Chapitre 15

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Je craignais de perdre la plus belle chose qui me soit arrivée, comme j’ai perdu tout le reste, j'aurais dû apprécier davantage tous ces moments, si seulement je n’avais pas perdu mon temps à vivre dans la peur.

Suite à notre baiser, Julia semblait ailleurs, elle semblait heureuse, mais à travers ses yeux je pouvais voir une tristesse profonde. Son sourire masquait-il des tourments que je ne pouvais pas voir ? Je sentais un poids dans mon cœur en voyant cette dualité d'émotions sur son visage. Je la vis glisser une de ses mèches de cheveux rebelles derrière son oreille. Était-ce un moyen de dissimuler ses émotions derrière une façade de normalité ? J'étais troublé par cette observation, me demandant ce qui pouvait bien la tourmenter au point de dissimuler sa véritable détresse derrière ce geste anodin. Et pourtant cela la rendait irrésistible.

- Je n'ai pas arrêté de penser à toi après notre rendez-vous et je m'en suis voulu de t'avoir laissé sur le pas de ma porte sans même t'embrasser. Enfin bref, je voulais que tu saches que je t'appréciais beaucoup et j'aimerais vraiment que l'on continue de se voir en dehors du boulot.

Est-ce que c'était sa façon de me montrer qu'elle m'aimait ? Si c'était le cas, cela ne me dérange pas, loin de là. Il était évident que je voulais aussi continuer de la voir en dehors des heures de travail, mais j'aurais voulu mettre les choses au clair. Savoir ce que l'on est l'un pour l'autre. Malheureusement il était bien trop tôt pour parler de ça. Je devrais peut-être lui proposer une autre sortie, qui cette fois-ci, correspondrait mieux à notre situation financière actuelle. Ce n'était pas une question d'avarice, mais plutôt de bon sens. La fête foraine avait été une belle expérience, mais il était nécessaire de penser à l'avenir et de trouver un équilibre entre mes envies et mes moyens.

-Je me disais que l'on pourrait aller voir la pluie d'étoiles filantes qui aura lieu dans quelques jours, si ça te tente ?

-J'adore regarder les étoiles ! Je faisais ça tout le temps quand j'étais petite, mais depuis que je suis venue habiter ici, la vue n'est plus possible… J'habitais à la campagne avant d'habiter à ici et tous les soirs, on pouvait observer un merveilleux ciel étoilé.

-Je viendrais te chercher chez toi dans deux jours, vers 20 heures, si ça te va bien sûr ?

-J'ai déjà hâte, mais où voudrais-tu aller ? Car ici, on ne voit pas d'étoiles ou très peu.

-Ne t'inquiète pas pour ça, je connais un endroit incroyable. C’est loin, mais crois moi, ça en vaut la peine.

Comme chaque jour, nous faisions la même chose. Mais nous étions plus proches. Il y avait quelque chose qui avait évolué dans notre relation et je comptais bien faire en sorte que cela ne changerait jamais. Le temps, comme à son habitude depuis que je travaillais ici, passait rapidement, trop rapidement. C'était peut-être dû à Julia, ou même encore au fait que je fasse un métier qui me plaisait et qui ne me donne pas l'impression de travailler réellement. Nous avions presque terminé les derniers détails pour la conception de la robe. Je savais que dès qu'on aurait fini, nous devrions passer au projet suivant, j'étais tout de même rassuré sur le fait qu'il me restait encore suffisamment de temps avant le jour J. Mais je n'osais imaginer la pression que nous aurions tous, lorsqu'il nous restera quelques semaines pour terminer toutes les créations, que tout soit absolument parfaites. Nous avions encore du temps avant de penser au pire, mais je savais très bien que cela arriverait bien plus vite que je l’imaginais.

Il était vraiment temps que j'apprenne à vivre l'instant présent. Au bout d'un certain temps, lorsque Julia finalisait les derniers détails, je commençais à faire quelques retouches sur son chapeau, pour qu'il soit exactement comme elle le souhaitait. Il est vrai que je n'avais pas grand-chose à dire, mais elle l'avait commencé avant ma venue, il était tout à fait compréhensible qu'elle veuille faire à sa manière. Je savais que j'aurais plus mon mot à dire sur la prochaine création, qui concernera la Reine Blanche.

