Chapitre 66 : L’Éveil du Diable Blanc
Le seigneur se crispa, une grimace d’angoisse indescriptible caricaturant son portrait. Ses yeux, naguère des puits de lumière dorée, s’obscurcirent, absorbant chaque éclat d’optimisme restant. Debout avec une dignité imperturbable face à ses ennemis, il laissa échapper un hurlement déchirant, d’une puissance telle qu’il résonna jusqu’en Enfer. Ce cri, chargé de désespoir et de fureur, ébranla les fondements mêmes de l’Eterna, provoquant sa dissolution progressive. Dans ce tumulte, la réalité se dénaturait, s’effaçant lentement pour laisser place au majestueux Palais Boréal, une vision d’une beauté glaciale émergeant de la brume de la transformation.
Des particules spirituelles oscillèrent dans l’air, luttant pour maintenir leur cohérence. L’instant d’après, le visage du Divin Maître s’était métamorphosé : sa peau, une fois douce et rosée, prit un aspect laiteux, translucide. Ses muscles se dessinèrent sous son cuir déformant sa silhouette en une forme plus imposante, plus menaçante, en somme gigantesque.
De son front éclatèrent deux cornes d’ivoire, grandissant en spirales pour percer le plafond de la chapelle. Elles étaient à la fois magnifiques et terrifiantes. Son auréole s’évanouit dans un brouillard d’argent, absorbée par la déchéance le saturant. Ses prunelles feignant la sagesse et la bonté laissèrent transparaître sa froideur alarmante, révélant la mentalité corrompue qui se cachait derrière ce masque trompeur.
Au sein de ce royaume, une mutation profonde de son essence se faisait ressentir. Le pouvoir qu’il possédait, une prétendue fontaine de bienveillance et de vitalité, avait subi une métamorphose sinistre. Gangrené par des puissances occultes, il se muait en un entrelacs complexe et ténébreux, imaginé pour pervertir avec une efficacité redoutable.
Un frisson, empreint d’une joie malsaine, parcourait son être. Cette réalité nouvelle ne constituait pas une perturbation passagère, mais un labyrinthe élaboré, un stratagème conçu spécifiquement pour exploiter sa force transfigurée. Devant cette prise de conscience, un sourire cruel se dessinait, témoignant de sa volonté accrue de dominer l’univers de sa présence sombre et altérée.
Dans une quiétude enveloppante, le seigneur accomplissait sa transformation. Près de lui, le Vampyr, absorbé par ce spectacle, percevait le poids d’une époque révolue, une charge ancestrale s’imposant avec une intensité renouvelée Caïn plus blême que nature recula devant ce Diable blanc, parsemer de cigils d’argent.
Son benjamin était devenu une incarnation de l’horreur, la déformation d’une légende. Ses cornes d’ivoire s’élevaient identiques aux tours d’une citadelle maudite, et son essence, autrefois rayonnante, sombra dans une obscurité que seuls leurs parents avaient éprouvée..
— Vois, la nouvelle ère que j’engendre. Ma vision transcende ce que tu peux comprendre.
Pourtant, Caïn ne vacilla pas. Un calme stoïque l’imprégnait, ce désespoir absolu et cette colère irrationnelle, il se souvenait les avoir expérimentées. Il se tourna vers ses enfants, lançant un échange porteur de toute la gravité de leur situation. Aëgir, Gaïa, Kaëlle et Nasëem resserrèrent leur emprise sur leurs Regalias.
— Ta vision n’est que corruption. Nous nous dresserons contre elle, quoi qu’il en coûte. Si tu choisis de devenir la Bête, alors tu seras traitée comme telle.
Un interlude trompeur de quiétude précédait l’assaut imminent. La tension montait graduellement, annonçant le conflit à l’horizon. La Bête, se nourrissant de cette atmosphère chargée, émit un rugissement qui aurait pu fendre des montagnes et assécher des océans. Catapultés avec une force brutale jusqu’aux limites de la salle, l’impact de leur chute marqua les murs d’éclats et le plancher de crevasses. Meurtris et blessés, le Quatuor se releva difficilement au milieu des ruines, examinaiet les environs.
— Quelle abomination est-ce là ? s’alarma Kaëlle.
— Tout va bien ? demanda la pythie, une tonalité rauque trahissant l’effet de la poussière, scrutant les alentours avec attention.
