Chapitre 63 : Désaveu

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Dans les profondeurs de la galerie souterraine, Caïn menait avec précaution, Nasëem le suivant de près. Leur progression, attentive et soignée, faisait écho sur les dalles humides. Autour d’eux, les cristaux incrustés s’animaient à leur passage, projetant des rayons bleus et blancs qui dansaient sur les parois, instaurant une atmosphère irréelle. Le jeune homme s’arrêta, capté par des marques atypiques.

— Père, regarde ces marques, l’interpella-t-il, désignant des entailles sinistres. Elles évoquent la présence d’un démon.

Caïn se pencha, son analyse des traces révélant une expertise certaine. Son intérêt se détourna vers des ossements dispersés.

— D’après les récits de ta mère, c’est en ce lieu qu’elle tissa le sortilège créant l’Enfer et l’Univers, les siens ont sacrifié leur vie pour sa réussite. Ces restes racontent cette bataille cosmique.

Son état esprit se reflétait dans ses mouvements hésitants, un mélange de tristesse et de réminiscences. La mention d’Ëlara raviva des souvenirs chers, mais empreints de douleur. Les événements récents l’empêchaient d’extérioriser la souffrance de leur séparation. Conscient du poids émotionnel qu’il refoulait, Nasëem dirigea adroitement leur conversation vers un sujet moins pesant :

— Père, peut-on envisager Michael dans la peau du Fondateur ?

Cette question le ramena à l’instant présent :

— Michael, en tant que Fondateur ?

Il prit un moment pour réfléchir.

— Cela semble trop évident. Une diversion, peut-être. Un aussi habile manipulateur que le Fondateur est souvent le moins insoupçonnable.

— La réalité est sans doute plus nuancée, pleine de complexités. À mon sens, Dieu est le coupable tout indiqué dans ce cas.

— Intéressant ! Développe ?

— Admettons que l’on croit tous que Dieu est son pion, alors qu’en réalité, il est le joueur, infusé en Ève et a grandi parmi vous.

Cette théorie donna le tournis au Vampyr, qui préféra la chasser de son esprit pour l’instant. Il n’eut nul besoin de souhaiter une distraction, elle se présenta à eux. Approchant d’une salle circulaire faiblement éclairée, ils rencontrèrent trois silhouettes posant un défi muet à leur progression.

En posture défensive, le Druide leva son sceptre. Toutefois, ce fut Caïn qui captiva l’attention. Une première dans l’histoire, il fusionna sa Régalia avec le Black Hood. Tonnerre et ténèbres se mélèrent en un tourbillon chaotique, chaque éclair sculptant des arabesques déchirant la plénitude du lieu. L’impact de cette alliance fut à la fois immédiat et époustouflant. Sa foudre se déchaîna avec une vigueur inouïe.

Fasciné par la transformation impressionnante de son père, Nasëem resta figé. La noirceur dense en exhalant l’atteignit de plein fouet, un frisson d’épouvante parcourut son corps, symptôme d’une peur incontrôlée. Le pouvoir obscur et dominateur oscillait entre horreur et attrait, une combinaison redoutable. Puis, se resaisissant, il se pinça pour chasser la frayeur le submergeant.

— C’est incroyable.

Ancré au milieu de la tourmante Caïn, partagea sa révélation:

— Je devine l’influence du Fondateur. Autrefois sa propriété, ces artefacts une fois unis, libère une force sans précédent.

Un doute traversa l’esprit de Nasëem alors qu’il fixait Caïn. « Et si mon père était en réalité le Fondateur ? » La possibilité le fit frémir. Les silhouettes adverses, confrontées à cette puissance, reculèrent. Le Vampyr se dressait, tel un titan, son allure exigeant à la fois respect et crainte.

Alors qu’ils s’avançaient, Caïn les reconnut : Uriel, Gabriel, Raphaël. Ces éminences des castes des Trônes, Dominations et Vertus, anciens mentors et guides spirituels. Soudain, les Sages s’agenouillèrent, dissipant ainsi la tension. Le frémissement délicat de leurs ailes immaculées contrastait avec ce geste d’humilité, livrant un conflit intérieur inavoué. Devant ce revirement inattendu, Nasëem, désorienté, lança :

— Pourquoi cette abnégation ?

Les anges, empreints de mélancolie, levèrent la tête :

— Nous renonçons à notre allégeance à Dieu, annoncèrent-ils d’une harmonie qui fit vibrer la caverne d’un écho venu d’ailleurs.

