Chapitre 7

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Ce rêve était horrible, mais ce réveil l’était encore plus.

À mon réveil, je m'empressa de me préparer pour partir le plus tôt possible afin d’oublier tout ce qui avait pu se produire dans ce cauchemar... Cela avait beau s’être produit il y a plusieurs années, j’étais toujours aussi affecté par cet événement. Et puis j'étais pressé de me rendre à mon nouveau travail, de continuer les différentes créations pour le défilé qui aurait lieu dans un peu plus de cinq mois, penser à tout sauf à ma famille. J’espère juste que nous aurions fini à temps, normalement oui, mais il suffirait que nous ayons un problème avec l'une des tenues et nous aurions du mal à boucler la collection. Heureusement, nous sommes plusieurs équipes à travailler toutes ensemble sur ce grand projet. Mais par-dessus tout, je me réjouissais de revoir Julia. Rien que de penser à elle me fait me sentir bien, comme si rien ne pouvait m'atteindre. Et elle travaillait si vite, je n'étais pas présent au début de sa création, mais en comparant entre hier matin et juste avant de partir c’était réellement le jour et la nuit, elle a vraiment réalisé un miracle. Je ne l'avais même pas réellement aidé ; j'ai même eu cette impression d'être ici comme remplaçant. Je ne suis pas d'une grande aide, mais j'espère l'être un peu plus aujourd'hui. Je n'avais pas fini le fil de mes pensées, que j'étais déjà arrivé à la boutique.

-En avance, j'adore !

C'était la patronne, Mme. Alice, je me retournai et lui dis :

-Bien sûr, je ne voudrais surtout pas être en retard.

-Eh bien, voilà un bon état d'esprit, je ne peux que vous féliciter. Mais vous êtes tout de même vingt minutes en avance. Voulez-vous boire une tasse de thé en attendant votre collègue Julia ? se dit-elle avec un sourire fort sympathique.

-Avec plaisir.

Il est vrai que je n’avais pas une seule fois regardé l’heure avant de partir, tout ce que je voulais c’était oublié, ça avait l’air si simple et pourtant mon esprit reste bloqué à ce moment de ma vie. Peut-être qu’un breuvage bien chaud me ferait du bien, du moins un minimum… Je la suivis jusqu'à cet endroit enchanteresse. En y entrant pour la deuxième fois, j’avais cette sensation de redécouvrir la pièce, plusieurs détails m’avaient échappé, en même temps il y en avait en abondance ; je n’avais même pas remarqué qu’il y avait un chapeau identique à celui du chapelier toqué entreposé dans une vitrine. Tant disque qu’Alice était habillée avec son fameux manteau blanc à poils longs agrémenté d'une de ses pendules. Sa robe n'était pas très différente de celle d'hier ou encore de celles que j'avais pu voir dans les magazines. Elles sont généralement couleur bleu ciel et il y a juste la coupe de la robe qui change. Au moment où je me retrouva face à son bureau , je vis qu’il y avait déjà deux tasses préparées, me laissant l’impression qu’elle avait anticipé ma venue, que chaque détail avait été soigneusement arrangé en prévision de ce moment. Les tasses alignées suggérait une prévoyance délibérée, une sorte de complicité entre l'espace et l'hôte. Intrigué, je m'installa avec une pointe d'étonnement, me demandant quel récit ces tasses avaient à raconter et quelle histoire m'attendait dans ce lieu préparé avec une délicatesse semblable à aucune autre.

-Asseyez-vous.

Je m'exécuta et j’entendis le sifflement d'une bouilloire. Mme Alice versa l'eau dans ma tasse avant de me dire :

-Un peu de sucre, ou bien un nuage de lait ?

-Non merci.

Je portai la tasse à mes lèvres juste avant de me brûler, car je n’avais pas pris le temps de souffler ou bien d’attendre tout simplement avant de vouloir avaler tel un glouton ce délicieux nectar, essayant de ne rien laisser paraître. Il y eut un long silence puis, Mme. Alice me regardait d'une drôle de manière, comme lorsqu’on aimerait poser une question, mais qu’on n’ose pas. J’ai vécu ce moment bien trop de fois, je ne le connais que trop bien. Le silence qui s'étendait entre nous était empreint d'une réserve palpable, comme une danse délicate entre la révélation et la retenue. Les regards échangés étaient porteurs de mystères non résolus. Ce moment, empreint de déjà-vu, semblait être une charnière entre le connu et l'inconnu, un seuil où les réponses attendaient patiemment d'être dévoilées. On aurait dit qu’elle réfléchissait à ses mots, qu’elle était même gêné de se poser cette question et puis dit :

-Est-ce que vous vous entendez bien avec mademoiselle Levy ?

Qui était mademoiselle Levy ? Est-ce qu'elle parlait de Julia ? En y réfléchissant, il est vrai que je n'avais même pas pensé à lui demander son nom de famille.

-Oui, tout se passe à merveille, elle est vraiment très sympathique et surtout très créative.

