Chapitre 64 : Et de deux !

9 minutes de lecture

Depuis le dos de sa dragonne de sœur, Kaëlle s’abandonna à l’immensité azurée. Les courants capricieux la portaient, éveillant une allégresse intense. Ses arabesques, magnifiées par une descente vertigineuse, déclenchèrent un frisson d’exaltation primitive. Le battement effréné de son palpitant cadençait ses spirales et loopings. S’ensuivit une flexion délicate des jambes, sa paume effleurant à peine le pistil fuchsia d’une marguerite titanesque, elle s’émerveilla devant le spectacle : une infinité de pétales pourpres, bordée par un rivage de sable magenta. Toujours invisible, elle se redressa, son attention capturée par Gaïa qui semait l’épouvante parmi les chérubins célestes.

« Le Paradis dévoile ses merveilles, pourtant il ne possède pas la richesse de la Terre, ni même d’Avalon. »

Un rire doux et muet perla sur ses lèvres alors qu’elle admirait les horizons. Ses pensées s’élevaient, portées par le Zéphyr Céleste, caressant et revigorant. Cette brise légendaire, connue pour éveiller l’esprit et l’âme, guidait sa contemplation à travers les paysages oniriques.

Lorsque le Mage remplaça la Pythie, elle se leva agilement de son trône agrémenté de végétation luxuriante. Marchant le long d’une plage atypique, elle foulait un ruban de sable fin bordant un océan de pure imagination. Chacun de ses pas, déterminés et gracieux, soulignait la tranquillité de ce royaume isolé.

Perchée sur un nuage façonné en méridienne, Cherubielle, d’une beauté androgyne frappante, reposait paisiblement. Les membranes translucides qui ornaient son dos scintillaient timidement. D’un albâtre lumineux, sa peau formait un contraste saisissant avec le bleu profond et mystérieux de ses iris. Sa toison d’ébène, tressée avec des plumes délicates, accentuait son charme unique.

Révélée par un demi-sourire de l’Ange, la sorcière mit fin à sa dissimulation.

— Ah, fille de Caïn, tu es enfin là, articula-t-elle d’une douceur étudiée. Dieu avait vu juste. C’est un fin stratège !

— J’ai le lobe de l’oreille qui tremble ! Tu pensais vraiment pouvoir te prélasser alors que tout s’écroule autour de nous ? railla Kaëlle, son ton moqueur trahissant son amusement.

— Il y a une certaine beauté dans la destruction, n’est-ce pas ? riposta la chérubine, son espièglerie ajoutant un genre de nuances à ses paroles.

Un frisson de défi parcourut la Reine Amazone. Elle avança d’un pas décidé et d’une assurance tranchante proclama :

— Pauvre sotte ! Je suis curieuse de voir ta chute. Tu n’es qu’un pion dans un jeu qui te dépasse.

Au fond d’elle, Kaëlle éprouvait un mélange complexe de mépris et d’anticipation. D’après son père : malgré sa désinvolture évidente, elle s’avérait redoutable. Cherubielle se dressa, et l’air se chargea de menace. Subitement, l’environnement bascula dans une bleutée ensorcelante. Des miroirs apparurent, capturant des reflets multiples de l’ange et des représentations altérées de Kaëlle. Sa parole émanant de partout et, nulle part, l’invocatrice susurra :

— Bienvenue dans mon domaine de réflexions,

D’un sang-froid hors du commun, la Sorcière de l’Obscur ne succomba pas à l’horreur et à la souffrance dévoilées par ses illusions

L’encerclant, les miroirs entamèrent une rotation, formant un dédale de réverbérations ou Cherubielle se dévoilait, sa narquoiserie faisait ressortir ses traits.

— Il symbolise les péchés, déclara sa rivale. Tes vulnérabilités, tes craintes, tout est ici divulgué.

Les images se métamorphosèrent, révélant des versions grotesques de Kaëlle – incarnations de l’avarice, de la colère, de la paresse. Face à ces visions, la jugée demeurait stoïque, les rejetant. Elle ne flancherait pas.

— Ces fantaisies ne sont que des entraves, articula-t-elle fermement. Je transcende ces faiblesses.

Progressant, elle affrontait ces images perverties sans se détourner ; fière, souveraine concentrée sur sa propre force.

— Mon essence ne connaît pas de fautes. Je suis le fruit de mes actions, affirma-t-elle.

Cette réalisation provoqua un frémissement dans les reflets. Peu à peu, ils se mirent à se fissurer, rompant le maléfice.

— Tes artifices ne peuvent égaler ma vérité, poursuivit Kaëlle, approchant avec résolution.

Les miroirs volèrent en éclats, la clarté apparut graduellement. Triomphante, Kaëlle se tourna vers l’Ange. La tension s’accumula lorsque la sorcière s’avança. Blanchie par la terreur, Cherubielle saisit l’inéluctabilité de son sort.

