Chapitre 22 : Purification

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NAFDA


— As-tu perdu la tête ? vitupéra une milicienne. N’a-t-elle pas assez souffert ?

— Techniquement ce n’est pas mon idée, se défendit Nafda.

— Tu veux la remettre en danger, renchérit son confrère, sans aucune considération pour elle ! Aurais-tu oublié ta place ?

Ils me manquent de respect. Je dois faire mes preuves aussi auprès d’eux ? Mon nombre de victimes est pourtant suffisant ! Et je ne leur ai même pas mentionnés les quelques difficultés que j’ai rencontrées… Le tout était de rester sereine. Nafda, face à deux gardes, subissait le dédain inscrit dans leurs yeux plissés. L’assassin, par-devers deux miliciens, comptait sur sa force ainsi que l’influence de Leid. Bras croisés et traits détendus, l’espionne s’amusait de la colère des miliciens, tout en demeurant à l’écart.

— Vous ne voulez pas venger vos camarades massacrés ? répliqua-t-elle.

— Si, affirma le milicien. Mais ta façon de faire ne nous plait pas. Tu te prétends protégée de l’impératrice ? Badeni doit l’être bien plus.

— Elle aussi désire se venger. Je lui ai redonné un semblant d’espoir, moi. Pouvez-vous en dire autant ?

— Tu ne devrais pas avoir autant confiance en tes capacités, contesta la consœur. Notre société punit l’arrogance. Tu crois être la seule à savoir affronter des mages ? Nous avons été formés pour ça.

— Alors reconnaissez vos alliés. Suivez les propositions judicieuses.

L’homme et la femme se consultèrent un instant, dodelinèrent de la tête, s’engouffrèrent dans le non-dit. Refuseraient-ils d’admettre que j’ai raison ? De tels haussements de ton suscitèrent l’intérêt des autres miliciens, qui épiaient la querelle de loin, sans toutefois émettre leur opinion au-delà des murmures

Un froissement détonna. Badeni surgit vers ce petit groupe, se déplaçant avec un entrain insoupçonné. Ni Nafda, ni ses homologues ne reçurent quelques réprimandes, au lieu de quoi elle les examina avec un peu de distance.

— Je vous entends depuis ma tente, avoua-t-elle. Inutile de me cacher vos confidences.

— J’assume ma proposition, se targua Nafda.

— Elle a mon approbation, intervint Leid. Comme vous l’aurez deviné, l’idée vient de moi. J’ai un plan pour venger vos confrères et consœurs tragiquement assassinés. Vous vous fiez à moi, n’est-ce pas ?

— C’est trop tôt ! dénonça une milicienne. Vous avez encore besoin de repos, Badeni.

— Je sais ce dont j’ai besoin, assura la capitaine. Nafda, Leid, quelle est cette idée ?

— Remonter sur leurs traces, expliqua l’assassin. Tout simplement.

— Ton résumé est grossier ! se plaignit l’espionne. Si ce n’était que cela, tu aurais été capable de les suivre toute seule. Bien sûr, la traque va user de tes talents… mais aussi des tiens.

Badeni déglutit. Sitôt avertie qu’elle se mit à ciller, tiraillée entre un sourire naissant et des nerfs contractés. Un vif signe de sa main interdit ses alliés de menacer davantage l’assassin.

— Revenir sur les lieux du crime, dit-elle. Revivre cet échec une seconde fois. Revoir mes compagnons… Enfin, ce qu’il en reste.

— Tu vois ? s’offensa une milicienne. Elle est traumatisée, la pauvre ! Tu souhaites atteindre à son intégrité ? Profiter d’elle ? C’est intolérable !

Une gifle coupa toute tentative d’invectives. Des ricanements se coalisèrent vers la milicienne qui n’osa plus prononcer un mot, tant Badeni la foudroya du regard.

