J'essaie de me dégager, mais rien n'y fait. Le lieutenant Delgado pèse un peu plus de 90 kilos. Sa barbe naissante qui commence à piquer, me chatouille le sein. Il dort comme un bébé, blottit contre ma chair. Son torse musclé , se soulève à chacune de ses inspirations. J'aurais presque envie de remettre le couvert, mais après la nuit torride que nous venons de passer, je me dis que ce n'est vraiment pas raisonnable..

J'arrive enfin a m'extirper du lit, et file sous la douche. J'aperçois, dans le coin de la salle de bain, le panier de linge qui déborde, et me dis que la femme de ménage va devoir faire des heures supp' à ce rythme là.

_ De Valentin, ramène toi ! il grogne de plaisir mais je ne fais cas de rien. Si je retourne auprès de lui je suis foutue..

L'eau brûlante ruisselle sur mon corps. La salle de bain est noyée dans la vapeur. La mousse du gel douche à la noix de coco embaume la pièce, je m'abandonne contre les jets massant de la balnéothérapie.

_ Eli bouge toi ! Caradec vient d'appeler , il nous attends !

Je soupire, je flaire déjà l’affaire merdique dès 9h du matin. J'appuie sur le bouton off de la douche et attrape ma serviette. Delgado m'observe.

_ Cette nuit c’était incroyable Elisa

Je lui fais mon plus beau sourire.

_ Faut dire que j'ai un partenaire plutôt doué..

Un ange passe, et nous songeons à nos ébats, à cette attitude complètement libérée que nous avons l'un envers l'autre. Aucune restriction, aucune retenue, un plan cul parfait, sans obligation de se passer la bague au doigts .. Que demander de mieux.

Je m'installe coté passager dans l'Audi A4 bleue nuit, qu'Alexandre s'est payée récemment. Il prend le volant , et me demande où nous allons. Je joue le rôle du copilote avec complaisance ; nous sommes un binôme parfaitement accordé. Du genre même, que l'un commence une phrase et l'autre l'a fini.. Il est mon lieutenant. Je suis son commissaire. Et si le job entre nous se passe merveilleusement bien, c'est aussi parce que je le laisse conduire, me dis-je en souriant intérieurement.

L'adresse donnée par Caradec, est située dans une zone reculée, dans une exploitation forestière de Saint Quay. Un homme tué par balles selon les premières informations que l'on reçoit par radio.. Un calibre de guerre, dont les experts de la PJ n'ont vu que très peu de balles.

_ Un règlement de compte à saint Quay? On aura tout vu.. Alex pense à voix haute.

_ Dès qu'on est sur place tu me fais un débrief avec le légiste, et tu envoies les infos au poste répondis je.

Nous longeons la ville sur 2 kilomètres à travers les bois et quelques minutes plus tard nous arrivons sur les lieux. Le commissaire divisionnaire, Mr Marcus Caradec, se tient debout devant le véhicule de la police judiciaire, installée pour inspecter la scène de crime.

_ De valentin vous voilà !

_ Bonjour Marcus ,je vois son air stricte et figé, je limite les formules de politesse.

_ Qu'est ce qu'on a ? demande Alexandre

Le légiste arrive à grandes enjambées.

_ Commissaire nous avons décroché les deux autres !

Mon cœur manque un battement. Décroché ? Décroché quoi ? Qui ? Je regarde Lilian, le légiste que je connais depuis quelques années déjà, et je l'interroge du regard.

_ Je suis désolé Elisa, je ne voulais pas vous prévenir sans certitudes. Quand le grand chef m'appelle par mon prénom c'est que quelque chose cloche.

_ Le corps sous la bâche que vous voyez derrière moi , c'est Herve Guerin, le facteur de Saint Quay.

J'ai la tête qui tourne, je commence à suffoquer . Les souvenirs qui me hantent, la détresse qui me submerge régulièrement, je suis au bord des larmes.

_ Vous aviez signalé des blessures par balles.. j'articule difficilement

Caradec se passe la main derrière la nuque. Je perçois son embarras, je sais qu'il cherche ses mots.

_ Blessures par balles, effectivement.

Il laisse un blanc avant de me porter un coup de poignard.

- Mais nous l'avons trouvé pendu dans le dépôt. A coté de deux autres victimes, pendues elles aussi..

Le monde se met à tournoyer, je perds pied tout à coup, comment est-ce possible ? Cette horreur recommence? Et j’attrape la main d'Alexandre comme si c’était une bouée de sauvetage dans une tempête déchaînée.