Le front plissé, resserrant sa prise sur sa Régalia, Caïn exigea :

— Expliquez-vous !

Toujours prosternés et à l’unisson, ils répondirent gravement :

— Ton frère n’est pas l’héritier légitime. L’Augure l’a proclamé. Il est temps pour une nouvelle ère.

Intrigué et sceptique, il insista :

— Tu parles d’une évidence ! Il nous a tous manipulés afin de s’approprier la couronne ! Et qui donc ?

Le Trio, dans un mouvement solennel, indiqua le sceptre du Fondateur.

— Toi, fils d’Adam et Ève. l’Ove t’a désigné.

Un rire amer s’échappa du paria :

— Alors, vous me trouvez digne de régner ? Votre reconnaissance tardive est une cruelle ironie, se moqua-t-il, teinté de rancœur. Je ne désire point le pouvoir.

Dans un élan de colère, son sceptre se muta en Katana. Sa lame, façonnée au cœur des ténèbres, se colora d’un noir abyssal. Une onde de choc parcourut les traîtres, leur carnation pâlissante. La génuflexion, initialement signe de soumission, se mua en un réflexe instinctif, dicté par l’intensité oppressante du Vampyr. Incapables de croiser son regard impérieux, ils reculèrent maladroitement, leurs épaules frôlant le mur rugueux de la caverne, cherchant vainement une échappatoire. Ce katana, incarnation de son âme tourmentée, se dressait tel un miroir obscur de son passé, un présage sombre de ce qui pourrait advenir.

Percevant l’escalade de tension, Nasëeml’interpella :

— Père, maîtrise-toi. La violence ne nous aidera pas ici. Nous devons écouter, tenter de comprendre.

Caïn, toujours fixé sur les prosternés, tenait fermement sa lame. Son souffle, lourd et saccadé, trahissait son tumulte intérieur. la sincérité marquant ses traits, Uriel confessa :

— Nous t’en conjurons, épargne-nous. La vérité s’est révélée à nous, notre allégeance t’est acquise.

Gabriel, l’urgence manifeste dans son timbre, ajouta :

— Nous sommes de ton côté à présent. Saisis-tu ? Nos serments sont rompus pour embrasser l’illumination de l’Oracle.

Avec une prestance soigneusement mesurée, Raphaël articula ses mots d’un ton empreint de gravité :

— Notre dévotion envers toi est sans faille. Nous t’accompagnerons dans cette nouvelle ère, selon sa prédiction.

— Père, empoignons cette chance de s’approprier le Paradis, cela arrangerait mes projets pour la Terre.

Son arme pointée vers les rats, le Vampyr considérait ses propos et les supplications de ses mentors d’antan. Finalement, il baissa sa lame.

— Vous pouvez remercier les inclinations de mon fils, elles priment sur mes propres désirs en cet instant !

La tension s’atténua quelque peu, mais un air de promesse informulée persistait. Ses prunelles, froide, toisaient les anges à genoux.

— Une fois le sort de Dieu scellé, je m’occuperai de vous punir en fonction de vos méfaits.

Les parjures échangèrent des œillades empreintes d’incertitude. Un soupir de soulagement s’échappa discrètement d’entre leurs lèvres alors qu’ils se tournaient vers Nasëem.

— Merci pour ton intervention. Nous t’exprimons notre intense gratitude, déclara Uriel.

D’une acuité scrutatrice, le Druide répliqua :

— Désormais, vous m’êtes redevable éternellement. Gardez cela à l’esprit.

Ne mesurant pas pleinement la portée de cet engagement, Ils le promirent.

Gabriel inspira profondément, montrant une mine sérieuse et réfléchie :

— Nos castes respectives soutiennent notre rébellion, ayant renoncé à leur allégeance d’autrefois.

Intrigué, le Druide se pencha légèrement.

— Et Séraphielle ? Où se situe-t-elle dans cette équation ?

— Volatilisée de manière énigmatique. Nous craignons qu’elle manigance quelque chose contre notre cause. Son absence suscite des inquiétudes, révéla Raphaël.

Parmi tous, c’était la seule que le Vampyr redoutait, et ce, malgré ses récentes prérogatives enténébrées :

— Qu’en est-il du Palais ? Qui en dirige les forces ?

Partageant un échange grave avec ses frères, Uriel reprit.

