Chapitre 18

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Julia :

Ce n’était pas parce que je venais avec Olivier au travail que je devais renier toutes mes habitudes et mes devoirs. Je me devais de me rendre au cimetière, je n’avais pas le droit de faire cela à mes grands-parents, si je ne me rendais plus là-bas, ce serait comme si… Je les ai oubliés… Je ne peux pas leur faire ça, ils ont toujours été là, je paniquais en voyant le temps s’écouler. Je pouvais le faire, il fallait que je le fasse. Arrivé devant leurs tombes je n’ai pas su quoi leur dire. J’avais cette impression de les avoir trahi… Ce n’est pas la faute d’Olivier, mais si je n’avais pas passé la nuit avec lui je n’aurais jamais presque oublier d’aller les voir… Je ne dis qu’un seul mot :

-Désolé…

Et partie, espérant arriver encore à temps. Je courus le plus vite que je le pouvais, tout en regardant ma montre. J’allais ne pas y arriver, j’allais me faire renvoyer ! Je continuais en ignorant le tic tac de ma montre qui me rappelait à quel point j’étais en retard.

Arrivé devant l'enseigne, j'ouvris la porte si brutalement que la secrétaire me dévisagea.

-Bonjour…

Je lui répondis, aussi rouge et essoufflé qu’on pouvait l’être lorsqu'on n’est pas habitué à ce genre d'effort.

-Quelque chose ne va pas ?

-Je suis en retard… dis-je tout en crachant mes poumons.

-Pas du tout regardé l’horloge, il est moins cinq…

Je dévisageais les deux aiguilles de l’horloge murale puis, celle de ma montre, elle était en avance. Pour en avoir le cœur net, je me sentais obligé de vérifier une dernière fois. Je sortis mon téléphone et vit qu’il était bel et bien 7H55. Je n’étais pas en retard, j’étais même en avance… Le calme descendit soudain et sans continuer la conversation avec la secrétaire et je rejoignis Olivier dans l’atelier.

-Julia ? Ça va ?

-Oui, oui… Lui répondis-je encore toute essoufflé.

-Tu as couru ? Mais où es tu allé ?

J’étais partagé dans l’envie de lui dire et celui de lui cacher la vérité, mais son regard rempli d'inquiétude me fit choisir la première option.

-J’étais au cimetière.

Il ne répondit rien et attendait sagement que je poursuive mon récit avant de dire quoique ce soit.

-Mes grands-parents sont là-bas et depuis toujours je vais les voir chaque matin, mais j’ai failli les oublier ! Je suis un véritable monstre !

-Si tu me l’avais dit on aurait pu partir plus tôt tu sais ? Et bien sûr que non tu n’es pas un monstre, bien le contraire. Je ne connais personne qui ferait ça pour sa famille. Moi encore moins…

Il était si gentil avec moi et si compréhensif. J’aurais dû lui en parler plus tôt, cela m’aurait évité tout ce stress inutile…

La journée se déroula plus tranquillement que la matinée. Il m’arrivait même de déstabiliser Olivier en lui laissant un baiser sur sa joue. S'en était même devenu difficile de partir du travail. Je ne comprends même pas comment j'ai pu m'attacher à quelqu'un aussi vite, mais ça m'était égal, il me rendait heureuse. Olivier m'avait changé, j'étais enfin redevenue cette jeune fille insouciante et tête en l'air. Qu'est-ce que ça faisait du bien d'aimer et d'être aimé. Je crois que j'ai enfin trouvé la personne dont ma grand-mère me parlait après la mort de mon grand-père. Le jour de son enterrement, elle m'avait expliqué que, bien sûr, elle était malheureuse, qu'elle avait mal, mais qu'elle avait eu la chance de connaître le véritable amour. Celui qu'on ne connaît qu'une fois dans sa vie. Et qu'elle espérait que je connaîtrais aussi un jour cette chose mystérieuse et si rare. Mon grand-père a été l'unique homme de sa vie. Je rêve de vivre la même chose qu’eux. Il est sûrement trop tôt pour le dire, mais j'espère qu'Oliver sera cette personne-là. Je sais que je suis allée beaucoup trop vite, mais je n'en pouvais plus de l'avoir près de moi toute la journée et de ne pas pouvoir l'embrasser, le serrer dans mes bras, et ne faire qu'un avec lui. Toute ma vie, je me suis dit que je devais aller doucement, prendre tout le temps qui m'était mis à ma disposition. Cela ne m'a pas empêché de rencontrer de mauvaises personnes et de souffrir. C'est pourquoi je ne peux pas m'empêcher de brûler les étapes avec lui. J'ai cette impression que je dois en profiter un maximum avant qu'il me laisse comme les autres l'ont déjà fait. Je n'avais jamais eu aussi peur de perdre quelqu'un. C'est comme une bouffée d'air frais.

J'étais seule dans mon lit, minuit passé, pourtant je n'arrivais pas à fermer un seul œil. Depuis la première nuit que nous avons passée dans les bras l'un de l'autre, je n'arrivais plus à dormir, du moins à avoir un sommeil réparateur, lorsqu'il n'était pas à mes côtés. Je me remémorais tous les bons moments que nous avons passés ensemble, en boucle. Cela me donnait une décharge d'énergie que je n’avais jamais connu auparavant. Si je n'arrivais pas à dormir, autant faire quelque chose de ce temps. Je me levais et m'installais près du piano, puis appuyais sur quelques touches au hasard. Je savais en jouer, mais je n'avais aucune inspiration. Puis je repensai à un morceau qui me fait brûler de l'intérieur, Nuvole bianche de Ludovico Einaudi. Cette musique était pour moi un véritable chef-d'œuvre. Elle me faisait ressentir des émotions si intenses et unique. Je commençai à jouer, et dès les premières notes réalisées, je me transportais dans un autre monde, le mien. J'étais dans ma bulle, le seul endroit qui m'est complètement unique. La musique me permettait de vivre plusieurs vies. Certaines personnes ne comprenaient pas ce que je voulais dire, d'ailleurs, je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui comprenne ce que j'essayais de leur expliquer. Chaque musique a une histoire, et lorsqu'on la joue, on vit cette histoire. Tout comme une personne qui lit un livre, elle vivra l'aventure de cet ouvrage. Moi, je vis la musique. Il m'arrive même parfois, lorsque je joue du piano. De m'imaginer un endroit propre à chaque chanson, un monde entier qui la représenterait. Contrairement aux moments où je danse, j'écris ma propre histoire. Une qui colle à l'humeur exacte que je ressens. Chez moi, il n'y a pas de simple émotion, comme juste de la colère, de la tristesse, de la joie. Je peux très bien ressentir de l'amour et de la haine en même temps, du dégoût et de l'envie. Tout cela est plus que contradictoire, je le sais bien. Mais quand je me mets à danser, ces émotions sont en parfaite harmonie. À force de cogiter, je n'avais même pas remarqué que j'étais arrivée à la fin du morceau. Il était trois heures du matin passées, et je me levai dans à peine quatre heures. Le réveil allait être dur, si j'arrivais à m'endormir, bien sûr. Je m'allongeais dans mon lit, fermais les yeux et essayais d’atteindre le pays des rêves une bonne fois pour toute. Jusqu'au moment où une question me traversa l'esprit ; Est-ce qu'Olivier acceptera la personne que je suis réellement ?

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