— Il faut agir vite, avant qu’il ne soit trop puissant, s’énerva Aëgir.
Nasëem, repéra son père émergeant en rampants d’un tas de décombres. Il activa son sceptre retrouvé parmi les gravats. Guidé par l’urgence, il souleva avec précision les débris, libérant la main, puis créa un bouclier autour de cette zone, procurant un refuge provisoire. Approchant, Gaïa canalisa son mana dans ses paumes, sondant avec soin l’étendue des blessures de son père.
— Une hémorragie interne, préoccupante et complexe, diagnostiqua-t-elle, la gravité pesant dans son expression.
Dans un effort commun, Aëgir, qui venait de remettre en place son épaule disloquée, fit signe à Kaëlle de joindre leurs pouvoirs. Ils dirigèrent leurs Régalia vers Caïn, le Mage orchestrant la fusion du feu et de l’eau dans un cocon régénérateur de son crut.
Alors que la menace se faisait plus pressante, Gaïa, ayant résorbé sa propre fracture, et le Druide, contusionné, mais résolu, franchirent le rempart. La bête s’approchait.
Dieu, dominant suprême d’autorités titanesques, éleva ses griffes, les abattants avec une frénésie sans précédent. Sous ses sabots, la terre se fragmenta, libérant des vagues sismiques. Entouré d’un nimbe de flammes laiteux, il lançait avec fureur des projectiles incandescents, pareil à des météores ardents. Au cœur de ce chaos, le duo exécutaient un ballet de survie. Ils s’élançaient, bondissaient, esquivant les assauts déchaînés avec une fluidité surréelle. Vibrant d’une force intérieure intense, la Pythie maniait sa baguette avec un zèle fervent. En réponse, un mur de boue jaillit du néant, créant une barrière brûlante, un rempart contre la pluie torrentielle. Dans cet interstice de calme, ils s’octroyèrent un bref moment de répit.
De par la psyché, les intrépides établirent un plan d’attaque, tandis que le bombardement continuait.
Protégé par sa sœur, il se tenait prêt. Dans sa paume transpirante, Renégat pulsait. Son vent, soutien à l’appel de la Pythie, se leva en Rafales furieuses, amplifiant sa présence imposante. Elle invoqua alors les esprits des défunts, victimes de Dieu, Sodomite, Gomorrites et Xandriens, tournoyant dans les bourrasques du Druide, encerclant la bête et drainant son pouvoir.
Dans le cœur tumultueux de la bataille, Nasëem, marqué par la concentration, murmurait une incantation. Ses lèvres bougeaient à peine, émettant des sons quasi imperceptibles, mais lourds d’influence. L’air vibrait, teinté d’un vert émeraude profond qui, peu à peu, se mêlait à des nuances d’ébène, créant une mosaïque. Cette harmonie d’éléments, jamais vue auparavant, prenait forme en une coque translucide, cristallisant lentement autour du Diable blanc, le confinant dans une geôle, un lieu hors du Continuum.
Sous leurs yeux, l’essence du Paradis se corrompait, se tordant en une séquence chaotique de pure malveillance, comme si le divin lui-même se réécrivait dans une langue maléfique. Le temps s’égrainait et bientôt la Terre rétablirait sa rotation, le rendant plus puissant de la ferveur des humains. Ils devaient conclure promptement.
Enfin le cocon de stase régénérant le Vampyr termina son œuvre. Rapidement remis sur ses pieds, Caïn s’équipa de son sceptre et enfila le Black Hood. Ils se repositionnèrent.
— Le moment est venu. Mes valeureux enfants, chacun sait ce qu’il doit faire. La bataille sera rude.
— Nous sommes parés, père. Pour l’équilibre du monde, clamèrent-ils.
En un éclair, l’Eterna reprit sa vigueur, galvanisée par la volonté indomptable de ses maîtres. Les cinq âmes se fondirent en un seul faisceau, convergent et inéluctable. Au moment même où la cinquième saison prit forme, le monstre fit voler en éclats sa prison. Prêt à lancer une attaque, il se retrouva cependant confiné de nouveau, captif dans ce domaine maudit.
Dans un univers où l’immaculée dominait, le Diable blanc scrutait les profondeurs inférieures.
