Chapitre 70 : La Quête de Caïn

9 minutes de lecture

Sur la face cachée de la lune, où aucune aube ne venait adoucir la noirceur, le manoir de Diamonite s’élevait majestueusement. Caïn, debout sur le parvis, aspirait l’air raréfié, ses pensées errant vers des réminiscences terrestres. Nérisse, plonger dans ses réflexions le rejoignit.

Dans ce silence sélène, jugulant son deuil, elle brisa le calme :

— Te souviens-tu des couchers de soleil ? Ici, la splendeur d’Avalon ne peut les remplacer.

— L’éclat du crépuscule me manque souvent.

Ils se mirent en marche, enveloppés d’un mutisme pesant, tissé de respect et de soutien. Inquiète pour son beau-père, l’Imperatrice demanda :

— Crois-tu vraiment y dénicher une solution ?

Il laissa transparaître une résolution indomptable, et affirma avec une douceur teintée de fermeté :

— Je suis contraint de le tenter. Tant de choses m’ont été arrachées, je dois au moins chercher.

Au moment où leur trajet se scinda, Nérisse chemina vers la termitière de Jade, sa démarche trahissant une assurance contenue, signe de son empressement à retrouver l’Atlantide.

De son côté, Caïn avançait vers l’arche de la plaine chromatique. À son approche, les runes antiques incrustées dans l’édifice s’éveillèrent, vibrant au rythme de sa progression. Sa silhouette esseulée personnifiait la mélancolie – miroir de ses épreuves passées et de l’espoir qu’il nourrissait dans sa quête. Et alors, sans qu’il l’ait sollicité, l’horizon des évènements se concrétisa – prestement, il traversa.

En émergeant de l’arcade, le Vampyr se tenait au milieu d’un étang incandescent. Sa façade, fraîche et limpide, glissait sous son poids, dessinant des ondulations vers la terre ferme. Les reflets d’Hélios, tamisés par la canopée, dansaient sur la surface aqueuse. La rive se bordait d’une végétation touffue et colorée. Des palmiers s’élançaient vers le ciel, entouré de fleurs exotiques aux teintes éclatantes, les mélodies des oiseaux perçaient la quiétude, accompagnées par le léger clapotis de l’eau.

— Ëlara, ta perte est une étreinte glacée autour de mon cœur, grommela-t-il, ses paroles se fondant dans le vent.

Lorsque Caïn quitta l’oasis pour s’aventurer dans la forêt, une vibration de mana saturait l’endroit. Ses foulées sur la mousse dense provoquaient une résonance avec l’environnement. Les arbres, majestueux et imposants, murmuraient à son approche, pour accueillir sa présence. Autour, les lierres et les fougères se mouvaient, reflétant l’essence vivace de Brocéliande.

Il s’arrêta un instant, fermant les paupières pour mieux s’imprégner de cette force. Sous ses pieds, il percevait les pulsations du sous-sol, un rythme ancien et puissant. Il ouvrit les mains, les paumes dirigées vers l’humus, captant l’énergie des lignes telluriques. Une vague de chaleur parcourut son être. En harmonie avec ces manifestations, il comprit que l’existence des anges déchus sur Terre nourrissait ces veines, amplifiant leur influence. Lorsqu’il releva les yeux, des lucioles émergerent, leur ballet lumineux ajoutant à l’enchantement de la forêt.

Alors que Caïn se rapprochait de sa destination, son attention se porta instinctivement vers la lune, énigmatique et ronde. Son rayonnement enveloppait la lisière et le dolmen, faisant scintiller les symboles séculaires. Immobilisé, il se laissa captiver par Sélène.

L’étonnement le gagnait alors qu’il réalisait qu’il se tenait, juste un instant plus tôt, sur cet astre, hors d’atteinte pour tant d’âmes. Cette révélation élargit soudainement les frontières de sa perception. Si un pareil périple fut possible, les limites de ses propres capacités s’estompaient, ouvrant la voie à un éventail de perspectives sans fin.

Ce moment de lucidité affermissait sa résolution. Dieu le Père saisit que les lois universelles, telles qu’il les avait toujours comprises, étaient malléables, voire transgressables. Il apposa ses mains sur la pierre. Un halo d’argent en sortit, l’emmitouflant complètement, puis l’aspira.

Lorsqu’il se matérialisa dans le temple de la Créatrice, il fut enveloppé par une atmosphère emplie de solennité. Les torches flottantes, dispersant une lumière douce et rassurante, dévoilaient son œuvre d’antan – des fresques et des sculptures sacrées à la gloire des Darck. Ne souhaitant pas s’attarder plus que nécessaire, s’inspirant d’Aëgir, Caïn invoqua un puits d’ombres, l’entraînant près de l’hacienda, scène de nombreux souvenirs marquants. Les portes s’ouvrirent sans intervention à son entrée, la maison le saluait. L’intérieur était saturé des senteurs de vieux livres et de cire, évoquant un sentiment de confort et de nostalgie.

