Chapitre 8

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Julia :

Je sais très bien que chaque matin je manque de peu d'arriver en retard et que je n'ai aucune excuse. J'habite à quinze minutes d'ici. Mais je ne peux m'empêcher de me rendre à la tombe de mes grands-parents chaque matin. Je l'ai toujours fait et le ferai toujours. Ils me manquent tellement… J'aimerais encore pouvoir leur dire que je les aime, les prendre dans les bras et faire la prière avec eux avant le dîner. Je n'aimais pas ça avant, mais mon grand-père était extrêmement croyant, contrairement à moi. Je donnerais tout pour pouvoir leur donner la main à nouveau et réciter ces belles paroles qui ont bercé ma tendre enfance. Je ne les remercierai jamais assez de m'avoir élevé. Ils étaient là à chaque moment de ma vie, chaque ballet, chaque diplôme, ruptures difficiles et j'en passe… Ce sont eux mes véritables parents, j'espère qu'ils ont vu que je les aimais, je le souhaite de tout cœur. Je ne sais pas ce qu'il y a après la mort, mais s'il y a une chance, même infime, qu'ils m’entendent leur dire à quel point je les aime et qu'ils me manquent, je le ferai ! Et ce, autant de fois que possible !

Je sais bien qu'Olivier s'inquiète pour moi et qu'il m'apprécie beaucoup plus que ce qu'il veut me faire croire, mais je ne me sens pas encore prête à aborder cette partie de ma vie avec lui. Ni avec personne d'autre d'ailleurs… Je ne sais pas encore ce que ça va donner, ni si ça donnera quelque chose avec lui, mais il est vrai qu'il est charmant, même un peu sexy avec ses cheveux bruns légèrement bouclés. Et par-dessus tout, j'adore le taquiner, il est trop chou quand il rougit. Au fond de moi, je crois que j'aimerais qu'il me propose un rendez-vous ou autre, mais je n'ose pas lui demander, j'ai comme cette impression que ce n'est pas à moi de le faire. Pas dans le sens que ça doit forcément être les hommes qui font le premier pas, mais je crois que j'en ai besoin. Je ne m'en sens pas encore capable.

Le chemin du retour se transforma en une épreuve sous l'assaut de la pluie battante. Le froid mordant pénétrait à travers mes vêtements, défiant même l'écharpe et la veste censées me protéger. Le ciel, d'un gris sombre, semblait refléter mon propre état d'esprit, amplifiant mon sentiment de morosité. Chaque pas dans cette atmosphère hostile paraissait interminable, comme si le temps lui-même s'était figé pour prolonger mon malaise. Et comme si tout cela ne suffisait pas, mon café préféré a été fermé. Comme quoi, la journée était plus fun quand j'étais au travail avec Olivier…

Quand j'avais enfin franchi tous ces périples, je pouvais dorénavant me reposer et penser à autre chose. Mais les couleurs sont ternes, il n'y a aucune décoration et pourtant, je rêvais de pouvoir donner vie à l'endroit où j'habite. Mais le manque d'espace ainsi que le fait que je sois locataire me bloquaient. Je n'avais pas grand-chose ici, mais je me suis tout de même débrouillée pour pouvoir placer mon piano. En posant mon regard sur ce magnifique instrument hérité de mes grands-parents, quelque chose en moi a été irrésistiblement attiré vers mes vieilles ballerines, et ce malgré le poids du passé, malgré la douleur de ressusciter des souvenirs depuis longtemps enfouis vers ce lieu intime où la danse et la musique fusionnent pour créer une catharsis émotionnelle.

Pourtant, quelque chose me poussa à enfiler mes vieilles ballerines. Je ne l'avais pas fait depuis tellement d'années que le simple fait de mettre les souliers me faisait terriblement mal. Enfilant ces souliers usés, j'ai ressenti une poussée d'énergie, une impulsion irrésistible à laisser mon corps s'exprimer à travers les mouvements, indépendamment du style musical. Avec "Snowman" de Sia comme toile de fond improbable, j'ai retrouvé cette sensation de légèreté, cette envolée subite qui m'a transporté au-delà des limites de ma réalité. J’avais cette impression qu’on m’avait donné des ailes invisibles et pourtant me donnant des sensations bien réelles. Pendant un moment, j'ai été libre. Libre de tout souci, libre de toute douleur. Jusqu'à ce que je revienne sur terre. Littéralement et métaphoriquement. Sur Terre… La danse, aussi enivrante soit-elle, n'est plus pour moi. Les bleus et les chutes sont des rappels cruels que je ne peux plus ignorer. Comme Icare, j'ai volé trop près du Soleil, m'emparant d'une liberté éphémère avant de retomber dans les limites de ma condition humaine.

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