Chapitre 62 : Invasion

7 minutes de lecture

Dans la pénombre de la forêt maudite, les arbres tortueux s’élançaient, tels des gardiens anciens, leurs formes rompant l’uniformité de la nuit sans lune. Le vent, chargé de chuchotements mystérieux, se mêlait aux craquements lointains des branches et aux cris des hiboux, tissant une symphonie troublante. Les spectres, nés de la lumière étrange du vortex, glissaient sur le sol sylvestre.

Au cœur de cette scène, un tourbillon de mana, d’un bleu intense, émergeait parmi les dolmens, grandissant et pulsant, avant de libérer Caïn et sa lignée dans un éclat éblouissant. L’armée qui les accompagnait, une phalange d’ombres furtives, se déployait avec une précision implacable. Chacun des soldats, drapé de cuir et d’acier, se déplaçait avec une agilité secrète, leur discipline n’exigeant aucune instruction d’Aëgir. Ils formaient une entité unie, leurs mouvements synchronisés dans la discrétion.

— Perçois-tu cette tension ? On dirait que la flore retient un souffle profond, observa Nasëem.

Caïn, la figure sculptée par les éons, exprima d’une intime tristesse :

— Ces arbres ont été les gardiens de bien des horreurs. Ils ont vu le fluide d’Abel se répandre sur ces terres maudites. Et ces monolithes gravés par votre mère avant son exil sont l’unique témoignage de l’existence de Xandria.

Nasëem, à ses côtés, philosopha :

— Les secrets enfouis ici pourraient être la clé de notre destin. Notre quête s’achèvera où tout a commencé.

L’ultime bataillon sortait du maelström, qu’il se rétractait, tel un rideau se fermant sur une scène théâtrale. Les soldats se séparèrent, prenant un chemin distinct avec une assurance innée à travers la végétation dense, évitant les branches basses et les feuilles brisantes.

Aëgir, roc immobile, observait le départ de ses compagnons. Lui et ses hommes formaient une garde solennelle, leurs armures luisant faiblement sous les derniers reflets du mana disparu. Loin de là, les autres avançaient vers l’arbre de Karistal, un géant aux racines profondes et aux mythes sombres. Chaque pas les rapprochait de cette énigme naturelle, un monument à la fois magnifique et menaçant, témoin d’une histoire divine et torturée.

Telle une gemme éternelle, les marais putrides émanaient de volutes gazeuses nauséabondes, baignant de l’écarlate du pulsar. Cet éclat rubicond conférait à la flore une tonalité irréelle. Des fleurs aux pétales translucides, vibrant au rythme d’une musique inaudible, voisinaient avec de singuliers buissons, aux feuilles incarnant des ailes de papillons. Dans ce paysage exotique, la perversion de Yahvé laissa des marques indélébiles. Partout, la végétation se tordait en spirales et motifs complexes. Au cœur de ces étrangetés gisaient des coquille d’œuf de démon, dispersées, évoquant les échos d’un passé agité. Leur surface lustrée, d’une teinte sombre, engloutissait le rougeoiement de l’astre.

Intrigué par ces reliques, Nasëem les observa avec une fascination intense, ses doigts glissant sur les écailles rugueuses. Avec une délicatesse presque révérencieuse, plusieurs morceaux furent enfoncés dans sa poche sans fond.

— Incroyable, n’est-ce pas ?

Ignorées furent les errances de ses paroles. Caïn, parvenu à son but, demeura captif d’une vision persistante : Abel, émergeant avec sa Régalia. Dans ce moment, il perçut pleinement la faveur de la Créatrice, l’ayant réincarné en Nasëem.

— C’est ici que nos routes divergent, mes filles. Prenez cette voie ; elle vous mènera à l’orée de la falaise. Et souvenez-vous, pas de quartier. Redoublez de prudence face aux Sages. Le Tout-Puissant n’agira qu’après la chute du dernier. Mon cadet, malgré son habileté à l’art de la manipulation, reste un guerrier médiocre. 

Kaëlle l’enlaçant chuchota à son oreille :

— Ne crains rien ! Notre force sera si imposante qu’ils n’auront d’autre choix que de se rallier à notre cause. 

Leurs traits légèrement crispés par l’atmosphère oppressante, elles se frayèrent un chemin à grand renfort de baguettes. Puis, abruptement, aux bois nécrosés se substitua un panorama d’exception : des îles flottantes parsemaient le firmament, leurs contours baignés par une lumière éthérée. Arborant un sourire complice, la sorcière se tourna vers sa sœur.

Immobile, Gaïa closit les paupières. Une concentration intense l’imprégna, alors qu’elle puisait dans les ombres environnantes. Soudain, une nuée de ténèbres l’enveloppa, tourbillonnant dans une danse hypnotique. Sensuelle se détacha de son avant-bras, se convertissant en un collier orné d’une émeraude, qui vint se poser avec grâce autour de sa nuque. Sur son front apparut un troisième œil, laiteux à la pupille indécelable. La terre vibra, répondant à l’appel de la mutation. La Pythie se contorsionna – sa forme humaine cédait la place à un dragon majestueux, ses écailles d’un vert lumineux scintillant.

— J’adore quand tu fais ça, s’exclama sa partenaire, en admiration devant cette prérogative qu’elle enviait.

— Grimpe !

Avant d’opérer, Kaëlle s’abandonna aux ténèbres non pour se transformer, mais pour se fondre dans l’invisible.

Totalement indiscernable, sa sœur s’accrocha fermement durant le décollage, qui s’amorça par une descente en piquet afin de prendre de l’élan, puis les battements d’ailes suivirent, et enfin une remontée en flèche s’exécuta. À peine eurent-elles plané que l’océan nuageux se troubla, révélant une armada de chérubins en armure, leurs lames étincelantes tranchant le firmament. Gaïa, par la pensée, activa un maléfice.