Dieu ressentait une altération dans l’essence de son pouvoir. Chaque parcelle de sa vivacité aspirée, étirée par des forces inconnues, formant une toile subtile destinée à le dépouiller de sa puissance. En outre, sa masse imposante fut réduite de moitié, amoindrissant sa bestialité.
Un frisson parcourut son échine, sensation étrangère pour une entité d’une telle magnificence. Cette dimension se révélait être plus qu’une anomalie, une structure conçue spécifiquement pour le piéger et le siphonner. Cette prise de conscience aiguillonnait un impératif d’action immédiate, face à la menace imminente planant sur son règne absolu.
Dans l’espace autour d’Aëgir, Triton irradiait d’une intensité croissante. Sa prise ferme sur le minerai fit frémir l’artefact, égal à un rapace avant son envol. Aucune place pour le doute ou l’hésitation en lui ; sa décision était actée. Tourné vers son destin, une résolution inébranlable se degageait de sa posture. La mission primait : plus vaste que les liens du sang ou de l’affection, elle justifiait tous les sacrifices, même au prix d’une nouvelle blessure infligée au cœur de son père.
Harmonisant son souffle avec le murmure des profondeurs qu’il commandait, Aëgir leva Triton. Les runes sur la pierre s’activèrent, rayonnantes de puissance. Face à cette aberration, son objectif était clair : rétablir l’équilibre dans un cosmos désaxé. Confronté aux appels à la rédemption de Caïn, il opta pour la mise à mort.
Dieu, figure sauvage et déformée, perçut l’éclat de la Régalia prête à frapper. Un éclair de compréhension le traversa.
Il pointa Triton. Un flot azur en jaillit, se convertissant en un réseau de filament aqueux, enserrant le champion du Fondateur dans un filet inspiré des pecheur humain.
L’entité, naguère céleste, émit un rugissement étouffé par les abysses. L’affrontement culminait, un duel aux répercussions colossales. L’Éterna s’imbiba d’une nuance turquoise, se fondant avec le Mage de l’Obscur dans un effort commun pour maîtriser la rage déchaînée de la créature. Toutefois, dans un éclat de force brute, celle-ci déchira les liens aquatiques qui la retenaient.
La pression se lisait chez le Mage, ses veines frontales palpitaient.
— Gaïa ! cria-t-il, surpassant le fracas ambiant.
La Pythie activa son troisième œil, enveloppé par les éléments de ses frères.
Elle abaissa Sensuelle vers le marbre meurtri, éveillant une symphonie de la nature. De cette unification naquit un faisceau, mélange de rouge et de vert, s’élevant en spirales avant d’encercler Dieu. Lianes et feuilles émergeaient, formant une prison végétale. Eau et terre se combinaient, accroissant leur emprise. Le cachot se resserrait. Le captif, luttait. Peu à peu soon agitation s’estompa.
— Je me range à votre décision, capitula Caïn brandissant son sceptre et greffant son mana.
Maintenant en position de faiblesse, Dieu affrontait l’assaut élémentaire. Sa force immense peinait face à cette alliance. Résistant, il voyait Kaëlle et Nasëem ajouter leur essence à l’offensive. Un cataclysme de couleurs l’empaqueta, le noyant.
Consumé par la frappe, un cristal lumineux apparut sur son front, établissant un bouclier inattendu. Saisissant l’opportunité inespérée, Dieu inversa le cours de l’attaque, la redirigeant avec une précision implacable vers ses agresseurs. Submergés, ils se retrouvèrent enveloppés par les flammes furieuses qu’ils avaient eux-mêmes conjurées.
Dans le sillage du tumulte apaisé, un bouleversement transcendant se manifesta. Dieu, vaincu dans son ultime offensive, subissait une métamorphose radicale. Sa forme terrifiante, celle du Diable blanc, se dissipait progressivement, révélant l’archange qu’il fut jadis. Ses traits effroyables s’adoucirent, recouvrant la sérénité angélique de son enfance. Cependant, cette résurgence fut éphémère. Sa peau, symbole de grâce céleste, se desséchait rapidement, se momifiant sous le fardeau de ses fautes et de son échec.
Il gisait là, un vestige statique de la splendeur perdue, un écho de sa grandeur.
Dans cet instant de révérence muette, un maelstrom doré surgit, non pas pour emporter la Créatrice, mais pour marquer son entrée majestueuse sur ce théâtre de désolation. Elle se tenait là, imposante et mélancolique, contemplant l’archange déchu. Ses prunelles, chargé d’une tristesse profonde, parcourait la scène, absorbant toute l’ampleur de la tragédie.