Ses pas le guidant à travers les couloirs, le son de ses bottes sur le plancher de bois échoyait dans la quiétude de la demeure. Chaque enjambée alourdissait son cœur, lui rappelant sans cesse le but de sa quête. Arrivé à la bibliothèque, il trouvait l’holobibliothécaire, dont l’expression mêlait étonnement et tristesse, un reflet muet de la compréhension du fardeau du deuil.

— La perte du Mage pèse sur nous tous. Cherches-tu ses secrets ?

Debout dans la vaste collection d’ouvrages, le Vampyr fixait cette surprenante entité avec une intensité brûlante :

— J’ai besoin d’un moyen de réparer ce qui a été brisé. Les secrets de mon fils peuvent-ils sauver sa mère ?

Pendant qu’il se parlait, un livre ancien, revêtu de cuir, glissa hors d’un des innombrables rayonnages, s’ouvrant de lui-même à une page spécifique. Caïn le frôla, ses prunelles s’élargissant à la lecture des mots qui, enfin, apportait une réponse tant désirée.

Sans une seconde à perdre, il sortit précipitamment de la bibliothèque. Les couloirs de l’hacienda défilaient sous ses pas, chaque enjambée le rapprochant de leur chambre à coucher. Arrivé à l’étage, il propulsa brusquement la porte, son cœur battant la chamade. Face à l’armoire d’Ëlara, une pause fut nécéssaire pour retrouver son souffle. lentement les vantaux en bois sculpté écartés, dévoilant un écrin en or. Tremblant, il s’en empara et l’ouvrit pour révéler l’Œil de Ptah, un joyau aux reflets hypnotiques, jadis dérobé à Memphis. Un frémissement d’incrédulité lui échappa.

— Le salut était là, à notre portée, depuis des siècles, murmura-t-il, mêlant gratitude et rancœur envers la Créatrice dans ses pensées.

Glacé et massif, il palpitait d’une énergie Xandrienne. Une fois de plus, un puits d’ombre se matérialisa, le faisant émerger au sein du temple.

Les runes gravées à la surface du Monolithe s’illuminèrent avant de se dissoudre en une pluie d’étincelles. Caïn se laissa emporter par cette mutation, se fragmentant en une multitude de particules scintillantes.

À sa molécularisation, s’inspirant du vent de Nasëem, le Vampyr fusa, slaloma entre les arbres jusqu’à l’oasis. Il se précipita à travers l’arche, et, à sa sortie, les plantes lunaires aux formes étranges et aux couleurs irréelles s’animèrent, ondulant dans son sillage. Son bonheur en demi-teinte était tel que l’herbe chromatique vira au vert, incapable d’exprimer pleinement sa joie ou son malheur.

Sans hésiter, il transforma sa Régalia en une plateforme d’obsidienne, filant à travers Avalon. Au loin, le palais de rubis se dessinait à l’horizon, une silhouette majestueuse émergeant des plaines volcaniques. Sur sa plateforme, il sauta en marche avec agilité. L’obsidienne redevint son sceptre, se réduisant pour s’incruster sur son avant-bras, tel un tatouage cabalistique. Des motifs complexes et sombres se déployèrent sur son épiderme.

Caïn franchit le pont-levis rougeoyant qui enjambait un torrent de magma en fusion. Ensuite, il pénétra dans la demeure de sa fille, qui avait été désertée par ses sujets, tous accourus chez Nasëem dans l’espoir d’obtenir des nouvelles des combattants. La mort de Phoebus n’arrangeait rien.

Dans une salle dissimulée, à l’abri des regards, le corps d’Ëlara reposait enveloppé dans un cocon chakratique laiteux. Des fleurs aux parfums enivrants étaient disposées autour d’elle, composant un cercle de couleurs vives en contraste avec la pâleur de sa peau foncée.

Empreint d’émotion, sa psyché se connecta à celle de sa dulcinée. Une réponse faible, mais perceptible émana de son être endormi.

— Je suis là, mon aimée. Je te ramène à la vie, souffla-t-il.

Avec une infinie douceur, le collier fut passer autour du cou d’Ëlara, sentant sa froideur sous ses doigts. Un contact délicat, marqué d’une profonde affection. Un toucher de mana sur son cœur :

Par les flammes de l’ancienne terre, que l’esprit se lie à la chair.