— Je sais me défendre moi-même, déclara-t-elle. Je ne suis ni une enfant, ni une victime traumatisée. La perte d’un œil et de plusieurs compagnons ne me fera pas céder. J’étais engagée dans la lutte contre les mages bien avant vous. Je me suis toujours tenue du côté de Bennenike, je l’ai toujours protégée ! Cette défaite m’apprendra à être plus prudente, mais en aucun cas elle ne me décourage à me battre. Vous craignez pour ma vie ? Alors accompagnez-nous. Après tout, nous avons des compagnons d’armes à enterrer…

Aucun applaudissement n’y succéda, mais ce fut tout comme. Brandissements de lances et de hallebardes accompagnèrent les nombreux compliments. Elle résiste. Quelle force ! Jamais je n’ai douté qu’elle accepterait. Enorgueillie par cette effervescence, Badeni dut tout de même calmer ses compagnons. Une préparation calme et méticuleuse, avec un groupe circonspect et conscient des enjeux, ainsi se formulèrent instructions et exigences de la capitaine.

Nafda se joignit pour le trajet. Elle ne voyageait pas en solitaire, mais il s’agissait d’une étape éphémère. Non contente d’avancer presque à égal avec Badeni, l’assassin endossait son soutien à tout instant. De quoi attirer la jalousie de plus d’un… Les miliciens gardèrent toutefois leur opinion pour eux, peu envieux de déclencher une nouvelle dispute. D’autre part, ils orientaient davantage leur vigilance dans les alentours. Dans cet environnement vaste, où le mal pouvait surgir de chaque direction. Dans ces plaines arides, où les ménils supplantaient les grandes cités, et la conquête humaine disparaissait sous l’étendue de la nature. Où l’unique silhouette mystérieuse était l’espionne à qui peu prêtait attention.

Ils se rendirent au lieu de la tragédie. Par-dessus un amas de pierre gisaient les corps des miliciens tombés. Déjà commençaient-ils à se décomposer, comme une odeur infecte se répandait dans l’air. Un déshonneur. De la lâcheté. Je m’assurerai qu’ils paient. À sa hauteur, Badeni chut à genoux, anéantie par les sanglots. Des gémissements plus pondérés complétèrent.

— Je vous ai abandonnés…, se dolenta-t-elle.

— Vous n’êtes pas responsable, consola Nafda. Vous étiez blessée, humiliée, l’œil arraché. Votre priorité était de vous en sortir. Croyez-moi, vos souffrances en vaudront la peine.

— Je m’expose ainsi… Mes sentiments, mes faiblesses.

— Exprimer ses émotions n’est pas une faiblesse. C’est une force qui vous rend plus humaine.

Contre le cœur serré s’imposait le devoir. Examiner les dépouilles de plus près ne conduisait Nafda qu’à de sinistre constats. Autant de sang séché, de brûlures et meurtrissures ne fournissaient aucune indication quant à la localisation des mages. Il faut fouiller en profondeur… Relever chaque détail. Quand chaque trace de flux s’est dissipée.

Cependant, Nafda ne décela rien de remarquable. Elle était si focalisée sur sa tâche qu’elle sursauta au moment où Leid lui tapota l’épaule. Souriait l’espionne arrogante au mépris d’une assassin au regard fidèle à sa fonction. Pour qui se prend-elle, celle-là ?

— C’est là que j’interviens, affirma-t-elle. Observe.

Par-devers des compagnons interloqués s’imposa Leid. D’un doigt méticuleux elle dégaina son poignard avant de le planter net sur le sol. Des lignes lumineuses le lézardèrent durant quelques secondes puis s’affadirent en une fraction de secondes.

Tous furent estomaqués tandis que l’espionne récupérait sa lame en posant un pied vers l’avant.

— Maintenant nous pouvons y aller ! déclara-t-elle. Je connais le chemin.

— Une minute, contesta Nafda. Je n’ai rien compris. C’est aussi une priorité du métal kurta avec lequel nos armes sont fabriquées ? Ou bien est-ce le résultat d’une alchimie encore plus poussée ?

— Je garde mes secrets pour moi. Pour toi, Nafda, l’essentiel est que je t’amène vers tes cibles.

Nafda fronça des sourcils. Je ne me résume qu’à mes dagues, d’après elle ? Elle a le don de m’irriter, mais tant qu’elle peut m’être utile. Au pavanement de Leid intervinrent alors des miliciens dubitatifs.

— Et nous, alors ? fit un milicien. Pourquoi vous avoir accompagnées ?

— Pour protéger Badeni, fit Nafda. Pour donner des funérailles décentes à vos sœurs et frères d’armes lâchement occis.

