Chapitre 69 : Les liens du sang
Alors qu’elle s’affairait à bannir la dépouille de Phoebus, réparant les dommages causés, un cri perçant interrompit soudainement la tache d’Andromède. Lynéxia, crispée, se recroquevillait, en gémissant de souffrance.
— À l’aide ! appela-t-elle, tremblante de frayeur.
Elle s’effondra, secouée par des spasmes violents. Alertée, la Première des Darck bondit à ses côtés, l’inquiétude peinte sur son front. L’abdomen de la Vampyr ondulait sous la pression du bébé, formant des empreintes effrayantes sur son épiderme translucide. Devant elle, son ventre s’épanouissait, offrant un spectacle à la fois captivant et préoccupant.
— Par les Anciens, que se passe-t-il ? s’enquit Nérisse, accourant, son teint pâle trahissant son angoisse.
Avant qu’elle ne puisse répondre, Lynéxia s’évanouit, s’abandonnant dans des bras sécurisants. Assurée, celle-ci effleura sa peau diaphane tendue qui fit craquer sa robe. Des flux émanaient de ses doigts :
— La fusion de son essence vampirique avec celle de Kaëlle..., murmura-t-elle... développe sa maternité de manière précipitée. Jamais je n’ai été témoin d’un tel phénomène.
Alarmée, Nérisse se manifesta immédiatement.
— Que devons-nous faire ? Est-elle en péril ?
Concentrée sur la gestante, Andromède hocha la tête.
— Une lutte se déroule en son sein. Sa nature éternelle résiste à l’émergence de la nouvelle vie. Stabiliser son état est impératif. Le temps presse.
La Khalarienne, animée d’une profonde empathie, agissait avec élégance, traçant des courbes dans l’air, tissant rapidement un lit confortable. Cette création, à la fois souple et solide, se fondait harmonieusement avec la verdure luxuriante et les fleurs alentour.
Nérisse, attentive et protectrice, veillait sur sa compagne. Ses gestes précis rassemblaient l’humidité ambiante. Elle la faisait s’échapper des draps pour soulager la souffrante. Autour de ses mains, de petites gouttes d’eau, captivées par une force invisible, formaient une brume avant de s’évanouir, laissant une sensation de fraîcheur. Les contractions envahissaient la jeune femme, égales à des vagues furieuses et incessantes, ébranlant son être, tout entier. À chaque poussée, son corps se tendait, dessinant des arcs de douleur. Son souffle devenait court et précipité, illustrant une épreuve incommensurable. À son chevet, la figure de sérénité incarnée par l’épouse d’Aëgir se penchait avec bienveillance :
— Tu as la capacité d’encaisser. Aspire profondément.
Ses paroles, telles des caresses, enveloppaient la souffrante insufflant une tranquillité au cœur de la tourmente. Respirant lentement, elle tentait de se synchroniser avec le ton apaisant de sa protectrice. De l’autre côté, Andromède se tenait, se remodelant quasi l’espace. Sa présence était un pilier d’autorité ; son assurance, une source d’inspiration. Elle s’exprimait avec une certitude réconfortante :
— La nature est avec toi. Sens sa puissance, laisse la t’aider.
Sous son influence, le solarium s’animait : les plantes environnantes s’agitaient doucement. Les feuilles ondulaient, et l’atmosphère se chargeait d’une vitalité tangible, convergeant vers la Druidesse, lui offrant la force de la terre et la résilience du monde végétal. La souffrante, épuisée, mais résolue, luttait pour donner naissance. Malgré son courage, l’enfant demeurait inaccessible. Son front perlait de sueur, son soupir saccadé révélait l’intensité de son combat.
Leurs expressions, sérieuses et concentrées, reflétaient une préoccupation grandissante. Le diagnostic était inquiétant : un bébé mal positionné compliquait l’accouchement. Canalisant un souffle, Nérisse dirigea une énergie curative. À ses côtés, l’ancêtre, par des incantations psychiques, tentait d’éradiquer les restants de ténèbres l’imbibant.