Pourtant, elle ne le quitta pas. Au lieu de cela, Kelly Darck resta immobile, son aura illuminant la dévastation. Son rôle dans cette histoire était loin d’être terminé, et le prochain chapitre se consacrerait entièrement à elle, à ses desseins et à sa présence sur ce territoire bouleversé par le combat et la transformation.
En une évaporation progressive, Éterna, pilier de clarté, laissa place à la volonté de la Créatrice. Le Paradis, ballotté entre éclat et obscurité, frémit sous le fardeau de sa réalité fissurée. Emblème de majesté antérieure, Le Palais Boréal gisait en ruines, ses murs éventrés, ses fresques célestes dégradées.
Une exhalaison aigre de mort imprégnait l’espace, témoignage des conflits récents. Cette fragrance pénétrante se confrontait à l’aura de Kelly Darck. Avec une attitude visiblement agacée, elle expira une brise aromatisée, concoctée pour éliminer les senteurs de tristesse et de désolation.
Cette flaveur se composait de trois bouquets. Les notes de tête, piquantes et acidulées, rappelaient un vent chargé de mandarines, bergamotes, citrons, et limettes, contrastant avec l’odeur de ravage. Ces effluves légers et pétillants purifiaient l’air, apportant un répit à l’atmosphère alourdie. Au cœur, le jasmin sambac prévalait, diffusant un parfum floral, enveloppant et subtil, évoquant la persistance de beauté et de vie dans le chaos. Les notes de fond sensuelles reflétaient sa force féminine. Des accords de bois de Cashméran et d’ambre blanc s’entrelaçaient, laissant une empreinte durable et marquante.
Vêtus d’un tailleur pantalon beige haute couture, ses cheveux coiffés avec soin se maintenaient par des broches, réfléchissant les rayons du Pulsar. Un collier de pierres précieuses ceignait son cou, réverbérant sa richesse. Avançant avec assurance, le son de ses talons contre le marbre ébréché résonnait. Parvenue près du corps de Nasëem, écrasé sous une colonne effondrée, elle murmura tendrement :
— Ta vaillance fut remarquable. Trouve la sérénité, noble guerrier.
D’un battement de cils, elle souleva les débris, révélant un visage paisible, et une fiole parue, capturant l’esprit du Druide dans un tourbillon éthéré. Son ultime soupir se perdit dans l’atmosphère.
Se tournant vers Kaëlle, disloquée, elle formula sa gratitude :
— Ta résolution fut exceptionnelle. Que ton âme s’élève librement.
Elle délivra la sorcière de sa chair inerte d’un mouvement agile et envoya sa quintessence à travers un vortex. Devant Gaïa, étendue, avec une expression de défi en dépit de son trépas, Kelly marqua une pause, une touche de mélancolie la traversa :
— Ta splendeur perdurera. Repose-toi parmi les constellations.
Saisissant son scintillement de jade qui s’estompait, dans un adieu poignant, elle canalisa l’essence de la Pythie vers un flacon. Face à Aëgir, embrocher à une lance, elle laissa échapper un soupir.
— Ton courage demeurera éternel. Libère-toi de ces chaînes terrestres.
L’âme du Mage fut délicatement acheminée vers un contenant, qu’elle fourra également dans son sac à main sans fond, disposé avec précaution. Sa tâche achevée, elle s’approcha de Caïn luttant pour rester en vie. À sa hauteur, elle le contempla, analysant sa vaillance et les potentialités qu’il incarnait. Puis, de son index, surgit un éclat laiteux, enveloppant l’être en détresse – un voile porteur de guérison et de vigueur ressuscitée, repoussant la Mort qui rôdait. La Créatrice, vérifia l’effet de sa conjuration, puis, sans surprise, elle éprouva viscéralement se réenclencher les rouages du Vent de la destinée, signe précurseur d’un second tome.
Comme prévu, le tissu du réel se déchira, ouvrant une brèche qui zébra le panorama. En émergea le Fondateur, dissimulé sous les atours de Séraphielle. Un balayage de la zone suffit pour embrasser l’étendue des changements orchestrés. Un sourire fugace se dessina devant ce résultat qu’il considérait un chef-d’œuvre de stratégie.
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