L’assassin éluda les autres contestations et se focalisa sur Badeni, laquelle s’efforçait de ne plus regarder ses compagnons.

— Je vais partir en éclaireuse avec Leid, informa Nafda. D’ici peu, vous saurez où se terrent ces maudits mages. Il n’en restera plus beaucoup après mon passage.

— Es-tu sûre de ce que tu entreprends ? douta Badeni.

— Mes lames n’ont jamais failli. Et je dispose de l’effet de surprise.

— Horis Saiden aussi l’avait, contredit un milicien. Pourtant on a quand même réussi à l’arrêter.

— Je suis meilleure que lui. Meilleure que tous ces mages ! Je n’en laisserai pas un seul sur mon sillage.

Nafda posa sa main sur l’épaule de la capitaine tout en opinant.

— Ils t’avaient épargnée pour t’humilier, pour exercer leur oppression. Je vais leur montrer que c’était la pire erreur de leur existence.

Sur cet adieu, la jeune femme entama sa véritable traque. Il lui était impossible d’assister aux funérailles des miliciens : d’autres personnes devaient les rejoindre dans la mort.

Je dois y aller sans eux.

Nafda feignait d’être seule. Ses lames, son eau et ses provisions pour uniques compagnons. Tout ce dont elle avait besoin. Néanmoins était-elle moins indépendante qu’elle l’aurait souhaitée, obligée de suivre Leid qui la conduisait dans un silence cérémonial. De la fraîche aurore à l’étouffante crépuscule, des arganiers aux peupliers, elles progressaient à bon rythme. Elles évitèrent les routes, s’éloignèrent sitôt que des marchands ou des voyageurs risquaient de croiser leur route, et contournèrent largement la cité de Kelfor.

Après un tel cheminement, après avoir évité à maintes reprises de se disperser, Nafda et Leid s’accordèrent à l’écoulement d’un ruisseau grâce auquel l’assassin étancha sa soif. D’un claquement de doigts, l’espionne la sollicita, une aura de résolution inscrite sur ses traits.

— Nous y sommes, déclara-t-elle.

Perplexe, Nafda explora les environs des yeux. Des arbustes ? Des pierres ? Rien de plus banal comme paysage. Pourtant ses dagues détectaient la présence de magie. Mue d’instinct, front plissé, Nafda effleura la poignée. La sensation s’intensifia à l’apogée de ses attentes. Lentement, assurément, un sourire étira ses lèvres.

Leid dit vrai, ils sont ici.

— Ces lâches se réfugient sous terre, dit Nafda. Comment les atteindre ? Je ne vais pas creuser par moi-même, donc quoi ? Je vais attendre la première opportunité ?

— Voilà une excellente idée, confirma Leid. Le reste du plan dépend entièrement de toi. Bonne chance !

— Quoi, c’est tout ? Tu t’en vas fièrement ?

— Tu devrais me remercier, je t’ai conduite jusqu’à eux, comme je l’avais promis. J’espionne et je traque, tu assassines. Le marché me paraît honnête.

— J’aimerais juste savoir comment tu les as trouvés.

— Un jour, Nafda, tu l’apprendras. Pas maintenant. Tes priorités sont ailleurs. Bonne chance pour la chasse !

Dès que Leid tourna le dos à l’assassin, des grognements s’estompèrent. Insister paraissait vain. L’espionne s’en fut à cadence modérée, portée par le vent aride, voyageant vers des nouveaux horizons. Elle disparut sous la circonspection de Nafda, qui peu à peu se concentra pleinement sur son objectif.

Ainsi débuta l’étape intermédiaire. L’inévitable période d’accalmie. Quand sens et réflexes devaient s’aiguiser, sinon les faiblesses ressurgiraient. Nafda s’installa sur la déclive, à proximité du ruisseau, où elle était certaine de ne jamais manquer d’eau. La première nuit, elle dormit assez peu. Non contente d’attraper une lame au moindre bruissement, elle ouvrait régulièrement les yeux. Aubaine était réclamée au moment où l’aube se profila.

