Un déjeuner (1.3.2)

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Tome 1 > chapitre 3 > partie 2

Istinie guida Anaelis à travers les rues. Sur toutes les places les festivités débutaient. Sous les platanes, des troupes de comédiens jouaient les vieilles légendes de la naissance du soleil et des orateurs les contaient sur les airs des musiciens.

Istinie connaissait un endroit calme et à l’écart. Des rosiers courraient sur un arceau au dessus de quatre petites tables en terrasse. Dans un geste de galanterie désintéressé, Anaelis tira sa chaise pour inviter Istinie à s’asseoir.

Elle mangea son repas avec sa délicatesse coutumière, lentement, reposant ses couverts pour parler.

— Je te croyais réfractaire aux religions. Pourquoi donc souhaites-tu tout de même voir cette procession ? demanda-t-elle.

Elle le vit sourire, il pencha légèrement la tête, ses petites rides au coin des yeux apparurent.

— Les gens. Ils sont si nombreux, ça donne l’impression de partager quelque chose. Voir autant de personnes engagées dans une voie commune, positive s’entend, me touche.

Elle acquiesça sans le couper.

— Le folklore reste magnifique pour moi. Les légendes initiales transmises au cours des siècles, enchaîna-t-il.

— Ce sont pourtant des dieux imaginés, dit-elle

— Tant que l’on n’y croit pas, cela reste beau. Il y a aussi les tenues, les danses, l’art des reliques.

— Pourtant tu te moques des processionnaires.

— Oui, je l’admets. C’est beau à voir, moins à croire. Mais je tolère dans les religions ce qui enseigne des valeurs, fit-il.

Elle le vit plusieurs fois l’observer discrètement pendant qu’elle mangeait, elle remarqua que son regard s’attardait sur ses cheveux. Elle portait ses deux tresses coutumières partant un peu au-dessus des oreilles pour se rejoindre à l’arrière. Elle replaça une mèche par dessus son oreille, en fit volontairement tomber une de l’autre côté.

— Et toi tu es croyante.

— Toujours oui, bien moins qu’en mon enfance. Je ne fais guère correctement mes offrandes ni mes prières. Oshane me le pardonnera, j’espère.

— Oshane reste ma déesse préférée.

— Vraiment ? fit-elle, intéressée.

— Celle qui guide les hommes, leur a apporté l'écriture et les sciences. C’est à l’Homme de trouver sa propre voie, mais l’incarnation est belle je trouve. Le personnage aussi est beau, son intégrité, le fait qu’elle ne faillisse jamais à ses idéaux.

Ils restèrent quelques secondes à se regarder dans les yeux sans rien dire. Elle essayait de donner une couleur à ceux d'Anaelis, lui se perdait dans le brun clair des siens. Se rendant compte de ce qu’ils faisaient tous deux, un moment de gêne survint et chacun replongea dans son assiette.

— Tu veux un dessert ? demanda-t-il.

— Je n’ai plus faim, merci. Je te souhaite d’en prendre un si tu le désires.

— On partage alors ?

— Avec plaisir.

Un letelorye avec un coulis de fraise, une seule assiette, une seule cuillère, un petit rien, un petit lien.

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