Chapitre 25 - Pia

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☼ Chapitre 25 - Pia ☼

Les larmes inondent mes joues dès que je referme la porte de la résidence derrière moi. Quelque chose brûle au fond de mon ventre, à mi-chemin entre les pulsions de désir qui nous ont animés ce soir et la déception d’avoir découvert ce secret, d’avoir été mise de côté. Encore. Toute ma vie, cette impression d’avoir été de trop m’a suivie. Plus jeune, je ne trouvais pas ma place entre les bandes de copines, à jamais coincée entre les intellos et les filles populaires, ni trop à l’aise avec les unes, ni jamais bien acceptée par les autres. Et si je pensais avoir trouvé une seconde famille aux côtés de mes trois meilleurs amis, alors il faut croire que je ne suis pas au courant de tout. De toute évidence, Zoé sait quelque chose, et elle ne m’en a pas fait part. Quand je pense qu’elle me détaille jusqu’au contenu de ses repas…

Je soupire en essuyant mes larmes, figée au milieu de la route qui longe l’immeuble. Le sentiment de plénitude qui m’habitait il y a encore quelques minutes n’est plus, et j’ignore ce qui m’a poussée à quitter l’appartement de Zek. Le sms envoyé par Zoé, bien sûr, et ce besoin de découvrir ce qu’il cachait. Mais… J’étais si bien. J’aurais pu l’écouter lui, entendre ses explications sans jamais douter de sa parole. Je serais restée sur son lit, blottie entre ses bras et ses jolis coussins, et rien d’autre n’aurait compté. Mais je dois l’entendre de Zoé. C’est plus fort que moi, et ça n’attendra pas le matin.

Je maudis mes sandales compensées qui me cisaillent les talons, c’est certainement pour ça que je ne les mets jamais. Évidemment, je me retrouve à devoir traverser le village avec, en pleine nuit. Zoé m’en voudra-t-elle si je débarque chez elle à une heure du matin ? Peut-être. Mais au point où j’en suis, je préfère la réveiller et comprendre ce à quoi elle faisait allusion dans son message, plutôt que d’aller me coucher le cœur serré et l’estomac noué.

Sur le chemin, je frissonne en sentant la légère fraîcheur qu’a apportée la nuit, et je me rappelle ainsi que ma tenue couvre une étendue de peau… réduite. Aussitôt, je repense aux mains de Zek sur mon corps, à nos baisers enfiévrés et… Putain, je ne suis pas restée assez longtemps dans la salle de bains, mais je suis presque sûre d’avoir un suçon dans le cou. Il n’y a pas que moi qui suis restée sur la fréquence du lycée, on dirait.

En arrivant devant la porte de la tiny house, j’inspire longuement. Au moment où je m’apprête à toquer, j’observe une faible lumière qui semble percer à travers les rideaux. Si je ne la réveille pas, c’est déjà pas mal. Je ne me fais pas trop d’illusions, Zoé trouvera bien autre chose à me dire, vu l’état dans lequel je débarque chez elle à l’improviste. La porte s’ouvre, dévoilant une Zoé fatiguée mais encore toute habillée. Elle hausse les sourcils, l’air surpris.

— Pia ? Qu’est-ce que… Tu as pleuré ? Pourquoi t’es habillée comme ça ?

Je mordille ma lèvre inférieure et essuie mes paupières d’un revers de la main. Zoé voit tout. Ça a ses avantages… et ses inconvénients. Si j’aimerais lui cacher d’où j’arrive, n’ayant pas franchement envie qu’elle émette de jugement sur la soirée que je viens de passer, je ne suis pas sûre d’en avoir le choix si je veux obtenir des réponses à mes questions.

— Ça va, t’en fais pas. Je… Écoute, faut que je sache. Qu’est-ce que ça veut dire, “si tu ne lui dis pas, je vais devoir le faire” ? Parce que Zoé, j’ai pas envie de mener l’enquête, là. T’es ma meilleure amie, et je comprends pas pourquoi je sais tout de toi et de ta vie, sauf ce truc, qui a l’air quand même beaucoup plus important que ce que t’as mangé la semaine dernière pendant ton date Tinder.

Zoé blêmit, et le petit sourire espiègle qui ne quitte jamais ses lèvres s’estompe nettement. Il disparaît même carrément, et je me demande si je l’ai déjà vue si sérieuse.

— Ok, d’où la petite robe blanche et les cheveux en bataille, souffle-t-elle.

Oups. Je ne m’excuserai pas d’avoir passé la soirée la plus intense de ma vie sur bien des aspects, mais sa voix est teintée de reproches, et l’avis de Zoé compte pour moi. Seulement, je n’ai aucune idée de la source de ses réticences… Je croise les bras devant ma poitrine, l’air résigné, en attendant ma réponse.

— Très bien. Je veux tout savoir de cette soirée, Pi, ne va pas croire que ça ne m’intéresse pas.

J’ouvre de grands yeux, hébétée.

— Je croyais que ça ne t’allait pas du tout, articulé-je, complètement abasourdie.

Zoé hausse les épaules, et me voilà tout à fait confuse.

— Bien sûr que si. Putain, Pia, je vous regarde grandir depuis dix ans, ça allait forcément arriver au bout d’un moment.

Je me sens soudainement si soulagée que mes épaules se détendent instantanément. Ce n’est qu’une partie de la réponse, mais elle est si importante à mes yeux. Toutefois… Il manque encore quelque chose.

— Alors… Pourquoi ?

Mon ton inquiet suffit, je n’ai pas besoin d’en rajouter pour qu’elle sache de quoi je parle. Et puis, je ne sais toujours pas ce que signifient les mots qu’elle a envoyés à Zek. Si lui non plus paraissait ne pas être au courant, alors, de quoi s’agit-il ?

— Viens, on va se poser sur les marches.

Le petit escalier qui mène à la tiny house en a vu passer, des discussions, sous le ciel étoilé et dans l’air chaud de nos étés. Des éclats de rire, quelques pleurs, aussi. Je ne suis pas sûre de vouloir savoir comment celle-ci va se terminer, au moment où Zoé sort une cigarette et un briquet depuis le petit tiroir de son meuble d’entrée. Ça n’augure rien de bon.

— J’aurais préféré que ce soit Zek qui t’en parle, mais je suis pas sûre que tu repartes sans connaître toute l’histoire, maintenant, murmure-t-elle.

La fumée s’épaissit autour de nous, et je n’ose rien dire. Quoique je doive savoir, c’est maintenant à Zoé de me le livrer.

— Je vais commencer par balancer le pire, Pi, m’en veux pas, mais c’est que j’arriverais pas à te raconter le reste si je te dis pas ça en premier…

Elle est méconnaissable. Où est passée ma meilleure amie, à l’aise en toutes circonstances, franche et trop pleine d’assurance ? J’ai l’impression qu’elle ne sait plus où se mettre, et entre ça et sa troisième clope de l’année qui se consume sous mes yeux, celles qu’elle ne fume qu’en cas de stress intense et avéré, je commence à flipper.

— Raconte, grommelé-je sans parvenir à formuler une réponse plus complète.

— Jules n’a jamais eu l’intention de te quitter.

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