-Bien, je suis ravie de l'apprendre. C’est vrai que Julia est une employée plus que exemplaire, mais son plus gros défaut de toujours froler la frontière du retard, un peu comme le fameux lapin blanc. À la fin de sa phrase, elle laissa échapper un rire.

Je ne fis pas attention à sa réflexion concernant Julia, étant ma patronne je n’étais pas en place de la contredire, même si cela me brûlait les lèvres. En finissant mon thé je continuais de regarder autour de moi et vis une ravissante boule de poile. Ce n’était pas un chat classique comme on pourrait en voir dans la vie de tous les jours, il était rose au rayure violette. Comme dans l'adaptation d'Alice au pays des merveilles, faite par Disney. Je l'observe et me posais plein de questions. Telle que ; comment pouvait-il être de cette couleur ? Pourquoi n'aurait-elle pas pris un chat qui ressemblait à Dinah*1?

*1 Dinah : chat d'Alice dans le livre et le dessin animé, Alice au pays des merveilles.

-Je vois que vous observez mon chat. J'ai longtemps cherché un toiletteur qui accepterait de faire ressembler mon chat au Cheshire d'« Alice au pays des merveilles ». J'aimerais bien pouvoir en faire toiletter un autre qui ressemblerait à celui de l'adaptation du film, mais je pense que je vais attendre un peu et profiter de mon chat d'amour. En finissant sa phrase, son chat monta sur ses genoux et réclama des caresses ; ce qu'elle exécuta quelques secondes après.

-Mais pourquoi ne pas avoir pris un chat qui ressemblait à Dinah ?

-Malheureusement, j'en avais déjà un quand j'étais enfant, mais ces pauvres créatures ne vivent pas assez longtemps à mon goût.

-Je suis navré de l'apprendre, excusez-moi de cette question indiscrète.

– Ne vous inquiétez pas, il n'y a rien de mal à être un peu curieux, au contraire. Par contre, il est temps d'aller à votre poste. De plus, j'ai un entretien à faire passer. Il me faut une nouvelle secrétaire, cela fait bien trop longtemps que je n'ai plus de bras droit.

-D'accord, et merci encore pour le thé, il est vraiment délicieux. Bonne journée.

-Merci beaucoup, repassez demain si vous le souhaitez, je vous donnerais un peu d’un autre que vous pourrez goûter chez vous. Je suis heureuse d'avoir enfin un employé qui partage mon goût pour le thé. Sur ce bonne journée et travaillez bien.

– Merci beaucoup, Mme. Alice.

Je sortis et me dirigea vers l'atelier de Julia en espérant qu'elle soit déjà là. En arrivant, je ne la vis nulle part. Il ne lui restait plus que trois minuscules minutes avant d'être considéré comme étant en retard. J'espère vraiment qu'elle ne sera jamais renvoyée, elle a l'air d'être quelqu'un qui ne se presse pas pour se rendre quelque part et j’ai peur que ceci lui porte préjudice. En pensant au fait qu'elle pouvait potentiellement ne plus travailler avec moi, me fit ressentir une douleur aiguë dans la poitrine. Même si cela ne faisait que quelques jours qu'on travaillait ensemble, je la considérais énormément. Et l’idée de la perdre était comme une ombre menaçante, obscurcissant chaque pensée et enveloppant mon esprit d'une appréhension étouffante.

Je commençais à ranger le plan de travail qu'on n'avait pas eu le temps de réorganiser la veille avant de partir, ce qui m’aidait à estomper mon angoisse, puis j'entendis quelqu'un entrer, nulle besoin de préciser qui c’était. Mon cœur s’emballa aussitôt Julia passé la porte. Et je ne pus m’empêcher de lui faire une remarque concernant son manque de jugeote sur les horaires.

-Tu sais que tu as failli être en retard ?

-Oui, je sais, j'essaye vraiment de me presser le matin, mais je n'y arrive pas. Et puis, si je me fais virer, ce n'est pas si grave, je trouverais bien quelque chose d’autre ailleurs. Et j'avoue que le fait de me dire que tu travailles avec moi ne me motive pas du tout à venir au travail à l'heure. dit-elle en rigolant avec son rire si charmant.

Je savais bien que c'était pour me taquiner qu'elle disait cela, mais j'aurais préféré qu'elle dise le contraire. La journée passait si vite, je ne vis même pas le temps passer. Nous étions tellement concentrés sur le projet que nous avons oublié de déjeuner. Enfin elle était concentrée sur le projet, moi je l'étais sur elle, tous les gestes qu’elle faisait était si élégant, elle me donnait tellement de frisson sans le savoir. Soudain me vit l’envie de l’embrasser, c’était devenu un besoin, je ne pensais plus qu’à ses lèvres contre les miennes. Et le fait qu’elle me taquinait tout au long de la journée n’aidait vraiment pas, ce n'était pas désagréable, car « qui aime bien châtie bien », comme on dit. Mais j’aurai préféré qu’elle remarque ce que j’avais en tête. Je ne pus m’empêcher de me demander ce à quoi ressemblait se baiser, c’était comme dans un rêve, car bien sûr c’en était bien.

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