Le lendemain, nous avions fini une fois pour toute cette robe. C'était un tel soulagement, mais je ne pensais pas qu'on passerait si vite à autre chose. Nous avions à peine terminé que Julia commença à regarder ses anciens croquis pour essayer de trouver lequel correspondrait le mieux au thème imposé. En temps normal, nous étions censés montrer le projet final à Mme Alice pour qu'elle puisse le valider, mais puisqu'elle n'était pas là, nous étions contraints de démarrer la création suivante. Nous n'avions pas réellement avancé cet après-midi sur le nouveau projet, il était temps pour nous de nous reposer pour reprendre de plus belle. J'étais soulagé de voir que Julia était de plus en plus proche de moi. Je venais à peine de quitter la boutique qu'elle me manquait déjà, mais je la verrais dimanche soir. Pour l'instant, je profiterai de mon samedi pour pouvoir souffler et être en forme pour notre sortie nocturne.

Ces derniers temps, mon sommeil était agité, bien plus que d'habitude, mais j'avais en continu, ce sentiment que quelque chose allait se produire. Depuis toujours, dès que je pensais pouvoir réussir, quelqu'un ou quelque chose m'en empêchait, et ce, même si ça me tenait plus que tout à cœur, ça m'explosait en plein visage comme si je n'avais pas le droit au bonheur. Je savais que j’étais enfin dans l'entreprise de mes rêves et que pour une fois j'avais toutes mes chances de mon côté pour réussir, et que par-dessus tout, il y a cette fille qui me plait, avec qui tout se passe bien. Elle embellissait mes journées et m'aide à être une meilleure personne, même si elle ne le sait pas. Julia m'aide à apprécier la vie pour la première fois depuis des années. Et malgré tout ça, je me permets encore d'avoir peur ; mais j'avais toujours vécu dans celle-ci, je n'ai jamais eu la même chance que mes camarades étant petit. Ils ont toujours tout réussi, sans forcément s'en donner les moyens, alors que je me suis battu pour être enfin la personne que j'ai toujours voulu être. J'ai travaillé pour payer mes études, j'ai constamment essayé de faire de mon mieux et de me donner à fond pour atteindre mes objectifs, mais ça n’a jamais été suffisant. Et j'ai terriblement peur qu'aujourd'hui, que ça ne reste pas assez. Pour essayer de penser à autre chose, je pris mon casque et m’étais mis à écouter mon groupe de musique préféré, Fauve ! J'étais aussi un grand fan de Missio ou bien encore de Starset. J'ai toujours trouvé que le groupe Fauve avait des textes très profonds, et je me suis très souvent senti concerné par ce qu'il disait. Malheureusement, à force d'écouter ces chansons en boucle, je n'arrivais plus à ressentir le bien qu'elles me faisaient auparavant. Au mieux, cela laissait place à un énorme vide en moi. Finalement, écouter de la musique ne m'avait pas réconforté, donc le reste de ma journée consistait à faire quelques croquis qui pourraient toujours être réutilisés au travail et à rester des heures sur mon téléphone. L'après-midi passait assez rapidement, mais tout de même pas assez à mon goût. J'étais impatient d'être dimanche soir pour voir celle que j’aimais, et cela me donnait une excuse pour pouvoir faire un tour à moto avec une jolie fille. J'aime tellement cette sensation d'être en vie quand je roule !

J'étais bloqué dans mes pensées, en train de m’imaginer sur ma moto avec les bras de Julia autour de ma taille, jusqu'au moment où mes yeux se posèrent sur l'une des photos que j'avais dans mon appartement. C’était lors de son quinzième anniversaire, le dernier auquel j’ai assisté d’ailleurs. Elle souriait toujours les yeux fermés, ce qui empêchait de voir de quelle couleur ils étaient, dans mes souvenirs ils sont bruns, tout comme ses cheveux. Emy ressemblait tellement à notre mère, même si cela fait des années que je ne l’ai pas vu, je suis persuadé qu’elle lui ressemble davantage aujourd’hui. Je l'ai toujours admiré et elle n’en savait rien... Elle a toujours eu ce petit truc en plus par rapport à moi. Emy réussira, j'en suis persuadé. J'ai toujours eu cette impression qu'elle réussirait mieux que moi, et j'en étais fier, mais je l'enviais énormément. Car au fond, je savais très bien que j'étais nouveau dans la mode, j'ai déjà eu quelques petits boulots par ci par là, mais ma carrière pourrait disparaître au moindre faux pas. Et sans parler du fait que je ne me suis toujours pas fait un nom dans le milieu, ce qui pourrait accélérer la fin de ma carrière. Alors qu'Emy aura toujours un poste, qui l'attend bien au chaud quelque part. Chaque jour je m’en veux de l’avoir abandonné, je ne sais même pas ce qu’elle fait maintenant, ni si elle a quelqu’un dans sa vie, ou même si elle a des enfants… Elle me manque, je nous revois jouer lorsque que nous étions tous les deux encore des enfants, je donnerai tout pour pouvoir revivre un moment tel que celui-ci.

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