïn se porta volontaire. Cependant, Nérisse, avec une douceur mêlée de tristesse, s’y opposa :

— Ta nature, altérée par ta malédiction rend cela impossible. Nous devons nous tourner vers Ëlara.

L’attention convergea alors vers Andromède, qui révéla :

— L’atteinte d’un état spectral adéquat mettra plusieurs mois. Ce n’est pas ma premiere demeure, donc je m’acclimate mieu.

Dans ce calme pesant, Aëgir se perdit dans ses réflexions. Une intuition se fit sentir dans sa posture. Il se redressa et pivota vers Nasëem :

— Ménes est-il encore en vie ?

— Plus ou moins…

Il prit un moment pour rassembler ses pensées, son attitude trahissant une concentration intense. Puis, se tournant vers Gaïa et Kaëlle, le Druide rompit sa réfléxion :

— Êtes-vous prêtes à maîtriser l’Obscur ?

Ses mots, lourds de signification, résonnèrent. Ses sœurs échangèrent un bref signe de consentement et de respect face à l’ampleur de sa demande.

Le Druide s’installa en position du lotus, incarnant la sérénité. Alors que son expression se détendait, il plongea dans une profonde méditation. La dynamique de la pièce se transforma, s’imprégnant d’une essence sous-jacente. Elle se détacha lentement, flottant à la manière d’un spectre. Dans cet état astral, Nasëem traversa les couches de la réalité, glissant à travers les voiles. Sa projection le conduisit en Enfer, dans un repaire aux murs de marbre charbonneux pulsant d’une ardeur perverse. Le parquet bavait de sang séché. Les colonnes mordorées, tordues et déformées s’avéraient vivaces, ornées de symboles occultes incrustés dans leur surface.

Un vaste bureau en bois foncé, couvert de dossiers et de contrats reliés, témoignait des accords sordides passés par la Reine des Abymes. Des bougies rouges brûlaient sur les étagères, exhalant une odeur de soufre et de plasma. Le mobilier se révéla somptueux, en cuir noir avec des clous dorés.

Au fond de la pièce, une grande fresque représentait Satan et ses princes infernaux encerclant Lilith dans une scène dantesque. Les couleurs vives et éclatantes contrastaient avec l’aura perfide de l’œuvre. Dans l’ombre, une silhouette se dessinait, sa peau pâle marquée de veines d’or pulsant au rythme des incantations résonnantes. Des forces obscures imprégnaient l’endroit où l’apparat servait de voile aux intentions les plus diaboliques.

— Bienvenue ! Tes visites se font rares ces temps-ci, l’accueillit Lilith avec un zeste d’ironie.

— Merci ! Des obligations retiennent toute mon attention, s’excusa-t-il, s’attardant essentiellement sur son ventre arrondi.

— La Créatrice nous a informés, ce qui nous a permis de rappeler nos démons présents sur Terre.

— Que vous arrive-t-il ?

— Enceinte, révéla-t-elle simplement.

L’annonce le déstabilisa, mais il se ressaisit :

— Les félicitations sont de rigueur alors.

Il s’approcha, l’enlaça et s’étendit sur le canapé, posant sa tête sur les cuisses de sa grand-mère. Elle se mit à caresser ses cheveux avec des ongles pointus, oscillant entre tendresse et cruauté.

— Pourquoi es-tu là ? N’as-tu rien de mieux à faire ?

— Mes sœurs doivent maîtriser l’Obscur !

— Et ?

— Pourrais-tu les initier ?

Lilith lui lança une œillade glaciale.

— Tu penses qu’elles sont prêtes ? Pourtant tu n’ignores pas les dangers que cela représente. Elle risque de se perdre dans les ténèbres et ne jamais retrouver ton chemin.

— Je sais ce que je fais. Ne t’inquiète pas. Kaëlle et Gaïa sont tes petites filles, elles ont ta volonté, et une grosse part de ta perfidie. Tu vas les adorer.

— Très bien. Je te fais confiance.

Lilith approcha son visage du sien avec une grâce troublante. Autrefois captivée par ses iris écarlates, Nasëem ressentait maintenant un mélange de répulsion et d’affection ; il savait qu’il ne pourrait jamais échapper à son influence. Elle déposa un baiser glacé sur son front, qui le força à réintégrer son enveloppe charnelle. Son retour fut marqué d’une brise qui balaya le solarium :

— Lilith vous attend dans la grotte atemporelle. Les épreuves qu’elle a préparées ne laisseront aucune place à la clémence.

Gaïa, avec un rire léger, mais confiant, répliqua :

— Aucun souci. Cette vieille Harpie ne réussira pas à nous briser.

Dans un acte aussi fluide qu’une pluie, Aëgir présenta deux broches en forme de goutte :

— Elles vous permettront de circuler en Brocéliande sans être affectées par l’arrêt de la rotation.