— Métatron assure actuellement la gestion. Toutefois, sa fidélité demeure incertaine. Il pourrait s’avérer être un adversaire, au mieux, un partisan changeant.

Fronçant les sourcils, Nasëem intervint :

— Cela implique la présence d’individus potentiellement hostiles au cœur de nos rangs. La prudence est de mise.

Caïn hocha la tête :

— Il est crucial d’évaluer précisément nos sympathisants et détracteurs. Une rencontre avec Métatron pourrait nous révéler ses véritables motivations.

— Les miens se trouvant au sein du Jardin ne vous attaqueront pas, certifia Raphaël.

Ayant pris sa décision dans un calme calculé, Nasëem éleva son sceptre. Les runes incrustées sur le bois séculaire scintillèrent. D’un geste fluide et maîtrisé, il dirigea son pouvoir, convoquant une tempête incessante qui enveloppa ses « Alliés ». Des vents furieux virevoltèrent autour d’eux, formant une prison. C’était une tactique née de la prudence et du besoin de ne laisser aucun adversaire potentiel libre dans son sillage.

— En attendant de déterminer leur véritable allégeance, cela devrait les contenir.

— Sage stratégie, fiston. L’imprudence n’est pas de mise ici.

Ensemble, ils continuèrent leur traversée des galeries souterraines. La réflexion accompagnait leur progression, chacun analysant les développements récents et planifiant les démarches futures. Finalement, ils parvinrent à la sortie de la caverne. Devant eux s’étendait l’Éden, brillant sous un pulsar radieux. Les parterres chromatiques et les chutes d’eau étincelantes offraient un contraste saisissant avec les sombres couloirs qu’ils quittèrent.

En franchissant l’orée du jardin, ils se retrouvèrent sous l’attention concentrée de la caste des Trônes qui relâchèrent la pression pour considérer les visiteurs.

La présence de Caïn déclenchait des réflexes divers : certains reculaient, impressionnés par sa stature, tandis que d’autres observaient curieusement. Renommé pour ses prouesses mythiques, relatées par les Sages afin de les convaincre de se rallier au benjamin de la trinité céleste. Il était perçu comme l’incarnation de la résilience.

Analysant les réactions, Nasëem, sans être décelable, se permit de farfouiller quelques esprits :

— Ils te respectent, père. Tes exploits les captivent.

— Leur attitude est révélatrice de leur frustration. Nous allons bientôt savoir si les déclarations d’Uriel, Raphaël et Gabriel étaient véridiques.

Nasëem, malicieux, cueillit un fruit rouge et brillant. Avec un brin de provocation, il mordit goulûment dedans, le jus dégoulinant aux coins de ses lèvres. Autour, les anges, témoins de cet acte, échangèrent des expressions de scandale. Dans un parfait ensemble, ils prirent de la hauteur, fixant le terreau avec stupeur.

— Waouh ! Jamais goûter une pomme aussi succulente ! s’exclama-t-il, la savourant avec plaisir manifeste.

Caïn éclata d’un rire contenu.

— Tu viens de violer l’un des tabous du Paradis.

Avec un sourire espiègle, son fils rétorqua :

— Tout ça pour un fruit, quelle bizarrerie !

Puis, il frappa le sol de son sceptre. Guidés par une force mystérieuse, divers produits et délices s’envolèrent de leurs branches pour se nicher dans sa poche sans fond.

— Ces mets, une fois plantés en Avalon, s’épanouiront en un festin perpétuel. Notre retour marquera le début d’une ère de délectations sans fin.

Expliquant pourquoi les Trônes avaient pris de la hauteur, le terrain se mit à vibrer et un immense cobra noir émergea dans une propulsion de terre, de pierre et d’arbres déracinés, qu’ils dévièrent d’une pensée. Sa tête chercha de droite à gauche, puis se fixa sur Nasëem et le trognon dans sa main.

Rapide et menaçant, il fonça. D’une agilité fulgurante, le Druide de l’Obscur leva Rénégat avec une maestria saisissante. Fluide et précis, il tissa autour du reptile une brume ténébreuse, dense et envoûtante. Sous l’emprise de cette nébuleuse, la créature massive se retrouva prisonnière, rétrécissant à vue d’œil – jusqu’à n’être plus qu’un ver insignifiant.

Épaté par sa dextérité, Caïn, ironique, conclu :

— Adieu discrétion !

Ils reprirent leur chemin, franchissant l’arche menant au Palais.

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