De son collier émana un faisceau balayant la première ligne dans un éclat verdoyant. Les anges frappés se dissolurent, laissant des traînées de lumière éphémères. En parallèle, Kaëlle, dissimulée par son invisibilité, jouait les snipers. Maniée avec une précision chirurgicale, Rebelles envoyait des sortilèges mortels sur les attaquants qui tentaient de les accabler par l’arrière. La dragonne rugissait tout en crachant des flammes grégoises, transformant ses opposants en cendres volatiles.

En dépit de sa taille imposante, Gaïa se montrait d’une agilité étonnante, exécutant des pirouettes spectaculaires tout en slalomant habilement entre les projectiles, défiant ainsi les attentes pour une créature de sa stature.

Alors que la bataille faisait rage dans les cieux, l’attention des adversaires était tellement conquise par l’affrontement qu’ils ne remarquèrent pas la proximité progressive des assaillantes avec le Palais. Dans un mouvement stratégique, la sorcière se détacha de sa prise pour sauter au-dessus de l’île flottante la plus proche du fief de Dieu. L’objectif étant de couper la tête du serpent et de faire rendre les armes a ses sbires.

Maintenant libérée de sa passagère, Gaïa fit volte-face. Gueule béante, elle se rua, vers le groupe de chérubins astucieusement rassemblé. Dans cet instant crucial, son troisième œil, auparavant discret, s’ouvrit grand, dévoilant un éclat hypnotique. Captivés, les Anges tombèrent sous son charme, leurs épées se retournant les unes contre les autres dans une confusion inattendue.

Pendant ce temps, dans un acte de métamorphose presque imperceptible, Gaïa changea d’espèce. Le dragon puissant et menaçant se réduisait, ses squames verdoyant se convertissant en délicates ailes de papillon. Dans cette nouvelle forme, elle voltigea légèrement, se dirigeant avec une grâce tranquille vers le Jardin d’Éden, échappant à toute détection. Son vol élégant contrastait fortement avec la fureur de la bataille qu’elle venait de gagner.

Aëgir observait de loin, guettant le moment d’agir. Lorsque l’écailleux se dissipa, une transformation saisissante s’opéra chez le Mage, dont la toison immaculée se noircit. Nul doute qu’il puisait dans l’Obscur. Levant les bras, il en appela à l’art des flots. L’ensemble des cascades se trouvant sur les îles s’exilèrent de leur lit, formant des torrents aériens qui noyèrent les chérubins survivant tout en les enserrant ; s’ensuivit une vague titanesque, engloutissant les dépouilles.

Soudain, un frisson d’alerte parcourut l’Empereur. Une communication télépathique d’un de ses lieutenants l’informa qu’une milice s’insinuait dans la forêt. Sans hésiter, Aëgir commanda une éradication. Ses spectres, se muant en flaques mazoutées, se mouvèrent furtivement – s’étendant à l’intégralité de la zone afin de fusionner. Ce n’est que lorsque la totalité des envahisseurs les piétina, qu’ils se mirent à l’œuvre. D’abord, ils crurent au caractère visqueux du terrain. Puis peu à peu, ils ne purent avancer. Dès lors, le tapis sombre devint acide, les rongeant tout en les absorbant.

Le tourment subit retentit jusqu’aux confins du 1er royaume, imposant ce fameux calme avant la tempête. L’apparition de Michael dans son armure étincelante, et de ses guerriers, auréolés de lumière, marquait le début des hostilités. Le Mage, avec un geste souverain, envoya le signal. De la canopée, s’élevaient alors ses troupes, brisant le feuillage ébène dans une ascension spectaculaire. Sans ailes, mais portés par des courants éthérés, ils narguaient les lois de la physique, surprenant l’Archange et ses soldats.

D’un saut agile, Aëgir se plaça en tête de son bataillon, sa quiétude et sa confiance en soi indéniables. Dans sa paume, la Régalia enduite d’une brume de jais contrastait avec l’éclat immaculé de l’épée de Michael. Un sourire narquois se dessina à l’approche de son rival.

— Arrière grand-oncle, te voilà bien préservé pour ton âge avancé ! lança-t-il pour rompre la glace.

En face, l’interpellé arborait une feinte sérénité, teintée de défiance.

— Charmant... Tu descends de Caïn, si je ne m’abuse ? 

— Aëgir, Mage de l’eau, Souverain d’Atlantide, et récemment devenu un Darck. Surprenant, n’est-ce pas ? Évitons un bain de sang inutile. Que notre affrontement scelle le sort de ce contentieux.

— Cette dissension dépasse notre duel, arrière-neveu. Il se jouera sur le champ de bataille, non en un contre un. 

La tension s’intensifia entre les camps, un frisson d’anticipation électrisant les rangs. Soudain, Aëgir para un uppercut avec nonchalance. Un contre dévastateur explosa la mâchoire de l’Archange, l’éjectant au loin.

Dans un élan unifié, le conflit céleste s’embrasa. Le ciel, jadis paisible, se mua en une arène bouillonnante. L’Empereur conjura une sphère d’écume toxique, la lançant sur les troupes adverses. Michael, l’épée en main, se précipita à nouveau, le surprenant. Une esquive in extremis laissa une coupure fine sur la joue du Mage.

Les cris des combattants fusionnaient avec le fracas des armes et la puissance des incantations. Au cœur de ce tumulte, les chefs de guerre s’affrontaient avec acharnement, incarnant l’ardeur et la détermination de leurs factions. Le destin d’Éden, scellé par cette opposition titanesque, promettait une épopée mémorable.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire limalh ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0