— Attends ! s’exclama-t-elle, un frisson de crainte dans ses prières. Ce n’était qu’une épreuve !

Tandis qu’elle brandissait Rebelle, Kaëlle dessina un sourire sadique.

— Une épreuve ? C’est curieux maintenant que t’en parles, j’en ai une pour toi…

Une nuée obscures jaillit, crépitant avec une fureur primale. D’un noir profond mêlé de reflets rubis, elle se mit à tournoyer autour de la perdante, l’enveloppant d’un écrin incandescent. L’intense chaleur et le grondement de la fournaise remplirent l’espace, faisant vaciller l’atmosphère.

D’abord figée par l’horreur, la proie se tourmenta – ses cris se fondant dans le rugissement des flammes. Sa forme, autrefois angélique, se consuma sous l’assaut impitoyable du brasier. Puis, il se propagea à ses ailes qui se muèrent en lambeaux brûlés, et, fatalement, sa silhouette se désintégra, s’effritant jusqu’à ne laisser qu’un tas de cendres fumantes.

Stoïque, Kaëlle admira son œuvre. Les restes s’envolèrent, disparaissant dans le néant, dévoilant sa harpe, désormais sa propriété. Poursuivant son chemin, elle examina la Régalia ramassée - sa puissance s’avérait inférieure à Rebelle. Accaparée par ses conclusions, elle leva le nez... et réalisa qu’elle se tenait en face d’une ligne de séraphins. Un rire moqueur s’échappa de la sorcière, amusée à l’idée que même Dieu pensait prédire leurs stratégies.

« Le pauvre ! »

Dominante, sa baguette luisit, vibrante de réprimandes latentes. Elle la porta à sa gorge :

— Écoutez-moi bien, tonna-t-elle. Partez maintenant, ou succombez sous le feu de mon courroux !

Son avertissement annonçait le début d’une confrontation épique dans ce paradis bouleversé.

Bien que secoués par la situation, les séraphins se défendaient ferme, leurs lames d’un blanc immaculé brillant contre le voile sinistre de l’atmosphère. Imperturbable, Kaëlle ricana, son pied crayonnant dans le sable un sigil du cru de sa grand-mère. De ce sceau jaillirent des ménechmes, émanations de flammes ardentes et de colère, reflétant l’intensité brûlante de sa fureur.

— Regardez-vous, pauvres anges bientôt déchus ! Vous osez défier la Reine de l’Obscur. Vous n’êtes que des entités sans substance, prêtes à s’effondrer.

Alors, le combat éclata. Les clones, agiles et sauvages, fondirent sur les séraphins. Le son des armes s’entrechoquant créait une symphonie chaotique, une danse de célestine et de feu. Là où Kaëlles marchaientt, des traces de braises demeuraient, témoignant de sa présence implacable. Au cœur de cette tempête, les sorcière se mouvait tel des phénomènes de destruction massive, les épées tranchant à travers les défenses angéliques. Chaque coup porté résonnait de vivacité sans égale et démultipliée.

— Vous ne valez même pas l’effort d’une sueur.

Un assaillant fut repoussé d’une impulsion de talon au buste. Un second se prit un crochet du gauche avant d’être embroché.

— Pathétiques !

L’émergence du Seigneur de la caste des Puissances, symbole de sagesse et d’illumination, contrastait vivement avec la furie de Kaëlle. Drapées dans des reflets stellaires, ses ailes irradiaient les teintes de l’aube naissante. Tenant un grimoire sacré, il se dressait égal à une forteresse.

Raziel dévoila son recueil d’or, laissant apparaître des pages vierges qui s’ornèrent de glyphes. De son long ongle indexale de diamonite, il les reprodusit dans le vide. Les mots célestes tombèrent telle une mélodie :

Lux Aeterna !

Kaëlle, face à cet orbe éclatant, déchaîna son talent brut, libérant des flammes et des ombres de la pointe de Rebelle, ses psalmodies affectées de désir destructeur.

Les forces s’affrontèrent violemment, générant une onde de choc qui enveloppa le champ de bataille. Le firmament s’assombrit sous l’impact de leurs pouvoirs en conflit, quand les troupes étaient repoussées par la décharge. La sorcière résista avec acharnement. Ses ténèbres tentaient d’engloutir Raziel, créant un maelstrom de forces opposées. Les prêches de l’Ange résonnaient, désormais en compétition avec les incantations empreintes de rage de Kaëlle. Tandis que ses doubles semaient la discorde parmi les séraphins, le duel toucha son apogée, produisant des explosions, secouant le Premier Royaume. Dans un élan de témérité ultime, elle se drapa d’une vapeur ébène :

— Ai-yi-yi-yi-yi!