Donc ils ignorent que je suis là. Un autre avantage. Quelle arrogance ! Se croient-ils si bien cachés ? Nerfs relâchés et membres souples la confortèrent dans sa position. Toutefois ne relâcha-t-elle jamais sa vigilance, car une ouverture pouvait émerger à tout instant, et elle ne promettait guère d’être disponible longtemps. Yeux souvent fixés vers cette vide et vicieuse terre, Nafda mangeait des repas plus frugaux que d’ordinaire. Tomber dans l’excès inverse constituerait une faute, compte tenu des besoins pour se maintenir en forme.

L’assassin avait trouvé l’équilibre. Guère une fin en soi : l’objectif l’attendait, immobile, si proche. Ce fut cinq jours plus tard que concrétisation fut obtenue.

Une femme brisa la redondance de ces journées. Placide, elle ne se doutait de rien. Confiante, elle rejoignait cette même terre. Même si elle jetait des coups d’œil dans ses environs, rien ne l’avertit de la présence d’une intruse. Nafda, quant à elle, disposait d’une vue parfaite dans sa direction.

Quel dommage que les mages ne puissent pas détecter leurs ennemis… Son sourire se dissipa néanmoins quand la femme ouvrit ses paumes. Des sillons de sang à peine séchés les souillaient. Elle revient d’un combat… Qui a-t-elle tué ? Pourquoi ? Rah, j’espère que d’autres miliciens n’ont pas péri !

Un voile se dissipa. C’était comme si des fondations, bâties sur part de d’illusions, s’effaçaient face à la réalité. En bas d’une série de marches se dévoila une porte des plus intrigantes. La femme s’y dirigea avec promptitude tandis que Nafda se frottait les yeux. Une double protection ? Malin. Ils auraient presque pu rester en sécurité si je n’étais pas intervenue.

L’intervalle était serré. Une foulée méticuleuse, rythmée de pas feutrés, réduisait la distance entre l’assassin et la mage. Au plus Nafda pénétrait dans l’interdit, au plus son adversaire lui libérait la voie. Bientôt s’ouvrit l’allée désirée, au contact d’une main trempée de flux, aux grondements puissants des battants.

Ils se refermèrent juste derrière Nafda.

Accroupie au cœur d’un territoire inconnu. Immergée dans cette accumulation de flux. Redressée à pleine empoignade de lames. À la caresse de l’acier s’associa le moment adéquat, puisqu’une kyrielle de torches révéla son ombre.

Une courbe nette, portée par une pointe étincelante, fit jaillir un flot de fluide écarlate. Autre victime anonyme, la femme trépassa sans souffrance, sans réaliser ce qui lui était survenu. Tout le contraire des deux hommes quelques mètres plus loin. Ils hurlèrent si fort que Nafda en ricana.

— Une intruse ! paniqua l’un. Vite, va prévenir les autres ! Il faut la neutraliser, tout de suite !

Déjà repérée ? Hors de question ! Nafda avala un flacon en vitesse. Après quoi elle bondit par-delà son premier cadavre et courut à prompte allure. Un fuyard se devait d’être pourchassé en priorité, cependant, son ami se dressait comme égide contre l’assassin. Il déploya un bouclier sur la largeur du couloir.

Elle ne se laisserait pas entraver. Elle ne renoncerait pas au premier obstacle. En plein mouvement, lancée contre l’adversité, ses dagues se cognèrent contre le bouclier. Rien ne résiste à ce métal, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ? Reculant, ripostant, l’assassin assena des coups rapides et précis. S’acharner menait à l’affaiblissement de l’égide. À une ouverture qu’elle pouvait saisir.

L’imbécile se protège au lieu de fuir ou riposter ! L’acier domina contre la lueur tamisée contrastant avec l’obscurité. Nafda tendit son bras, et sa dague fila. Transperça l’épigastre du mage horrifié.

— Mais… Comment…, s’étouffa-t-il.

— Voilà le sort que tu mérites., répliqua Nafda.

Si les circonstances s’y prêtaient, elle aurait pu longuement contempler cette souffrance. Toutefois

Nafda perçut un fracas. Pas le temps de savourer la moindre mort ! Une femme musclée l’assaillit, ses yeux injectés de rouge. Des silhouettes derrière elle la suivaient de loin, lui esquissèrent qu’elle ne percevait pas.

— Pashelle ! s’écria un mage. Sois prudente !

— Je m’en cogne ! répliqua l’assaillante. Elle a déjà tué deux des nôtres !