Brusquement, un grondement annonça l’arrivée d’un maelstrom. Des scintillements évoluèrent en un vortex éclatant de topaze. Lyana Darck apparut, ses cheveux polaires tombant en ondes fluides. Ses prunelles azur brillaient. Elle portait une robe ivoire élégante, richement ornée, complétée par une couronne incrustée de pierres précieuses. Elle tenait un sceptre blanc, rehaussé d’un serpent sculpté serti de lapilazullis en guise d’iris, achevait son allure.
— Je suis venue pour guider ton âme et ton corps dans cette épreuve, déclara-t-elle avec autorité.
Stupéfaite de voir la Matriarche de son clan de chair et d’os, elle lança :
— Andromède, darling ! Ton retour est tellement... inattendu.
Avec un sourire tranquille, cette dernière répliqua :
— Les flammes du phœnix et tout le tralala, la routine, quoi !
Lyana s’approcha, l’enveloppant dans une étreinte chaleureuse. Leurs rires et exclamations emplissaient le solarium, reflétant l’affection profonde et la connivence qu’elles partageaient :
— Laisse-moi t’assister dans ce rituel.
Cependant, l’enchanteresse secoua doucement la tête :
— Les ordres de Kelly sont clairs. Je dois procéder seule. Elle craint l’interférence des forces extérieures dans cet événement crucial.
— Je comprends. Sache que mon esprit et mon cœur sont avec toi.
— Merci.
Dans ces instants, elles échangèrent une œillade complice, avant que la souveraine ne se concentre sur son devoir sacré.
Les rayons de Mars, se mêlant aux éclats des gemmes incrustées dans les murs, filtraient à travers les vitraux. Avec une assurance tranquille, elle explora la pièce, s’approchant d’une table antique où reposaient des cristaux multicolores. Elle choisit avec soin.
Après les avoir disposés autour du lit, elle leva son sceptre vers le ciel nocturne, éclairé à travers le dôme. Une aura bleue entoura les yeux du serpent, mirant au gré de ses incantations. Elle appliqua ensuite l’élixir luminescent sur les lèvres de la Vampyr, accompagné d’une formule protectrice.
— Que l’enchantement commence, clama-t-elle sereine, entonnant des paroles sacrées.
Les karistaux pulsèrent en harmonie avec le cœur immortel de la Druidesse, dont les iris carmin étincelaient sous l’influence du mana.
Le lit, désormais métamorphosé en autel cérémonial d’onyx par le pouvoir de Lyana, Lynéxia sentait la douleur s’estomper. La pierre noire montait doucement, formant une plateforme.
Les prunelles de la jeune femme, brillant tel des rubis, rayonnaient. Lyana manœuvrant son sceptre entama une psalmodie envoûtante. De ses orbites précieuses jaillirent des spirales cérulescentes, enrobant sa patiente d’une bulle. Les joyaux resplendirent avec une intensité accrue. S’élevant au-dessus de la sainte table, un hologramme en 3D montrait un fœtus en position siège, corroborant les suppositions antérieures. Lyana examinait l’image tridimensionnelle avec attention, ajustant les projections pour assurer de ne pas transposer d’organe.
— بقوة الأجداد، ليأت هذا الطفل إلى العالم, prononça-t-elle solennellement.
La litanie , souffle d’un lointain passé, résonna sur les parois cristallines.
Dans son étreinte berçante, un nourrisson se révélait, illuminé par le halo de Mars. Cette lueur imprégnait les tentures, faisant de l’enfant un astre de vitalité scintillante.
Nérisse, captivée, observait la métamorphose progressive du bébé. Une grâce effleura ses traits, les modelant dans une fusion onirique et réelle. Dans un instant de pur émerveillement, la réincarnation de Kaëlle se matérialisa. Telle une vision se concrétisant, son corps s’anima d’une vigueur bouillonnante.
— Huuu, huuu, aaaa, aaaa…, Huuu, huuu, aaaa, aaaa…, Huuu, huuu, aaaa, aaaa…,
Elle s’embrasa succinctement, invoquant un phénix de fumée rubis qui s’éleva, se dispersa, offrant un tableau éphémère, fascinant. Avec une douceur infinie, la souveraine plaça Estrella dans les bras de sa maman :
— Voici ton trésor.
