Maëlle a aménagé la petite pièce du haut en bureau. Orientée plein Sud, elle a vue sur le jardin. Quand on entre, à droite elle a son bureau. À gauche, une bibliothèque physique et numérique. En face, la grande fenêtre. Je me glisse derrière elle pour la caresser un peu de mes mains et de mes lèvres sur sa peau sucrée. Elle masque son écran.

• Tu écris un livre ? Maëlle, tu es peut-être un peu trop dans ton rôle.
• Je préfère être toi plutôt que la vilaine sorcière aux actes douteux.
• Megan n’est pas heureuse non plus. Écrire c’est fuir son mode échec.
• Oui mais avec toi, Jenna, moi, Megan, je suis heureuse et en mode succès. Je ne tiens pas particulièrement à Maëlle. Grâce à toi, je n’ai plus besoin des Cavalières de l’Apocalypse si tu me laisse être ta Megan.
• D’accord mon amour. Je ne veux que ton bonheur, de toutes les manières. Suis ton instinct, primaire. Sauve-toi de toi-même, réfugie-toi dans mon âme avec qui je peux enfin faire la Paix grâce à toi ma sorcière bien-aimée. Je t’aime donc je m’aime car tu m’aimes et tu t’aimes. Sans toi non plus je ne peux pas être heureuse. Oublie-toi dans notre bonheur. Commence par écrire notre Histoire. La vérité dépasse toujours la fiction.

C’est à partir de cet instant de pacte sacré que j’accepte de l’appeler Megan. Une Megan pas très Honest, mais ma Megan à moi, à elle, à nous. Je lui offre mon identité. Elle s’accomplit et se complaît dans son rôle qui est le nôtre, Jenna et Megan, J-M, J’M, j’aime. Je finis les phrases qu’elle commence. On parle d’une même voie. On écrit de la même main. On jouit des mêmes doigts. Et on reçoit un courrier de la Mairie avec nos nouvelles ID cards.

• VACA Megan M. LECLERE. Elles ont oublié l’accent sur le deuxième « E ». J’ai toujours l’immunité diplomatique ?
• C’est pas un oubli, c’est pour te démarquer. Et il apparaît toujours le dernier grade connu en attendant le prochain.

Je suis maintenant AZU Jenna M. JENKINS-H. Des lettres en plus pour me différencier de la famille Jenkins qui existe vraiment chez les ex-bannies même si pour elles il s’agit également d’un nom d’emprunt mais pris lors de la première vague, ça commence à dater, il est donc pratiquement vrai. Donc en dehors de ces réalités administratives, on peut vivre les vies qu’on s’est choisies, Megan et moi sans que Maëlle soit oubliée même si l’intéressée est toute excitée de ne devenir pour elle et pour nous qu’un souvenir à oublier.