Pashelle, hein ? Badeni se souvenait de ce nom. Elle doit être fière d’avoir massacré des miliciens, l’enfoirée. Nafda se mit en garde, parée à désaxer les sorts de Pashelle. Cependant, ni des rayons lumineux, ni des ondes dévastatrices n’émanèrent de leurs paumes. Au lieu de quoi un éclat bleuté convergeait à hauteur de leurs poings.

La mage se téléporta à sa gauche. Prise au dépourvu, l’assassin subit son coup de plein fouet. Des fissures se créèrent sous l’impact outre les ondes de choc.. Un jet de pierres paraissait insignifiant en comparaison de cette fusion de force et de flux. Tant projetée qu’elle s’arc-bouta, respiration saccadée, tympans envahis de lancinements.

Alors advint l’enchaînement. Jamais Nafda n’aurait cru autant saigner. Chaque fois qu’elle pivotait, libérée d’une influence, une autre l’étreignait. Chaque fois qu’elle ripostait, lames brandies vers l’adversité, un autre coup de poing surgissait. À plusieurs reprises elle dévia la magie, hélas persistaient ces coups, projetés de partout. Sonnée, cognée, ensanglantée, Nafda perdait l’équilibre, titubait, peinait à répliquer contre son ennemie.

Impossible… Serait-ce mon point faible ? Repousser toutes les formes les plus abjectes de magie pour plier face à la force brute ? C’est indigne de moi ! J’ai trimé par le passé, mais je n’échouerai plus !

De nouveau elle désaxa une convergence de flux. De nouveau l’assaut subséquent la meurtrit, comme ses moulinets étaient trop lents, piégée dans le rythme adverse.

Ma liste de victimes s’agrandit de jour en jour. Il n’y a aucune raison de céder maintenant ! Qu’est-ce que Bennenike penserait de moi ? Je dois faire sa fierté. Pour honorer sa dévotion, son sauvetage, ses idéaux !

Propulsée par-delà la lueur vacillante des torches. Inquiétée par la multiplication des fissures, peut-être semblable à l’état de ses propres os. Trop aventureuse, pas assez réactive, réduite à ses plus faibles capacités.

Ce n’est pas moi ! Où est mon potentiel ? Vais-je me laisser humilier de la sorte ? Massacrée comme une moins que rien ? Comme si je n’avais rien appris… Comme si je ne m’étais pas adaptée. L’assassin si entraînée ne parvient qu’à égorger lâchement ses cibles ? Quand elle se retrouve au combat, elle n’est bonne à rien ? Non… Non !

En un clignement d’œil, ses lames étaient allées au-delà de la brutalité magique.

En un cillement, elle avait riposté, s’était imposée.

En un froncement, son assaillante avait chuté.

La vengeance est jouissive. Badeni, je me bats pour toi, pour tous les membres de ton ordre. Nafda poursuivit sa voie. Malgré son essoufflement. Malgré ses plaies. Malgré la douleur qui la vrillait tout entière. Elle avait un objectif à réaliser. Des vies à dérober. Un empire à sauver.

Une paire de rayons incandescents surgit de part et d’autre de l’allée. Des flammes aussi pures ? J’ai rarement vu une telle maîtrise ? Ils éblouirent tant l’assassin qu’elle fut tentée de lever le bras. Un tel geste ruinerait sa stratégie, qui consistait à s’approcher, saturée d’assurance, prête à tout cisailler.

— Nous n’aurons aucune pitié pour toi, dit une femme.

— Quand on s’en prend à notre communauté, ajouta une autre, on le regrette amèrement.

Vous êtes les prochaines sur ma liste. Vous allez crever ! Une volonté ardue à réaliser. Plus Nafda progressait et plus ses pas couvraient une faible distance. Plus elle s’opiniâtrait et plus son corps l’abandonnait. Mes limites ne sont pas atteintes ! Je suis l’arme de l’impératrice ! Je ne peux échouer ainsi !

Une silhouette émergea entre lumières et ombres. Sans lancer un seul sort, sans s’imposer dans le combat, l’homme exerçait une aura que Nafda n’avait jamais repéré. Malheureusement, s’effondrant à son tour, elle ne put que goûter à la domination de son flux.

La purification… a échoué.

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