La célébration (1.4.1)

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Tome 1 > chapitre 4 > partie 1

Anaelis

Sciscere

Je ne nierai pas que mes certitudes ont tremblé comme les murailles de Sciscere cette nuit-là.

Pourtant, à terme, elles en sortirent renforcées.

— Et donc là, t’as Carredy qui lève les mains, il te fait un trait des Arches magnifique et l’ardoise : stoppée net ! racontait Anaelis en mimant la scène.

— Par la suite, elle tomba et se brisa tout de même. Je le trouvais occupé à la réassembler, ce fut particulièrement touchant, enchaîna Istinie.

— Il a fait ça en même pas une seconde ! éludant ce qu’elle venait de dire.

— Il ramassait vraiment les morceaux ? demanda Lindsie, dubitative.

— Parfaitement, l’intégralité de l’ardoise. Ce, sous le regard de Carredy et Velas. Puis il partit sans nullement les saluer.

— Quel lèche bottes, à peine admis à l’académie des Sanges, il en fait déjà des tonnes, se moqua Theorode, fidèle ami d'Anaelis. Poène, tu nous montres ce que c’est un trait des Arches ?

— Pour tout faire s’envoler ? Non merci, répondit-elle, avant de se reprendre aussitôt. J’y arriverai sans soucis mais ce n'est pas le moment.

Attablés depuis une heure au restaurant d'une petite place, ils fêtaient leur admission, buvaient et riaient. Le groupe d’Istinie avait rejoint celui d’Anaelis et tous les huit partageaient ce moment. Le bruit d’une foule joyeuse emplissait l’air, les familles célébrant le solstice se mêlaient aux étudiants entamant l’année universitaire. Des lanternes accrochées aux balcons donnaient un aspect enchanteur aux lieux et de hauts bûchers répandaient une chaleur agréable dans une nuit déjà douce. Un cracheur de feu envoyait de grandes gerbes en l'air, provoquant l’émerveillement teinté de peur des tout petits accrochés à leurs mères et l’amusement des moins petits qui s’enfuyaient en riant avant de revenir aussitôt au plus près.

Anaelis leva son verre, non pour porter un toast, mais pour en commander un nouveau. La serveuse ne fut pas longue.

— Cet alcool de Basangar est vraiment un délice, justifia-t-il.

— N’est-ce pas déjà ton troisième ? demanda Istinie sur un ton de reproche à peine masqué.

Que mon troisième, répondit-il. En général je le déguste. J’en ai du meilleur à la maison, d’une plantation proche de celle du roi.

— J’attends d’ailleurs toujours de le goûter, reprit-elle.

— Passez à l’appartement, je vous le ferai découvrir.

— Tu l’as payé combien ? demanda Theorode.

— Cher, mais ça valait le coup. D’ailleurs, Lindsie, toi qui vas avoir des relations mondaines avec des ambassadeurs, tu crois que tu pourrais m’en avoir du moins cher ?

— Je ne parle pas le Basange, je vais avoir du mal à me faire comprendre, dit-elle en riant. Même si on parle en Calistrien, je m’imagine mal faire cette requête.

Anaelis regarda son verre, fit tourner le contenu comme s’il s’agissait d’un vin.

— Imagine que c’est un défi que te lancent les Sanges alors.

Anaelis, leva le regard vers le ciel, l’air sérieux, tendant son verre en direction de la comète.

— On a été pris.

Lindsie, Poène et Theorode trinquèrent avec leur commandant. Istinie fit de même avec son groupe, Ghirt, Hones et Mliren, avant de choquer le verre d’Anaelis.

— Nous avons tous été pris, dit-elle en lui souriant.

— Ça fait de nous des concurrents, ça, intervint Poène.

— Non, pas des concurrents, répondit Anaelis du tac au tac. On vise le même objectif mais ce n’est pas en se battant les uns contre les autres qu’on y arrivera. Soyons nous-mêmes, ou si tu préfères : les meilleurs.

Istinie s'adressa à Poène :

— Ne t’en fais pas. Sais-tu, parfois, à l’année terminée, ils prennent deux groupes si tous deux excellent. Avec la mort de Chevaliers Sanges ces derniers temps, ils pourraient vouloir renforcer leurs rangs rapidement.

Lindsie fit la moue. L’atmosphère se tendit. Sous-entendre envers Poène qu’elle n’avait de chance que s’ils prenaient deux groupes risquait fort de déchaîner une furie.

Sans laisser le temps aux femmes de s’affronter sur ces petits jeux de mépris poli, Anaelis changea de sujet, sans quitter le ciel des yeux.

— La comète est vraiment proche, vous saviez que c’est cette nuit qu’elle est la plus proche du Continent ?

— Monsieur est aussi astronome ? se moqua gentiment Theorode, assis juste à côté de lui.

— Ris donc. C’est magnifique que des corps célestes se promènent comme ça, et c’est juste sublime que les humains en comprennent le fonctionnement. On a une chance unique de l’avoir vue dans notre vie, elle ne reviendra que dans cent vingt ans. D’ailleurs je crois qu’il y en a une autre qui passe dans une dizaine d'années, encore plus grosse.

Istinie, qui l’observait, remarqua son regard dans le vague et ses yeux embués, elle mit cela sur le compte de l’alcool et des feux alentours.

— Ça sert surtout pas à grand-chose, ces comètes, dit Théorode.

— C’est important moralement. Déjà ça rappelle qu’on n’est presque rien, qu’il y a des choses au-delà qui nous dépassent. Et aussi, ça attise notre curiosité, notre soif de comprendre. Tu as des religions qui sont tombées pour avoir dit que la planète était plate comme Poène et ...

— Connard ! cria-t-elle en lui mettant un violent coup de pied sous la table.

— ... que le soleil tournait autour d’elle. Grâce à ces hommes de science, ça fait autant de religions en moins.

Il siffla le reste de son verre.

— Vous devriez passer à l’observatoire, nous nous y sommes rendus avec Anaelis, dit Istinie. La comète est vraiment magnifique à voir grâce aux très-longues-vues. Il est fermé aujourd’hui, je n’en connais la raison, mais ensuite vous devriez en profiter.

— Comment avez-vous fait pour y entrer ? demanda Lindsie.

— Fille de duc, il reste tout de même de légers avantages indus aux nobles, fit-elle avec un clin d’œil.

— Anaelis, intervint Poène toute à sa vengeance, comment tu peux détester les religions qui dirigent les esprits mais accepter les nobles qui ne sont pas plus légitimes à commander ?

Il baissa les yeux et revint au monde réel, puis répondit en souriant :

— Je ne les tolère pas plus. Mais là, ce n’est pas une noble, c’est Istinie, ça n’a rien à voir.

— Je porte à ta connaissance qu’un noble métier m’attendait, répliqua cette dernière, pourtant mon souhait fut d'ici venir intégrer la chevalerie Sange.

— Un métier tranquille comme pour ta sœur, celle qui forge des épées ? dit Poène, revenant à la charge.

— Cessez donc, ce n’est pas le soir. Vous réglerez vos problèmes dans une arène de combat. Nues. Et enduites d’huile, dit Anaelis avec tout le sérieux du monde.

Au moins s’accordèrent-elles à le frapper en même temps.

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