Les murs résonnèrent en écho, amplifiant le pouvoir qui s’épanouissait. Le spectre se détacha de la bâtisse. Caïn observait chaque mouvement de l’essence qui n’était ni tout à fait réelle ni tout à fait immatérielle. Attirée par une force invisible, lentement, elle se rapprocha de son enveloppe charnelle. Leurs contours se fondirent, s’entrelaçant dans une danse gracieuse et intime. Dans ce moment de fusion, le collier orné de l’œil de Ptah pulsa. Les battements de leur cœur, de nouveau synchronisés, remplissant la pièce d’une mélodie d’amour retrouvé. Lorsque leurs esprits se lièrent, ses prunelles se dévoilèrent, tel un doux souffle de vie. Leurs bouches se rencontrèrent, scellant leur union renouvelée.

— Nous avons encore tant à vivre, Ëlara, susurra-t-il, porteur d’une promesse d’avenir et de rêves partagés.

Caïn l’enlaça – une étreinte empreinte de tant d’émotions non exprimées. Soudain, tel un éclair aveuglant, le décor différa. Ils se retrouvèrent instantanément transportés dans la salle secrète de Nasëem, située au sein du manoir de Diamonite. L’air était imprégné d’une odeur de brûlé et de tristesse, créant une atmosphère suffocante.

Le lien profond de leur âme permit à sa femme de percevoir le changement. Ses yeux s’élargirent, reflétant un mélange de chocs et de réalisation.

— Tu es... Dieu, maintenant ? maugréa-t-elle.

Caïn acquiesça, empli d’une douleur endiguée. Mais alors, l’attention d’Ëlara fut captée par quelque chose d’inattendu. Elle remarqua les pierres précieuses qui flottaient à la verticale dans la pièce. C’était un spectacle éblouissant, un phénomène qui transcendait la réalité. Elle crut d’abord rêver, mais la beauté de ces gemmes suspendues était tangible. Son esprit se brisa. Une vague de chagrin et de fureur déferla, et elle ne put retenir son sanglot déchirant, un cri de mère endeuillée qui résonna jusqu’aux tréfonds d’Avalon, provoquant même une secousse à la lune. Son cœur, autrefois figé dans la mort, battait à présent avec une tristesse insoutenable.

Elle, d’une colère incandescente, se tenait face à lui :

— La Créatrice nous assure leur résurrection, souligna-t-il, teintée d’un calme divin.

Dame nature, submergée, explosa :

— Ne tente pas de m’apaiser avec tes justifications débiles. J’ai le droit de pleurer nos enfants, Caïn ! Les promesses de Kelly ne peuvent pas remplir le vide qu’ils ont laissé ! hurla-t-elle, brisée par le désespoir.

— Ëlara, je…

Elle le repoussa avec une force surhumaine, ses yeux étincelants reflétant un abîme de souffrance.

— Nos filles ! Nos fils ! s’époumona-t-elle, écorchée par le désarroi. Ces prophéties ne ramèneront pas nos petits ! Tu aurais dû les sauver ! C’était ton devoir ! interrompit-elle, les larmes mêlées à son ire.

Il ne dit rien, comprenant son émotion. Elle libéra son mana, le manoir tressaillit. Les objets alentour planèrent sous l’effet de sa fureur. Des vagues de haine en émanaient, disloquant les vitres, faisant voler les meubles, déchaînant sa rage sur l’environnement inerte.

— Tu as failli, Caïn ! Tu as failli à ta tâche la plus sacrée !

Ses mots étaient des lames tranchantes, coupant avec une virulence dévastatrice.

— Comment peux-tu rester si calme ? Comment peux-tu accepter cela si facilement ? cria-t-elle, le défiant de ressentir sa peine.

Ses pouvoirs, incontrôlables, manifestaient physiquement son tourment intérieur. Les murs du manoir craquaient sous la pression.

— Même Dieu ne peut pas réparer ce que nous avons perdu ! Elle pleura, des larmes d’indignation et de douleur mêlées.

C’est dans cet ouragan de désespoir qu’entra Lynéxia, Estrella dans ses bras. La pièce, naguère un théâtre de rage, tomba dans un silence pesant. Elle avança prudemment pleine de compassion.

— Ëlara, voici Estrella.

— Estrella...

Elle s’approcha lentement, les yeux fixés sur le minois serein de la bambine. Elle y décela l’essence de Kaëlle, une connexion inexplicable qui transcendait la logique.

Submergée par cette révélation, Dame Nature étendit ses bras pour prendre l’enfant. En enveloppant Estrella dans une étreinte affectueuse.

Au mépris de la tragédie incommensurable qu’ils vivaient, un sentiment de paix s’installa doucement. Et, de nouveau enlacés, observèrent leurs petites-filles avec une profonde émotion. Estrella était devenue un symbole d’espoir et de continuité, une lumière dans l’obscurité de leur deuil. Dans le silence de ce moment, ils comprirent que, malgré les épreuves, la vie offrait encore des instants de bonheur pur.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire limalh ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0