Son cri, porteur d’effroi, imposa un calme momentané au champ de bataille. Surpris, le Seigneur des Puissances fut submergé. Le sortilège accoustique, imprégné de sa haine, l’atteignit. Des flammes noires l’enveloppèrent avant de s’éteindre, ne laissant qu’un nuage de cendres. Triomphante, elle s’empara du Grimoire, emblème de sa victoire :

— Ta lumière s’achève, ange déchu.

Les séraphins, dans un effort désespéré, guerroyaient avec bravoure, bien que leurs armures sacrées fussent à présent déchirées, souillées d’argentiglobine.

Kaëlle, telle la furie, déferlait à travers les lignes ennemies. Une conflagration la précédait, balayant tout sur son passage.

Autour d’elle, les célestes tombaient, se désintégraient en étincelles. Leurs âmes s’envolaient vers les cieux, léguant dans leur sillage des filaments radieux, vestiges éphémères de leur existence et de leur chute tragique. D’un claquement de doigts, elle dissipa ses sosies et reprit son avancée.

L’absence de Séraphielle parmi les combattants lui pesait, mais elle poursuivit sans s’arrêter. Aux abords de l’île, où régnait le vide, elle fléchit les genoux et se propulsa vers les hauteurs avec vélocité, agrippant les rebords pierreux de l’atoll hébergeant le palais. Après un petit effort d’escalade, la sorcière parvient aux portes oubliées du palais, marquant à la fois la fin d’une épreuve et le début d’une nouvelle quête.

Devant cette entrée, envahie de lierres roses, elle tendit la main. Sous son influence, les plantes devinrent cendres volatiles. Un coup de pied ferme suffit pour ouvrir les battants, qui cèdèrent dans un grondement retentissant.

À l’intérieur, Gaïa, sous sa forme humaine, se défendait avec acharnement contre un flot incessant d’anges. Sa prestance imposait le respect, tranchant avec la mêlée confuse. Kaëlle, scrutant les environs, aperçut Nasëem et leur père arriver au loin, unis dans une solide alliance.

Au-delà, dans le ciel, les fracas des combats annonçaient une autre confrontation majeure. Aëgir, engagé dans son duel sans merci contre Michael, croisait le fer dans les airs.

L’entrée de la Sorcière dans l’arène marquait le début d’un nouveau chapitre de cette bataille. Leur victoire se jouait dans cet instant décisif. Chaque geste, chaque mouvement contribuait au tumulte des conflits célestes.

Au cœur du chaos d’Éden, Gaïa tenait fermement sa baguette. Elle invoquait la terre pour défendre et attaquer, formant des remparts de pierre et des lances qui jaillissaient du sol, embrochant ses ennemis avec une force brutale. Désormais à ses côtés, la Maîtresse du feu, virevoltait, ses mains lançant des geyser enflammé.

— Encore huit de moins ! s’exclama la sorcière.

— Je n’en attendais pas moins de toi ! la félicita la Pythie, tout en faisant surgir une barrière de ronces coulantes de poison pour parer une frappe aérienne.

Leur complicité brillait dans ce tumulte, un phare de fraternité dans la tourmente. Sur un différent pan du champ de bataille. Caïn, armé et implacable, affrontait une horde de séraphins. Chaque coup qu’il portait faisait écho à sa rage intérieure.

— Votre fin s’approche dans l’ombre de ma colère ! hurla-t-il, fauchant un céleste après l’autre.

Nasëem et Métatron, quant à eux, étaient engagés dans un duel de paroles, le Druide plaidant pour une trêve.

— Arrête ce massacre. Il y a un chemin vers le cessez-le-feu.

La réponse fut glaciale :

— Une paix ? Avec toi ? Impossible. 

Leur conversation fut brutalement interrompue par la chute dramatique de Michaël au travers du dome. L’Archange, transpercé par le trident, s’effondra, se désintégrant en une nuée de poussière dorée, sa lame glissant à terre.

Aëgir s’approcha, son calme trahissant à peine un soupçon de satisfaction. Il prit l’épée, la réduisant à une taille minuscule avant de la ranger dans sa poche.

— Encore un trophée pour ma collection, clama-t-il avec un sourire conquérant.

Les anges, témoins de la défaite de leur leader, abandonnèrent le combat, leurs armes tombant dans un bruit mat. Métatron, dans un ultime effort de bravade, lança :

— Alors, content de cette issue ? 

Sans un mot, le Druide exécuta un sort mortel. Le Scribe de Dieu s’écroula, son dernier souffle coupé net.

— Adieu, Métatron. Tu as joué et perdu, déclara Nasëem froidement, en se dirigeant vers l’antre divin.

Son allure affirmait le début d’un nouvel ordre. La bataille d’Éden s’achevait, non en une apothéose de victoire, mais dans un calme lourd de conséquences.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire limalh ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0