098 - amoureuse
Et au-delà. J’ouvre les yeux au lever du soleil. Que va-t-il m’arriver aujourd’hui ? Le moins possible j’espère. Je ne veux pas changer, tout est parfait ainsi. Je tourne la tête pour admirer Maëlle, de plus en plus belle à boire mon lait. Elle grandit. Elle s’affine. Ses cheveux bouclent. En fait elle me ressemble, à Megan, la Megan Honest complètement perdue que j’étais mais que je ne suis plus, elle est la Maëlle que j’ai sauvée tout comme la Megan en moi. Je me lève. On n’est ni au Palace, ni au Diplomate. On a dormi chez elle, dans sa maison sur une colline à l’Est de la ville, à l’écart mais avec la Cathédrale en vue qui pointe sa double flèche vers le ciel. C’est son chez elle, rien qu’à elle, même Willem n’est jamais venu ici, même pas Sabine. Au petit-déjeuner je lui demande.
- Personne d’autre ne connaît cet endroit ?
- Si, une seule à part toi. Ségolène, ma mère. Elle m’a aidée à tout organiser et décorer, à nous réconcilier aussi. Comment tu trouves ?
- Je me sens bien ici. C’est apaisant.
- Merci. Je suis contente que ça te plaise. Je l’ai faite pour toi aussi.
Je me sens zen, dans le sort de Maëlle, ma prison émotionnelle. On sort s’occuper du jardin, retour à l’état sauvage, primaire, comme si on recommençait à vivre depuis le début, depuis un reset, un retour à Zéro. Ici on n’est personne, juste deux amies très proches, complices, intimes, perdues dans un paradis réel de pleine conscience de bonheurs simples, loin des identités de nos ID Cards où nos fonctions sociales semblent être une légende. J’en oublie même le temps qui passe et je me complais dans un cocon de bien-être.
- Jenna ? Ça va ? Tu es là ? Avec moi ?
- Oui. Quoi ? Il y a un problème ?
- Tu m’as appelée « Meg ».
- Ah ? Oui, je suis un peu déboussolée. Ça m’arrive de temps en temps. La plupart du temps, c’est des pertes de mémoire, de la confusion, c’est rien, c’est juste du à mon état primaire.
Maëlle me tient le visage entre ses mains et inspecte mes yeux. Inquiète. Elle tremble. Elle m’amène devant un miroir. Mes yeux. Ils sont de couleur différente. On saute dans la navette, direction le Centre Médical des Suburbs, là où exerce Estelle qui me suit depuis le début. Auscultation poussée au cabinet, j’entends Maëlle faire les cent pas en salle d’attente. Estelle lâche ses écrans et regarde dans un livre louche.
- C’est juste un vieux code physiologique qui dit que tu es amoureuse.
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