Les gardes firent irruption, traînant derrière eux Ménès, dont l’apparence témoignait des expériences punitives infligées par Nasëem. La créature en présence n’était plus que l’ombre de son ancien moi, ressemblant davantage à une gargouille érodée par le temps qu’à un être de chair et d’argentiglobine. Son aspect déchu provoqua un frisson chez Nérisse. Gaïa, le toisant avec un mélange de dégoût et de satisfaction, déclara froidement :

— Les traîtres récoltent ce qu’ils sèment.

Kaëlle partagea son dédain, et, ensemble, elles quittèrent le solarium, encore imprégné de leur mépris. D’un gémissement rauque et désespéré, Ménes tenta de former des mots, brisé par la souffrance :

— Aide... moi…

Empli de pitié, Aëgir s’approcha :

— Ton sort est scellé, mon oncle, mais ton essence nous ouvrira la voie, dit-il, récupérant délicatement un fragment d’âme pour le fixer dans le bracelet.

— Finalement, tu serviras à quelque chose, lâcha son tortionaire.

Sous son impulsion, la forme érodée se dissolut, tombant en une poussière qui alla se réfugier dans une urne qui reposait sur la cheminée.

Aëgir et Nérisse se retirèrent dans une alcôve du solarium, partageant un moment d’intimité empreint de gravité. L’échange, saturé d’émotions non exprimées, prenait la tournure d’un adieu tacite. D’une manière calme, mais avec une intensité palpable, elle suggéra à Aëgir de dire au revoir à Orin. Ses paroles, bien que simples, portaient un poids considérable.

Plongé dans ses pensées, il soupira, puis se confia :

— Je ne peux pas ! Voir Orin rendra mon départ encore plus difficile. Ce combat... je dois y aller sans lui dire au revoir.

Une larme solitaire glissa sur la joue de l’Impératrice ; qui la recueillit avec précaution dans une fiole.

Aëgir fit apparaître un cordon éthéré et attacha le flacon autour de son cou. La goutte, captive dans son écrin de Karistal, se mit à luire, symbolisant le lien inaltérable qui les unissait.

Dans un autre recoin du manoir, Nasëem enlaçait Lynexia dans une étreinte empreinte d’une force protectrice et d’une tristesse latente :

— Promets-moi de veiller sur Avalon. Tu es désormais sa reine.

— Jusqu’a ton retour Père !

— Nous nous retrouverons, ma fille. Sois courageuse et sage.

Au bord des larmes, Lynéxia fourra sa tête dans son cou, incapable de trouver les mots. Son cœur alourdi par la séparation imminente, il prolongea le moment, ne voulant pas la lâcher,.

Les frères se rassemblèrent autour du père. Aëgir fit apparaître un puits d’ombre.

Avalon étaient le théâtre d’une scène majestueuse. L’armée des Atlantes, telle une mer de capes et de cuirasses étincelantes, se dressait en formation imposante. Chaque soldat, incarnation de puissance, fixait leur chef, dont l’aura de force et de résolution inspirait confiance et audace.

Debout devant eux, l’Empereur leva la main, captant instantanément leur attention :

« Aujourd’hui, nous ne sommes pas juste une légion, mais les gardiens de la Terre. Chaque pas que nous faisons, chaque souffle que nous prenons, c’est pour notre planète, notre peuple, notre avenir. Nous franchirons ce portail non en envahisseurs, mais en protecteurs. En avant, avec courage et honneur ! »

Cet appel à l’action, empli de passion, électrisa les troupes. Un écho intense de talons frappant le sol répondit à cette allocution, accompagnée d’un cri unanime et fervent :

« Pour la Terre ! »

Touché par une vague d’émotion, Nasëem se détacha du groupe. Sa figure, isolée face au panorama, était celle d’un homme confronté à l’immensité de sa tâche.

Ses sœurs, désormais pleinement éveillées à leur pouvoir obscur, apparurent parmi la masse sans avoir eu recours à l’arche. Un tour de force qui suscita des sifflements approbateurs. Elles irradiaient d’une magie différente. Kaëlle, dans sa combinaison de cuir rouge et exhibant sa crinière rousse agrémentée de mèches noires, exhalait une puissance brute. Sa baguette d’obsidienne, dépassant de son décolleté, était l’extension de sa volonté.

Gaïa, sa Régalia sanglée à son bras était vêtue d’une robe émeraude moulante – ses cheveux blonds, élégamment coiffés en chignon, offraient un contraste saisissant. Ensemble, elles apportait une ampleur nouvelle à la lutte imminente.

Aëgir inséra avec solennité le bracelet de Nérisse dans l’arche. Un vortex, aux teintes captivantes et inconnues, se forma. Sous la conduite du Quatuor, appuyée par le Patriarche et les mages, l’armée s’engagea vers cette porte dimensionnelle. Leur progression, empreinte de sérieux, reflétait la conscience de leur mission. En protecteurs, ils franchirent le seuil, prêt à affronter l’autre côté.

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