Avec Valentin on s’aménage des horaires rien qu’à nous. Pendant qu’il bricole dans son laboratoire à former sa très jeune apprentie qui ressemble à un bonbon acidulé, je pars avec ma poussette au Parc du quartier pour montrer le printemps à mon bébé. Au loin je vois Maëlle assise sur un banc, elle admire son Philibert qui bricole la structure métallique du kiosque à musique. Elle me repère, se lève et s’approche de nous. Je la vois arriver comme au ralenti, elle a cette force en elle, positive comme jamais, ancrée dans son aura, définie dans son destin. Elle vient droit sur moi jusqu’à ce que nos visages se touchent pour se faire la bise. Maëlle regarde Mona-Lisa dans la poussette :

• Ça fait bientôt trois mois et c’est encore un bébé ? La gestation terrienne est bien étrange, elle arrête le temps, elle bouleverse tous nos repères.
• Elle recalibre nos outils de mesure, elle redonne le pouvoir au présent.
• J’aime mon présent. Ne restons pas là, Phil va faire du bruit.

On va s’asseoir à la terrasse du Boui-Boui.

• Greta, merci.
• Je n’y suis pour rien. C’est Énola. Elle n’utilise pas beaucoup l’Invisible mais à chaque fois c’est radical, spectaculaire. Et surtout, elle peut nous contrôler, moi qui lui ai donné son pouvoir et toi avec qui elle le partage. C’est bien d’avoir une locale au centre du jeu. En plus elle n’est personne alors elle est tranquille. Neutre. Même la B4 la laisse tranquille. Elle est déjà une légende. On a de la chance de l’avoir. On doit bien profiter du bonheur qu’elle nous offre. J’ai eu plusieurs vies et j’ai l’impression que celle là c’est la bonne, avec Valentin. Tu as aussi cette impression avec Philibert, n’est ce pas ?
• Oui, je ne vois rien au-delà de lui. Avec lui tout est fait pour durer. Tout paraît absolu et éternel. Dès le premier baiser il a canalisé mes pouvoirs. À partir de là tout a été possible. Maintenant que j’ai tous les ingrédients, il ne faut pas que je rate la recette du bonheur.

Elle me regarde. Elle attend une confirmation de ma part, une réponse, un conseil ?

• Il faut respecter les ingrédients, suivre la recette, ne pas improviser. Pas de cuisson à l’étouffée. Ça doit respirer, s’épanouir, se révéler. On doit contrôler en restant dans les limites. Par exemple, avec Valentin, on se laisse notre liberté, on reste nous-même chacun de notre côté, on ne devient pas l’un l’autre, on ne fusionne pas, on s’accepte. Il a ses manies, j’ai les miennes. Et à chaque fois on se retrouve. C’est intense, absolu et éternel.