Un éclat de joie inaltérable illumina Lynéxia tandis qu’elle berçait sa fille. L’Impératrice, emplie de satisfaction, s’éloigna. Sanctifié par des forces anciennes, le bureau de Nasëem se métamorphosa en un temple dédié à un amour éternel, célébrant la naissance dans un monde tissé de magie et de mystères. Nérisse, captivée par ce tableau, veillait discrètement, mais avec attention sur la sécurité de la mère et de l’enfant. Postée à distance, son expression mêlait sagacité et curiosité, absorbant l’essence de chaque moment de cette cérémonie solennelle. Alors que le bébé poussait son premier pleure Lynéxia, sentant sa vigueur s’effriter, l’étreignit :
— Estrella... mon éclat, mon espoir.
À cet instant, Nérisse, illuminée d’une compréhension profonde, se rapprocha.
— Ce moment..., c’est un engagement envers le destin, n’est-ce pas ? souffla-t-elle.
— Estrella forge un pont entre notre présent et un futur encore voilé, mais de bon augure.
Alors que Lyana berçait sa progéniture, un pacte d’amour se nouait. Tous dans la pièce percevaient la signification de cet acte, un témoignage de confiance et de tendresse, annonçant un avenir où Estrella bénéficierait de protection et de conseils avisés. Puis, se tournant vers sa compagne, un partage chaleureux d’étreinte scellait un lien indestructible, fruit d’une amitié ancestrale.
— Merci d’être ici, chuchota-t-elle, remplie de gratitude et d’affection.
Évoluant vers Nérisse avec un sourire authentique, elle présagea :
— Ta puissance est un bijou. Sous peu, nous nous retrouverons autour d’un thé pour des échanges profonds. Nous explorerons les perspectives de ton existence.
Suite à ces paroles, la souveraine fit appel aux forces anciennes. Un vortex se forma. Avançant avec élégance, elle s’y engouffra.
Alors que le sablier prenait une teinte rouge, l’attention s’y concentra. Lynéxia, fixé sur le décompte, chuchota :
— Chaque grain, un instant de notre destin suspendu...
Les autres, absorbées par la gravité du moment, contemplaient silencieusement la scène. L’Impératrice, empreinte de grandiloquence, ajouta :
— Et à chaque battement du temps, le monde retenait son souffle...
Le calme extérieur contrastait avec l’urgence intérieure. L’ultime particule s’apprêtait à tomber. Andromède, le visage tendu par l’émotion, murmura :
— Voilà... le dernier bruissement avant le réveil.
Le granule chuta, à peine audible, mais porteur de sens. Une légère vibration parcourut le lieu, un frémissement imperceptible, mais riche de significations.
— La Terre respire à nouveau.
Un phonème strident, rappelant le craquement d’un lac gelé se brisant, interrompit la tranquillité. L’environnement immédiat se comprima avant de se déchirer brusquement, créant une faille entre les Royaumes. Une obscurité dense et troublante en jaillit.
Caïn émergea. Dans son sillage, des pierres précieuses, de bonnes tailles, flottaient. Leur arrivée, bien que soudaine, revêtait une élégance surprenante. La clarté entourant la vampiresse se confrontait à l’opacité issue de la brèche, concevant une scène irréelle.
Lynéxia resta figée, absorbée par le nouveau Dieu. Sa démarche se suspendit – Nasëem gisait, inanimé, ceint d’un cercueil de Diamonite. La vue de son père sans vie la frappa à la manière d’un coup de poing, qu’elle encaissa sans plier. Une douleur intense la submergea, des pleurs spontanés inondèrent ses joues, mais rien de plus.
À ses côtés, Nérisse joignit sa tristesse. L’effleurement de ses doigts trahissait sa détresse contenue de la perte d’Aëgir. Pour la Druidesse, son souvenir enserrait son cœur de mélancolie. Des images de joie – rires partagés, combats épaule contre épaule, moments de paix dans le tumulte – refaisaient surface, évoquant une époque révolue. En retrait, Caïn, absorbé dans sa réserve, enveloppait l’espace de son deuil.
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